mercredi 10 juin 2020

Réplication dans le nez, mutations. Podcast #47 du 9 juin 2020

Réplication du virus dans le nez 

Korinna Hennig: Il y a de nouvelles connaissances sur la transmission du virus. Jusqu'à présent, il a été question de la gorge, des voies respiratoires supérieures. Et puis au cours de l'infection des voies respiratoires inférieures, c'est-à-dire des poumons. Et le nez n'apparaissait que marginalement dans les considérations. Maintenant, un groupe de chercheurs de disciplines très différentes a publié une étude. La muqueuse nasale devient soudainement un protagoniste. [Je voudrais commencer par expliquer comment les chercheurs ont procédé] ils ont regardé quelles quantités de récepteurs ACE2 se trouvaient et où. En d'autres termes, l'enzyme dont le virus a besoin pour pénétrer dans la cellule. Ils ont recréé un virus, un virus synthétique aux propriétés fluorescentes qui peut devenir lumineux, rendant ainsi visible l'infection de certaines cellules.

Christian Drosten: Nous avons donc ici une méthode très classique de virologie moléculaire. Nous parlons de génétique inverse. Ce que nous faisons: Nous prenons le virus - je dis «nous», mais bien sûr mon laboratoire n'a pas été impliqué dans cette étude! Mais nous avons aussi cette technologie. Alors ce que vous faites: vous prenez le génome du virus, qui a une forme d'ARN, c'est-à-dire l'acide ribonucléique, et non l'acide désoxyribonucléique qui a un double brin. Une très grande part des techniques de biologie moléculaire sont basées sur l’examen de mutations au niveau de l'ADN, donc de chercher des changements. Au niveau de l'ARN, nous ne pouvons pas le faire facilement. Nous ne pouvons pas insérer des mutations dans l'ARN. Les chimistes peuvent le faire, bien sûr, mais les biologistes moléculaires doivent d'abord faire une copie complète de l'ARN sous forme d'ADN. Il s'agit donc de l'ADNc, un petit c devant les trois lettres ADN, qui sont en majuscules, qui signifient «ADN complémentaire» et nous pouvons maintenant cloner cet ADNc. Par exemple, nous pouvons l’incorporer dans un plasmide. Et ce plasmide peut ensuite être répliqué dans des bactéries […] et ensuite traiter cette grande quantité de plasmide grâce à des méthodes de biologie moléculaire. Par exemple, détacher des morceaux ou insérer d'autres morceaux de cet ADNc. À partir de ce plasmide, nous pouvons également copier l'ARN avec une enzyme. Et nous pouvons introduire cet ARN transcrit dans des cellules de culture. Une nouvelle réplication de virus en découle et de nouvelles protéines sont éliminées de l'ARN. Les protéines commencent alors à répliquer le virus elles-mêmes. Et à la fin, un nouveau virus sort de cette cellule, qui a reçu cet ARN. Et c'est en effet un virus produit artificiellement. Ceci est fait à partir d'une copie intermédiaire. Il s'agit donc en fait d'une copie parfaite du virus d'origine, qui ne se distingue pas en laboratoire. Mais ce que vous pouvez bien sûr faire maintenant, c'est ôter une protéine au niveau de l'ADNc […] pour voir si, par exemple, le virus se réplique toujours aussi bien. Nous pouvons alors conclure que cette protéine que nous avons retirée pourrait être importante pour le virus. […] Et on peut aussi faire autre chose, ce que ces chercheurs ont fait. [...] Ils ont remplacé une protéine par une protéine fluorescente verte, qui provient d'une algue et peut être incorporée dans diverses molécules biologiques. Ici, elle a été intégrée dans ce génome du virus. Et si vous regardez ensuite des cellules infectées par ce virus artificiel au microscope, vous pouvez voir qu’elles émettent une lumière verte. C'est très utile si vous voulez savoir où ce virus se reproduit, dans quel type de cellule.

On peut prélever un morceau de tissu à partir d'une préparation chirurgicale, par exemple, d'un patient subissant une opération de la muqueuse nasale, parce qu'il y a un polype ou une tumeur. Des morceaux de tissus sains sont également retirés, et nous pouvons infecter ces morceaux avec un virus brillant, puis regarder au microscope pour voir quel type de cellules exactement a été infecté ? les cellules ont toutes des fonctions différentes : [certaines, avec des cils, sont conçues pour transporter le mucus], d'autres sont des cellules caliciformes qui fabriquent ce mucus. Ensuite, il y a d'autres cellules qui fabriquent d'autres substances qui aident à maintenir cette muqueuse en vie. Ce sont des cellules dites de Clara. Il y a donc ces trois grands types de cellules : Cellules ciliées, les cellules Clara et les cellules caliciformes. Nous pouvons les distinguer les unes des autres, puis infecter et regarder quel type de cellules ont été infectées?

Hennig: Et dans ce cas, ce sont plutôt les cellules ciliées.

Drosten: Exactement. Voilà la conclusion qui ressort de façon générale. Ce n'est pas une grande surprise, d'ailleurs, c'était la même chose avec le virus du SRAS de 2003.[…]

Hennig: Mais pouvons-nous en conclure qu’on peut être plus facilement infecté par le nez que par la gorge?

Drosten: Oui, mais encore une précision: Dans cette étude, [on a utilisé] des morceaux de nez, mais aussi de gorge et de trachée. Puis aussi les sections les plus profondes de l'arbre bronchique jusqu'à la section terminale, jusqu'aux alvéoles. On a cherché l'expression du récepteur d'entrée du virus, l’ACE2, enzyme de conversion de l'angiotensine numéro deux.

Hennig: La serrure qui correspond à la clé.

Drosten: Oui, exactement. Il s'agit de la molécule à la surface cellulaire sur laquelle ce virus se connecte pour entrer dans la cellule. Mais il y a un facteur supplémentaire, une protéase transmembranaire. TMPRSS2. Et cette protéase transmembranaire et le récepteur ont été initialement caractérisés le long de l'ensemble des voies respiratoires - en termes de niveau d'expression. Et le TMPRSS2 est partout. Le récepteur ACE2, cependant, est d’avantage présent dans les voies respiratoires supérieures et particulièrement dans le nez. Cela conduit évidemment au fait que le virus du SRAS-2 se développe particulièrement bien dans l'épithélium muqueux nasal. Le nez est donc apparemment un très bon organe cible pour le virus du SRAS-2.

Hennig: Cela signifie-t-il que nous devons tirer une leçon concernant notre comportement? Nous savons que nous devons recouvrir le nez et la bouche, mais on voit toujours des gens qui portent le masque que sur leur bouche.

Drosten: Même sans cette étude, on sait qu’on ne doit pas faire comme ça. […] Parce que cette protection bouche-nez est censée intercepter tout ce que vous expirez, non seulement par votre bouche, mais aussi par votre nez. En fin de compte, cela peut également venir des poumons. […] Et il ne faut pas oublier: le nez n'est pas seulement la connexion directe avec la gorge, mais [il y a aussi les sinus] où il y a aussi une muqueuse où l’ACE2 s'exprime également. Et il y a la constatation que les patients infectés par le SRAS-2 ont une sinusite, une infection des sinus. Donc, tout ce qui est directement connecté au nez est plein de virus. Je pense donc que l'on peut supposer que lorsqu'on expulse par le nez, on excrète également une bonne quantité de virus.

Hennig: Et les résultats peuvent-ils éventuellement être utilisés pour imaginer un traitement?

Drosten: Je pense que c'est un peu difficile actuellement, même si c’est discuté dans l’étude. On a aussi regardé les poumons des patients décédés, qui n’avaient pas été ventilés. Et ce qu’on a vu, c'est qu'il y a un schéma de distribution des foyers d'infection dans les poumons qui pourrait s'expliquer par l'aspiration du virus par les voies respiratoires supérieures. […] Le virus est inhalé par le nez [avec] de petites particules de liquide et de mucus, et là où ça atterrit dans les poumons, on a un nid d'infection. Ces nids se répartissent le long de l'arbre bronchique de haut en bas dans les poumons. Maintenant, bien sûr, la question est: cela aurait-il une conséquence thérapeutique? Vous ne pouvez pas dire aux gens de ne pas respirer par le nez, ce n'est certainement pas une recommandation qui puisse être faite! Mais ce qui vaut la peine d'être considéré est une thérapie par inhalation au début de l’infection [...] Ce ne serait pas une mauvaise idée si vous aviez des substances antivirales sous forme de spray nasal ou à inhaler. Les sociétés pharmaceutiques y travaillent également [...] Vous pouvez donc tirer quelque chose de cette étude.[…]

Et d’autres choses peuvent être dérivées de cette étude. Par exemple, l'idée que le nez capte le virus et qu'il commence à se répliquer. C'est généralement le cas avec une infection virale. Nous avons une phase initiale de réplication du virus dans la muqueuse que les cellules remarquent. Nous parlons de détection d'infection ou de détection immunitaire, qui déclenche des réactions immunitaires locales, en particulier du système immunitaire inné. Par exemple, la libération d'interféron. L'interféron est une première ligne de défense contre les infections virales en général. Et ce qui se passe, c'est que la cellule infectée produit cette substance et la libère dans le voisinage. Et les cellules voisines sont alors prévenues. Ce signal d'interféron [dit] aux autres cellules: il se passe quelque chose, protégez-vous. Un chemin de transduction du signal commence alors. Il s'agit du chemin de signal dit JAK-STAT. Cela signifie que les gènes sont activés dans le noyau cellulaire qui ne sont autrement pas utilisés du tout. Et lorsque ces gènes sont exprimés dans la cellule, la cellule modifie son métabolisme dans un mode complètement différent. Certaines choses qui sont là pour maintenir l'état de base de la cellule sont mises en arrière-plan. La cellule court même le risque de se sacrifier. Et la priorité est donnée à l'expression des protéines qui bloquent la réplication des virus. Il peut s'agir de protéines qui interfèrent avec le métabolisme des acides nucléiques des virus et malheureusement aussi de la cellule elle-même, ce qui signifie que la cellule est en danger. Cependant, cela peut également être autre chose, par exemple la production et l'excrétion de protéines, ce qui a pour conséquence que les conditions environnementales pour la production de particules virales empirent […] Ainsi, un virus arrive, infecte un nid de cellules sur une muqueuse, et un statut antiviral apparaît dans le voisinage de ces cellules, ce qui fait des vagues sur toute la muqueuse. La muqueuse entière est alors [en mode] antiviral. L'irritation nasale en est une conséquence. Les cellules immunitaires sont alors à nouveau attirées, ce qui entraîne la libération d'autres substances qui provoquent ces irritations. [...] On peut se demander si ça fait une différence de recevoir une dose de virus, qui déclenche alors toute l’infection, ou 10 ou 20 doses. Cela pourrait également permettre de répondre à la question sur la façon dont vous contractez la maladie. À savoir, en passant, avec une dose juste suffisante pour fixer un foyer d'infection dans le nez, ou dans un scénario opposé, où un patient est dans une pièce depuis longtemps avec beaucoup de virus dans l'air.

Dernières découvertes sur la mutation du virus 

Hennig: Il y a aussi une nouvelle étude pré-publiée d'Oxford. Un avertissement: ce sera un peu compliqué. Dans cette étude, des échantillons de 400 patients ont été examinés et leurs gènes viraux ont été séquencés.

Drosten: Cette étude porte sur la question de savoir à quoi ressemble réellement le virus chez un patient. Et maintenant, je dis juste le virus, comme je dirais: l'argent. Il peut y avoir beaucoup d'argent en circulation, comme on dit aussi qu'il y a beaucoup de virus dans l'infection, dans une épidémie. Et quand je dis le virus chez un patient, je veux dire un nuage indéfinissable, on peut aussi dire une population. Chaque virus a un génome complet. Et si nous prenons maintenant toute une population de virus chez un patient, nous parlons d'une situation dynamique. Vous pouvez essayer d'analyser cela et dans cette analyse de séquence, il n'est pas si facile de distinguer les virus individuellement, mais vous obtenez quelque chose comme une somme de toutes les séquences. Vous obtenez donc une grande collection de sections de séquençage individuelles qui décrivent la population du virus. Les scientifiques ont d'abord examiné les mutations spécifiques qui se produisent dans ces virus. Et ce qu'ils cherchaient, c'est si le virus a l'habitude d'acquérir une mutation à un certain point. Différentes lignées de virus, indépendamment les unes des autres.

Hennig: Aussi chez différents patients?

Drosten: Oui, exactement. Et nous parlons ici, dans l'évolution, de ce qu'on appelle une convergence, une caractéristique qui apparaît car elle a du sens pour les virus.[...] Et maintenant, on a examiné ces caractéristiques chez des patients à Oxford et dans un endroit à environ 60 kilomètres, Basingstoke. Et on a regardé ce que les virus de ce cluster ont en commun. On peut supposer que ces personnes peuvent avoir des contacts entre elles. L'ensemble de l'étude ici est basée sur environ 405 génomes de virus complets. [...] On a regardé dans les 405 séquences et vu: Dans 87 de ces séquences, soit 87 personnes, quatre caractéristiques les plus courantes se produisent toutes ensemble. Et dans 78 autres, aucune de ces quatre caractéristiques les plus courantes n’apparaît simultanément. Cela signifie que nous avons déjà un lien très fort entre ces caractéristiques. Elles sont toutes là en même temps ou pas du tout. Entre les deux ... 87 plus 78 ne sont bien sûr pas 405. Entre les deux, il y a un bruit de fond technique et génétique. Cela peut avoir peu de sens quantitatif car il existe de nombreux facteurs perturbateurs. Mais il est frappant que ce phénomène se produise complètement ou pas du tout chez un si grand nombre de patients ici. Ensuite, on a regardé comment la distribution de ces caractéristiques diffère au sein d'un même patient. Et c'est très intéressant. […] Cette caractéristique est appelée polymorphisme mononucléotidique intra-individuel, c'est-à-dire polymorphisme mononucléotidique (SNP). [...] Et pour revenir aux chiffres antérieurs: 87 des 405 patients ont des variations dans leurs populations de virus aux quatre mêmes endroits. Et 78 autres personnes n'ont aucune variation de virus dans leur virus à aucun de ces endroits. Telle était donc la constatation initiale frappante.

Hennig: Est-ce quelque chose qui vous surprend?

Drosten: Cela me surprend, oui.

Hennig: Pourquoi?

Drosten: Cela me surprend car cela pointe vers quelque chose qu’en tant que virologue, je soupçonne déjà dans ces données, mais que nous devrons peut-être développer encore dans la discussion. Voyons maintenant comment cela est réparti géographiquement. [...] Les virus à Oxford sont différents à d’autres endroits chez un même patient qu'à Basingstoke. Il y a donc des cas de patients qui ont des différences aux mêmes endroits du virus. Et ce sont les mêmes à Oxford. Et puis il y a d'autres endroits qui sont cohérents à Basingstoke. Deux choses peuvent arriver. La première est que les virus sont structurés géographiquement. Et l'autre chose est que les virus sont structurés phylogénétiquement. Nous prenons donc deux échantillons différents de virus, deux génomes et les comparons. Et cela peut être simplement parce qu'ils sont proches les uns des autres localement. Ou il peut arriver qu'ils soient réellement développés sur un arbre généalogique. Une propriété qui peut être la même dans deux génomes, même si ces deux génomes ne sont en réalité pas très étroitement liés. Et cela peut être dû au fait que ces deux lignées génétiques distinctes se sont récemment mélangées sur le lieu d'observation. Donc, la question qui est en réalité ici est la suivante: l'emplacement prévoit-il que deux virus sont liés ou est-ce que l'arbre généalogique phylogénétique prévoit que deux virus sont liés?

Un virus A a donc un nucléotide A au numéro 5 000 du génome, et qui deviendra toujours un nucléotide T après deux semaines, pour une raison que nous n'avons pas à comprendre maintenant. Ce n'est qu'une observation. Mais cela ne se produit qu'avec ce virus sur cette branche de l'arbre généalogique. Un virus qui se trouve sur l'autre branche de l'arbre généalogique n'a pas cette propriété, c'est-à-dire cette tendance à faire une mutation à ce stade. Et c'est important pour expliquer cette variabilité. Parce que nous devons nous demander maintenant: cette variabilité est-elle maintenant apparue chez ce patient, simplement parce que le patient a ce virus de cette branche de l'arbre généalogique et non de l'autre? Alors, est-ce une propriété du virus même? Ou s'agit-il d'une autre propriété, à savoir géographique? Et la réponse est déjà là. Ce n'est pas un trait viral car ce trait n'est pas structuré phylogénétiquement. Mais cela est évidemment structuré géographiquement. Parce qu'à Oxford, il y a les mêmes concordances en ce qui concerne l'emplacement. Quant au placement de la variabilité dans le génome, il est différent des endroits où le même phénomène se produit chez les patients de Basingstoke. On est allé plus loin et on a regardé des scénarios et fait des observations intéressantes.[…] Des patients ont été infectés par au moins deux virus différents. Et à partir de ça, deux branches différentes se sont développées.[...] Imaginons un virus vert et l'autre rouge. Presque tous les patients ont une population de virus rouge ou verte. Mais il y a des patients qui ont un nuage de points mélangé. Ils ont beaucoup de points rouges, et beaucoup de points verts. Soit dit en passant, nous l'avions déjà vu dans notre enquête sur la cohorte Webasto à Munich. Dans un cas, un patient avait un virus différent dans la gorge que dans les poumons. Et cela semble se produire plus souvent qu'on ne le pensait. Donc, ici, dans ce cas, nous avons trouvé cela dans l'enquête globale, c'est-à-dire dans le grand ensemble de données dans 20 des 1446 génomes. Et de manière frappante. [...] Et cela peut se produire de deux manières. La chose évidente est la suivante: j'ai un virus dans mon infection, puis un autre virus, une surinfection. Je reçois donc une infection supplémentaire. […] Il doit être possible que toute la population de virus colorés a été transmise. Que ces patients infectés ont reçu au moins deux virus différents. Un rouge et un vert. Et cela ne semble pas être si rare avec ce virus.

Hennig: Le virus, s'il mute, veut s'optimiser, assurer sa survie. C'est le seul objectif d'un tel virus. S'il y a tant de variantes différentes qui continuent de coexister, est-ce une bonne nouvelle de notre point de vue?

Drosten: De notre point de vue, c'est une très mauvaise nouvelle.

Hennig: Mauvaise nouvelle?

Drosten: Oui.

Hennig: Est-ce à dire que le virus s'optimise à plusieurs niveaux?

Drosten: Oui, tout d'abord, la conclusion fondamentale est la suivante: il y a évidemment des patients qui contractent leur infection avec une dose d'infection plus élevée qu'une simple unité infectieuse. Et cela ne semble pas être aussi rare avec cette infection virale. D'un point de vue biologique évolutif, nous avons un goulot d'étranglement relativement large. J'ai beaucoup de virus dans le nez ou la gorge. Une unité infectieuse de celui-ci passe à quelqu'un d'autre et là, ce virus devient une grande population. Cela signifie que cette population est passée par un goulot d'étranglement, par un rétrécissement dans lequel la taille de la population était un entre-temps dans l'événement d'infection. Il n'y avait donc qu'un seul virus. Et ce rétrécissement de la taille de la population s'accompagne d'une diminution de la taille effective de la population à long terme avec ce virus. Et une petite population a peu d'options par rapport à une grande population en ce qui concerne les mutations adaptatives, c'est-à-dire les mutations qui ont également un sens pour le virus. Mais en principe: un virus qui passe toujours par un goulot d'étranglement de la population doit lutter contre les mutations qui ne sont pas utiles. Nous parlons de dérive génétique. Si une mutation se produit quelque part dans un génome, il est plus probable qu'elle soit mauvaise plutôt que bonne pour l'organisme. Et si nous retirons une seule unité infectieuse de cette grande loterie, il se peut que le virus qui est transmis soit un mutant qui n'est probablement pas utile. Cela conduit à une infection morte. J'ai donc un virus cassé et je ne suis pas vraiment infecté. Cela se produit davantage avec un goulot d'étranglement serré. Avec une taille supplémentaire au goulot, c'est-à-dire avec une dose de virus transmise plus élevée en moyenne dans l'événement d'infection, je recevrai toujours le type [viable]. Et cet effet de frein, inhérent à une telle infection avec un goulot d'étranglement de un, n'est plus efficace. Ce n'est pas si bon pour la pérennité de l’infection.[…]

Ces virus qui se multiplient dans la cellule deviennent de nombreux virus successeurs. Ils ne peuvent vraiment changer que par des mutations qui s'accumulent lentement. En évolution, il arrive souvent qu'une mutation ne fasse aucune différence et seule la somme de trois, quatre ou cinq mutations apporte un changement phénotypique important, c'est-à-dire dans la forme et les manifestations et le comportement d'un tel virus. Et pour que ces différentes mutations se rejoignent, vous avez besoin d'un virus qui ne fait qu'un processus de mutation directe... Il y a donc une mutation, et il y en aura une autre dans la génération suivante et une autre dans l’autre génération. Et il ne faut que cinq générations pour percer, puis le virus qui émerge a un avantage de sélection et se multiplie plus rapidement que la concurrence dans la même population. Comment ces cinq mutations sont-elles censées se rencontrer lorsque les quatre premières ne sont d'aucun intérêt pour le virus? Cela signifie qu'ils ne se réunissent pas du tout. Cela signifie que le virus reste stable. Le virus ne devient pas plus dangereux ou plus contagieux, car l'évolution ne peut pas anticiper, ce ne sont que des processus statistiques et stochastiques. Et maintenant, il y a quelque chose qui a profité aux organismes au cours de leur histoire évolutive en termes d'assemblage de mutations utiles. On peut donc imaginer qu'une sous-unité d'une population crée une ou deux mutations qui ne sont pas encore utiles en elles-mêmes. Et dans une autre sous-unité de la population, deux autres mutations surviennent qui ne sont pas utiles en elles-mêmes. Mais si vous les rassemblez dans une progéniture, tout se produit soudainement. Et c'est soudainement un énorme avantage de sélection pour ce nouvel organisme, qui a maintenant assemblé les mutations. Assembler ces mutations est une recombinaison, c'est-à-dire un croisement et une fusion des génomes. Ainsi, les virus peuvent également se recombiner - même à partir de branches parallèles. Un virus, sur quoi s’optimise-t-il ? Sur la contagiosité, en se répliquant de façon plus concentrée.

Hennig: Est-ce quelque chose que vous craignez si les résultats de cette étude sont confirmés?

Drosten: Je pense que sur la base de cette étude, nous devons être conscients qu'il s'agit probablement d'un virus qui se transmet dans un plus grand nombre d'événements infectieux avec une population légèrement plus grande, de sorte que les populations de composition mixte restent stables sur plusieurs patients d'affilée. Et cela signifie que le virus a déjà de meilleures chances d'optimiser les humains - à long terme. Il y a donc une chance qu'il s'adapte mieux aux gens que s'il n'avait pas ces doses de transmission plus importantes. Et cette adaptation peut se produire en ajoutant différentes mutations dans différents branches. Et les changements phénotypiques qui pourraient en résulter, par exemple, seraient que le virus se réplique encore mieux dans le nez et est mieux transmis. Mais cela ne rend pas trop malade. Cela signifie que tout ça se termine par un nez qui coule, [et que les poumons ne soient plus touchés]. Cela pourrait arriver.

Hennig: Ce serait une bonne nouvelle.

Drosten: Ce serait bien. Ce serait une banalisation de cette maladie. D'un autre côté, quelque chose d'autre peut également se produire. On peut aussi dire que le virus est déjà optimisé pour le nez, ce qui veut dire que ce qu'il pourrait faire maintenant est augmenter son niveau de réplication dans toutes les muqueuses, ce qui affecterait également les poumons, devenant une maladie plus grave. [...] Si le virus s’optimise sur le nez et touche moins les poumons, nous avons le nez qui coule pendant une longue période sans nous sentir mal. Et le virus se transmet encore mieux. Et il aurait clairement un avantage de sélection au niveau de la population. Dans l'autre cas, si l'évolution du virus fait que le niveau général de réplication augmente, alors il frappe partout - le nez, mais aussi les poumons. Et nous tombons malades plus rapidement ou davantage d'entre nous tombons malades. Et sachant qu'il s'agit d'une maladie infectieuse dangereuse, nous restons à la maison et contaminons moins de patients, ce qui serait un inconvénient pour le virus. Et maintenant, je parle en tant qu’être humain, prudemment optimiste, et je dis que, d’après l'expérience, les épidémies virales deviennent plus inoffensives avec le temps. Ce n'est pas seulement une immunité de la population qui apparaît, c'est [...] qu’un virus qui circule depuis longtemps perd une partie de sa virulence [dans les modèles animaux] [...]