lundi 28 septembre 2020

Les tests. Podcast #57 du 22 septembre 2020 (extraits)

Test antigénique pour un symptomatique ?

Ciesek J'ai lu hier qu'il avait été envisagé de faire un test d'antigène, puis, par exemple, de dire au patient après 15 minutes s'il était positif au SRAS-CoV-2 et de faire une PCR ensuite. Je ne suis pas en faveur de cela, je dois dire. Parce que je veux connaître le diagnostic exact des patients symptomatiques. Nous aborderons les faiblesses des tests antigéniques plus tard. J'imagine alors que c'est difficile, imaginez qu'il y a quelqu'un avec des symptômes. Le test antigénique est négatif, le patient pense alors qu'il a des rhinovirus ou un autre virus, rentre chez lui et les symptômes s'aggravent après quelques jours, se présente à l'hôpital. Et puis il y a confusion selon laquelle il a été testé négatif, devez-vous le tester à nouveau maintenant? Le diagnostic n'est souvent pas plus facile, car au bout d’un temps la charge virale n'est alors plus aussi élevée. Et puis le système immunitaire et la réponse du système immunitaire jouent également un rôle. C'est pourquoi je pense que les patients symptomatiques devraient avoir le bon diagnostic avec un test sensible, c'est-à-dire avec la PCR, pour ne pas compliquer le tout. [...]


Faux négatifs PCR

Nous faisons un prélèvement nasopharyngé et ce frottis dépend de très nombreux facteurs. Par exemple, de l'écouvillon que vous utilisez; il existe différentes qualités. Je me souviens que lorsqu’il y a eu pénurie de matériel en avril, nous avons pris chaque écouvillon et chaque tube d'écouvillon que nous recevions. Mais il y a différentes qualités. Il y a des cotons-tiges, puis il y a ce que l'on appelle les phlox swaps qui prennent beaucoup plus de matière et sont mieux adaptés.

Ensuite, il existe différents supports dans lesquels le frottis est transporté. Cela a également un impact sur le résultat. La qualité de la réalisation dépend de la technique de prélèvement ou de l'examinateur. Combien de cellules ont été absorbées? Comment l'échantillon a-t-il ensuite été stocké, par exemple. Le médecin l'a-t-il mis au soleil et l'a laissé là pendant quelques heures ou l'échantillon a-t-il été refroidi ?. Et puis avec le prélèvement dans la gorge, il est également possible que l'agent pathogène soit inégalement réparti dans l'échantillon. [...] Et tout cela joue également un rôle dans le test. […]

Test salivaire

Hennig: Il peut maintenant y avoir des alternatives à ce prélèvement de la gorge et du nasopharynx, c’est le test salivaire. Nous en avons déjà discuté ici dans le podcast. Il y a des résultats de recherche encourageants sur la valeur informative de ce test. Et bien sûr, [l’autoprélèvement] permettrait de soulager un peu le service de santé. Selon les recherches, quelles alternatives sérieuses existe-t-il?

Ciesek: Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui font de la recherche, y compris nous. Je pense qu'il est très important d’évaluer si l’autoprélèvement peut fonctionner. Cela présente d'énormes avantages. Vous avez besoin de moins de travailleurs qualifiés et de moins de vêtements de protection pour les travailleurs qualifiés. En théorie, vous pouvez exécuter plus de tests. Et, cela ne doit pas être sous-estimé, le risque d'infection est bien moindre si les patients pouvaient faire eux-mêmes le prélèvement puis simplement déposer leurs échantillons devant la porte pour qu’un service vienne les chercher.

C'est pourquoi de nombreux efforts sont déployés pour rechercher d'autres [méthodes de prélèvement]. Par exemple, il y a une étude dans "Jama Open" parue en juillet aux États-Unis. Ils ont examiné des écouvillons nasaux. Donc non pas en passant par le nez à l'arrière de la gorge, mais un frottis du milieu du nez. Ils ont enquêté sur 185 personnes. Mais ils étaient symptomatiques, ce n'étaient pas des patients asymptomatiques. Par conséquent, les résultats ne sont pas nécessairement transférables à tout le monde, mais cela s'applique au symptomatique. Ils ont eu un écouvillon nasopharyngé et l'ont comparé à un auto-frottis du nez et ont dit que lorsque la charge virale est élevée, les résultats de la PCR étaient comparables. Cependant, il faut dire que si la charge virale n'était pas élevée, ou si la valeur Ct était supérieure à 33 dans le cas, alors il y avait souvent des faux négatifs. On peut à nouveau voir que cela dépend beaucoup de la charge virale. Et pour nuancer l'étude, c'est qu'il y avait de très nombreux participants issus du secteur de la santé. Ainsi, sur les 185, 158 travaillent dans les hôpitaux ou les soins de santé et n'étaient donc pas des profanes. Et vous devez tenir compte de cela aussi. Une autre différence était que les échantillons étaient ensuite prélevés et souvent l'auto-frottis n'était effectué que le lendemain. Donc pas le même jour que le frottis du médecin. C'est pourquoi vous devez dire dans l'étude que c'est une approche intéressante qui peut fonctionner. La seule question est, cela peut-il aussi marcher avec des profanes? Et si quelqu'un est vraiment asymptomatique, présymptomatique, contrairement à ceux qui ont été examinés ici et qui présentaient déjà des symptômes ?
[…]
Ensuite, il y a une étude du "New England Journal" du mois d'août, également des USA. Ils ont comparé des prélèvements de salive par rapport aux nasopharyngés ou oropharyngés, c'est-à-dire en frottant la gorge par le nez ou par la bouche. Fait intéressant, il y avait aussi des personnes qui n'avaient aucun symptôme. Mais c'étaient pour la plupart des employés de l'hôpital, donc les mêmes limites s'appliquent ici encore: ce n'étaient pas de vrais profanes. D'une part, ils ont comparé des patients hospitalisés, c'est-à-dire qui présentaient des symptômes. Il y avait aussi des gens qui n'en avaient pas, mais près de 500 employés de l'hôpital se faisaient également tester tous les trois jours. Et puis vous avez trouvé le SRAS-CoV-2 dans la salive de 13 personnes qui ne présentaient aucun symptôme au moment où l'échantillon a été prélevé. Et sur les 13 personnes, neuf avaient également le SRAS-CoV-2 dans le frottis nasopharyngé le même jour.

Hennig: Donc un relativement bon résultat pour le test de salive.

Ciesek: Exactement. Il est également décrit comment ils ont fait. On a fait ça le matin, en n’ayant rien mangé ni bu au préalable, ni vous êtes brossé les dents. Et le problème pour moi, c’est qu’ils utilisent des gobelets à urine. Et ils ne sont pas si petits, c'est 125 à 150 millilitres. Et il fallait remplir un tiers de cette tasse, donc un peu moins de 40 à 50 millilitres. Si vous vous levez le matin et que vous n'avez rien bu ni mangé, ce n'est pas si évident de produire 40 à 50 millilitres de salive.

[...] c'est un peu chronophage et pas si évident. C'est le seul problème. L'autre problème est au laboratoire ; quand je pense à mon laboratoire, mon MTA me tuerait si nous n'avions que des pots d'urine, car cela prend beaucoup de place. Nous avons des portoirs dans le laboratoire où s'insèrent les tubes d'écouvillon, mais les godets à urine sont beaucoup plus grands. Et si vous pensez à un millier de ces gobelets d'urine par jour, ils doivent être placés sous une armoire de sécurité, [et] logistiquement c’est plus compliqué que des tubes à écouvillon.

Ensuite, vous avez souvent le problème, surtout si vous n'avez rien mangé ou bu le matin, la salive est parfois dure et ne peut pas être très bien pipetée. Et parfois, ça mousse aussi. Et cela peut poser des problèmes lors des tests. Et [...] un tiers de tasse, je ne peux pas imaginer, par exemple, que des enfants puissent [produire] une si grande quantité de salive sans boire.

Hennig: Choisir le matin est-il pertinent? Avant avoir mangé ou bu, ou s’être brossé les dents?

Ciesek: C'est exact. Tout d'abord, la PCR peut être perturbée en se brossant les dents ou en mangeant, par exemple. Cela peut entraîner son inhibition […] il se peut que les enzymes qui s'y trouvent ne fonctionnent plus correctement et que vous n'obteniez alors aucun résultat. [...] [Pourquoi prélever à jeun?] Pour obtenir le matériel le plus représentatif possible, non dilué afin qu’il donne de meilleurs résultats. Et la chose positive à propos de cette étude est que la sensibilité de la salive, comme celles utilisées dans l'étude, était tout aussi bonne que le frottis. Eh bien, cela fonctionne, mais si vous deviez tout faire avec de la salive, ce ne serait pas facile non plus. Vous devez donc également en discuter avec le laboratoire.

Mais ce qui est également un avantage de l'étude, c'est qu'ils ont vu que la salive en tant que matériau présente moins de fluctuations dans la PCR que le frottis nasopharyngé. Et c'est un problème courant que nous constatons lorsque, par exemple, nous recevons plusieurs prélèvements nasopharyngés de patients au fil du temps, c'est-à-dire deux ou trois par jour pendant plusieurs jours, que vous pouvez voir que les valeurs CT peuvent beaucoup fluctuer. Ceci est encore une fois dû à des choses comme quel tube, quel écouvillon a été utilisé et qui a prélevé le frottis. C'est un peu plus standardisé avec la salive lorsque vous spécifiez exactement comment cela doit se faire.

Hennig: […] juste un coton-tige dans la joue pour avoir un peu de salive, cela ne suffirait certainement pas pour un tel test salivaire?

Ciesek: Non, nous avons essayé l’écouvillon dans les joues, et ce n'était pas assez sensible. Alors qu'y a-t-il d'autre, j'ai maintenant également trouvé qu'il s'agissait d'une étude plus ancienne qui n'était pas du tout liée au SRAS-CoV-2, et qu'elle date de 2017, donc pas si ancienne, mais avant le SRAS- CoV-2. Et ils ont jeté un coup d'œil, que diriez-vous de se gargariser? Le gargarisme est-il possible ou est-il judicieux comme alternative à un prélèvement de gorge? Et ils ont examiné plus de 16 000 échantillons et, parmi ces 16 000 échantillons, 79 patients ont donné un gargarisme et un prélèvement de gorge en même temps, puis plus en trois jours.

Et ces 79 patients ont ensuite été examinés et comparés à ce qui est sorti. Et il y avait des agents pathogènes, les plus courants étaient la grippe A et B et le RSV, mais les coronavirus en faisaient également partie. Et ils ont remarqué que huit de ces 79 étaient uniquement positifs dans la gorge et négatifs dans le gargarisme, la moitié d'entre eux ayant une valeur Ct supérieure à 35, ce qui signifie que la charge virale était très faible. Et 18 de ces 79 étaient seulement positifs dans le gargarisme et négatifs dans le frottis. Et la valeur Ct était supérieure à 29, donc elle était également relativement élevée. Et cela montre que c'est une alternative dans tous les cas, donc les deux méthodes ont des avantages et des inconvénients, il faut le dire.

Les selles et les eaux usées

Hennig: Nous avons déjà parlé d'échantillons de selles dans ce podcast, surtout pour tester les très jeunes enfants. Peuvent-ils également être significatifs ou les échantillons de selles ne contiennent-ils que du matériel viral inactif et mort?

Ciesek: C'est une bonne question, cela dépend beaucoup du moment où vous prélevez. Le virus peut être détecté dans les selles pendant très longtemps, plus longtemps que dans la gorge, sur plusieurs semaines. Nous l'avons déjà vu dans l'étude avec les premiers patients bavarois de M. Drosten. Il existe également quelques cas où cela peut être infectieux. [...] Si vous voulez absolument obtenir un diagnostic pour, par exemple, un patient qui est peut-être dans la deuxième ou la troisième semaine de maladie, qui se dégrade, s'il vient à la clinique et vous ne trouvez plus de virus dans la région nasopharyngée, c'est-à-dire dans la gorge [...]  [pour savoir ce qui l'a] rendu malade. En général, les échantillons de selles ne sont pas faciles à manipuler en laboratoire. Il faut aussi penser un peu au personnel du laboratoire, [...] cela demande beaucoup plus d'activités manuelles, qu'un frottis. (à propos de la question de savoir si on pouvait généraliser ce test) 

Hennig: En ce qui concerne les échantillons de selles, si nous ne regardons pas les diagnostics individuels, mais que l'on aimerait connaître le processus d'infection, c'est-à-dire dans quelle mesure le virus est répandu dans la population [...] Vous et votre équipe avez également étudié la question de savoir si vous pouvez avoir des indications par les eaux usées. Jusqu'où la recherche est-elle arrivée? 

Ciesek: Oui, nous l'avons fait avec des collègues d'Aix-la-Chapelle. En avril, lorsque la Rhénanie du Nord-Westphalie a été gravement touchée et a eu de nombreuses infections, on a examiné neuf systèmes d'égouts pour nous, les ont distribués à travers la Rhénanie du Nord-Westphalie et nous ont apporté des échantillons d'eaux usées à Francfort. Et puis nous avons vu qu'il y avait une corrélation. Donc la quantité de virus que l'on trouve dans les eaux usées, la quantité de PCR ou de matériel génétique, est corrélée avec le nombre d'infections dans le quartier. Mais vous devez être très clair que nous n'avons pas trouvé que c'était contagieux. Il est toujours très important de le souligner. Je considère qu'il est extrêmement improbable que vous soyez infecté par ce biais. Nous avons essayé de répliquer ce virus, mais nous avons échoué. Ce sont probablement de petits segments de gènes qui sont encore présents dans les eaux usées, mais heureusement ils n'étaient pas infectieux.

Hennig: Donc adapté à la surveillance épidémiologique, mais pas besoin de s'inquiéter, pour résumer.

Ciesek: Exactement.

Le test LAMP

Hennig: Je voudrais aborder brièvement un autre test, car il y a eu des rapports en août selon lesquels le Royaume-Uni utilise de plus en plus de tests LAMP. Le RT-LAMP, dans le cas des virus à ARN, n'est pas une nouvelle méthode, mais différente qui est peut-être comparable à la PCR, avec laquelle l'acide nucléique peut être obtenu à partir d'un échantillon. Comment cela fonctionne-t-il exactement et est-ce aussi une perspective pour l'Allemagne?

Ciesek: Il existe différentes institutions de recherche qui ont développé un test LAMP ici en Allemagne, par exemple à Heidelberg ou à l'Institut Fraunhofer. L'avantage est que vous n'avez pas besoin d'un cycleur car il s'agit d'une amplification isotherme, c'est-à-dire à la même température. Mais vous avez besoin de composants similaires. Vous avez également besoin d'une enzyme. Vous avez besoin d'amorces [...] et aussi de nucléotides. Et vous n'utilisez pas ces cycles dans le cycleur, qui refroidit et chauffe, mais ce que l'on appelle des amorces, qui sont un peu plus longues et forment ensuite des boucles, ce qui signifie que le gène ou la section que vous recherchez se reproduit plus rapidement.

Hennig: On le chauffe une fois au début.

Ciesek: Exactement. Mais vous pouvez voir à partir de là, vous avez besoin des mêmes ingrédients, c’est là le problème. Un autre problème est la concurrence des fournisseurs de PCR. J'ai parlé à une entreprise qui fabrique ces nucléotides, il n’y en a très peu. Et […] vous avez toujours besoin de tubes d'écouvillon. C'est une méthode élégante [...] qui n'a jusqu'à présent trouvé que peu d'utilité dans le domaine médical. D'une manière ou d'une autre, l'étape du lancement sur le marché est encore manquante. Je pense que c'est parce que c'est encore très théorique. Il faut ensuite pouvoir l'intégrer dans tout un processus dans un laboratoire médical. Par exemple, nos cycleurs, qui ne sont alors pas nécessaires, sont connectés à notre logiciel de laboratoire et ils échangent des informations. Ils transmettent pratiquement leurs résultats à notre logiciel de laboratoire et là ce ne serait alors pas possible. Et vous devez toujours vous assurer que si vous effectuez 1000 tests LAMP, chaque patient obtienne un résultat. C'est un effort logistique insensé qui doit être ajouté.

Hennig: Ce n’est donc pas une alternative non plus, si les réactifs, c'est-à-dire les ingrédients pour le test PCR, sont épuisés, si je vous comprends bien.

Ciesek: Exactement. Et bien sûr, vous avez besoin d'un laboratoire médical accrédité et doté d'un personnel formé. Il existe des directives strictes sur ce qu'ils doivent être capables de faire et sur la manière dont ils sont formés. Vous devrez d'abord les former à une nouvelle méthode. Cela prendrait des semaines ou des mois avant que vous puissiez utiliser cela dans un laboratoire.

Quand tester?

Hennig: De nombreux médecins sont confrontés à la question: quand dois-je tester? C'est une question que nous entendons des auditeurs qui sont eux-mêmes des patients ou des médecins. Les capacités ne sont pas illimitées et les symptômes ne sont pas toujours clairs, difficiles à séparer de la grippe. Quand devrait-on un test PCR? Avec quelle constellation de symptômes?

Ciesek: Oui, le RKI recommande maintenant que soient testés tous les patients ayant des symptômes respiratoires aigus et / ou perte de l'odorat et du goût. Et bien sûr, c'est difficile, je le comprends. Si le cabinet est plein de personnes qui toussent ou ont un rhume, cela voudrait dire qu'elles doivent toutes faire un test. Il existe également une stratégie nationale de dépistage de BMG, qui prévoit également que tous les symptômes doivent être testés et avoir la plus haute priorité. Malheureusement, ils n'ont pas défini exactement ce que l'on entend par symptômes. Et je pense que c'est ce qui cause un peu de problèmes aux collègues. [...] il est logique de tester principalement ceux qui sont symptomatiques. Si j’étais en cabinet, […] je ne testerais que quelques symptômes. Cette perte de goût et d'odeur en particulier est relativement typique. Et s'il n'était pas possible de les tester tous, je ferais un questionnaire pour la pratique afin de classer le risque pour moi-même. Par exemple, je demanderais: Avez-vous effectué un voyage à l'étranger au cours des 14 derniers jours? Avez-vous eu un comportement à risque, comme des réunions de famille en intérieur ou des événements de super propagation [...] Que vous ayez eu un contact avec un positif Covid-19 est une question importante. Et je demanderais également aux patients s'il existe des facteurs de risque pour une évolution grave. Il s'agit donc d'une personne plus âgée, diabétique ou ayant des syndromes métaboliques, par exemple. […] C'est pourquoi j'essaierais de classer le risque avec un un questionnaire et ensuite tester principalement ceux qui ont un comportement à risque ou un profil à risque. Bien sûr, tous ceux qui ont une infection, tant qu'ils sont symptomatiques, devraient s'isoler et ne pas aller à une fête.

[…] Sur le plan politique, il me manque encore une définition de ces événements pour le moment, il faudrait vraiment que les événements de super-propagation les plus courants soient communiqués à la population, à l'aide d'exemples. Ce serait alors beaucoup plus facile pour l'individu de comprendre où il y a un danger ou à quoi on doit faire faire attention? |...] Ce serait bien s'il y avait une telle liste. Cela permettrait aux collègues en ville de faire plus facilement un tel questionnaire et, bien entendu, cela aiderait également les citoyens à éviter précisément ces situations.

Hennig: En ce qui concerne les symptômes, il reste difficile de faire la distinction entre la covid et la grippe. Nous en avons tous les deux parlé il y a deux semaines dans l'épisode du podcast. Quelles possibilités existe-t-il pour vérifier les deux avec un seul test et obtenir ensuite des résultats séparés?

Ciesek: Les fabricants préparent actuellement des tests, appelés PCR multiplex, capables de détecter les deux agents pathogènes. Il existe même des fabricants de tests capables de détecter plusieurs autres virus à la fois. Ils arrivent progressivement sur le marché. La grippe n'arrive généralement que plus tard dans l'année, en janvier ou en février [...] Ce n'est pas non plus inintéressant, car on a déjà vu des patients qui avaient une co-infection. Autrement dit, ils avaient les deux des agents pathogènes. C'est très rare. On ne sait pas pourquoi. […] Et bien sûr, cela aide de vous faire vacciner contre la grippe. Même si le vaccin n'offre pas une protection à cent pour cent, je n'ai personnellement pas encore vu d'évolution sévère si l'on était vacciné. Je comprends maintenant qu'une maladie grave signifie être allongé avec un ventilateur dans une unité de soins intensifs. Même si vous pouvez attraper la grippe, comme je l'ai dit, cela protège d’une évolution sévère.

Il existe des tests dits au point de service, qui sont également basés sur la PCR, qui fonctionnent avec des cartouches, que l’on pourrait même utiliser en ville. Dans la demi-heure, vous obtenez un résultat basé sur la PCR. Le seul problème est qu'il n'y a pas assez de cartouches pour cela. Donc, la production de ces entreprises n’arrive pas à suivre. Ce système devrait être réservé aux hôpitaux pour les patients gravement malades, où vous avez besoin d'un résultat très rapidement. Et bien sûr, ce serait idéal, mais j'y vois vraiment des problèmes de capacité. Et tous les laboratoires n'effectuent pas de PCR multiplex. Si vous prenez la variante la plus longue, qui met quatre ou cinq heures, c'est juste très cher. Dans certains cas, nous avons des systèmes de PCR capables de détecter plus de 20 agents pathogènes provoquant des infections respiratoires, y compris les rhinovirus et la grippe. C'est vraiment coûteux en temps et en argent. Il faut toujours se demander: quel est exactement l'avantage? Parce que beaucoup de ces agents pathogènes n'ont pas non plus de conséquence clinique. Donc, que quelqu'un ait des rhinovirus et le sache ou non n'est peut-être pas aussi essentiel pour quelqu'un qui a juste un rhume et qui consulte en ville que pour quelqu'un qui est en soins intensifs et ventilé et où vous avez besoin de savoir ce qu’il a.

vendredi 25 septembre 2020

Allemagne, Afrique, variolisation. Podcast #56 du 15 septembre 2020

La situation en Allemagne

Korinna Hennig: M. Drosten, contrairement au printemps dernier, lorsque les images venant d'Italie étaient omniprésentes et que les personnes âgées tombaient gravement malades dans les maisons de retraite allemandes, la pandémie est désormais devenue virtuelle pour certains. On ne la voit plus vraiment. Comprenez-vous cette difficulté [de perception] et que certaines personnes ont le sentiment que tout va bien?

Christian Drosten: C'est dû au paradoxe de la prévention qu’on ne la voie pas pour le moment, du moins ici dans notre propre pays. Quant à le comprendre, eh bien, c'est autre chose. Bien sûr, je travaille beaucoup sur le sujet et je regarde beaucoup à l'étranger. Pour moi c’est assez évident. Ce n'est peut-être pas le cas pour d'autres personnes qui s’occupent d'autres choses dans leur quotidien. Je me demande juste parfois pourquoi vous devez le crier sur les toits. C'est assez audacieux ce que certains disent en public en ce moment. Et on se demande - certains d'entre eux sont aussi des personnes qui ont des fonctions et des responsabilités - si ces personnes ne préfèreraient pas plutôt informer le public ou conseiller les politiciens. Et si telle personne aimerait être citée sur ce qu'elle dit en ce moment, peut-être cet hiver, alors que nous aurons probablement également une situation différente en Allemagne.

Hennig: [Si on regarde la] carte de l'Allemagne, on voit que partout où les vacances scolaires sont terminées depuis un certain temps, les chiffres sont au plus bas, l’effet du retour de voyage s'atténue. Il y a diverses voix, vous l'avez mentionné, qui disent que nous devons être plus détendus. Votre collègue Hendrik Streeck, par exemple, vient de donner une interview optimiste ; le respect des règles AHA (Distanciation, Hygiène, Masque) nous apportera de la sécurité au cours des prochains mois. Il dit qu'un système de feu tricolore devrait être introduit pour montrer la situation dans chaque Kreis. On pourrait ensuite adapter notre comportement ou adopter des mesures en fonction. Pensez-vous que ce soit une considération raisonnable?

Drosten: Tout d'abord, je pense que c’est un peu stupide de parler ainsi de personnes individuelles. Je sais comment c'est parce que les gens parlent de moi, alors que je préfèrerais qu’on me parle. Ou qu’on regarde ce que je dis au lieu de prendre des sources de seconde main ou des résumés. […] Je pense que c'est ce qui se passe avec Hendrik et son interview de ce week-end. On a conclu des choses à partir du titre et des sous-titres. Il a dit: «Il appelle à un changement de politique», ou quelque chose comme ça. Et il a apparemment commencé l'entretien avec une telle déclaration – d’où cette impression qui est restée. Ce qu'il dit alors, dans toute l'interview, est en fait assez logique et beaucoup seraient d'accord avec lui.

Une déclaration clé, par exemple, qui a également été très mal comprise est qu'il a dit qu'il ne fallait pas seulement regarder le nombre d'infections, ce que personne [dans notre domaine de compétence] ne fait. […] Il faut bien sûr examiner des paramètres supplémentaires. Dans son entretien quand il dit qu'on devrait désormais s'intéresser principalement à l'occupation des hôpitaux, ça a également été tronqué. [...] Il faut veiller à ce que peu de gens viennent à l'hôpital car il y a déjà trop de choses en route une fois qu'un plus grand nombre arrive à l'hôpital qu’on ne peut plus défaire. Dans le dernier épisode du podcast, nous avons beaucoup parlé du fait qu'à l'heure actuelle, il n'est pas si facile en Allemagne d'évaluer ce qui se passe réellement dans la population et que les chiffres ne peuvent pas toujours tout refléter de [la réalité]. [...]

Pour le moment, nous avons peu d'infections signalées […] parce que nous avons eu le lockdown. Et parce que les vacances d’été ont fait que la situation est restée sous contrôle. Nous pourrions continuer ainsi. Au printemps, nous avons dit des choses similaires dans les conseils stratégiques. Lors de cette réunion ministérielle à la mi-mars, dont j'étais membre, il n'a pas été recommandé de fermer les écoles. Mais ce que nous recommandions, c'était de regarder au niveau régional. A l'époque, le 12 mars, les écoles de Heinsberg venaient de fermer. Et puis nous avons dit: c'est en fait exactement la bonne approche. Là où vous pouvez actuellement voir qu'il y a des infections, vous pouvez fermer les écoles par précaution - sans que nous sachions exactement en quoi les écoles y contribuent. Lorsque nous sommes sortis de la réunion, les politiques [ont décidé de fermer les écoles dans toute l'Allemagne]. [Cette mesure] a été attribuée aux scientifiques, ce qui n'est pas vrai. […]

Aujourd'hui, nous avons cette situation où ce sont les jeunes qui sont infectés. Leurs symptômes ne sont pas visibles. Peut-être ont-ils également tendance à ne pas être diagnostiqués immédiatement. [...]

Pour le moment, nous devons dire qu'il y a peu d'infections, c'est l'impression générale et ce n'est certainement pas faux pour l'Allemagne pour le moment. Mais cela peut ne pas durer plus longtemps. On le voit dans certains Kreise dans le sud de l'Allemagne. Et il suffit de regarder les pays voisins.

Hennig: Nous avons également eu des cas dans des écoles en Allemagne. […] Il y a des parents qui veulent imposer le masque dans les écoles, y compris en classe - ici à Hambourg, par exemple. L'idée sous-jacente étant : avec des mesures plus strictes, on peut garder l’incidence basse et ainsi créer de très bonnes conditions pour l'hiver. Que pensez-vous d’un tel argument?

Drosten: Que le port général du masque en classe serait un renforcement des mesures qui permet de faire baisser l'incidence à nouveau, je n’en suis pas sûr. Il est certainement vrai que le port du masque en classe réduit le risque en classe. Mais cela ne concernera que cette classe. Et vous devez être prudent. Il y a aussi d'autres logiques bien plus fondamentales, qui disent qu’il faudrait en fait prendre des mesures très fortes dans toute la société pour gagner du temps en vue de cet hiver. C'est certainement épidémiologiquement correct, mais socialement intolérable. Nous sommes dans une bonne position de départ en Allemagne et devons la gérer. Ce qui est plus important, c'est que, premièrement, nous ne nous reposions pas dessus et, deuxièmement, nous n'envoyons pas au public des messages totalement contre-productifs.

Il doit [y avoir une certaine attention] de la part de la population. Dire que "Rien de tout cela n'aurait été nécessaire à l'époque. Avec les connaissances actuelles, nous aurions réagi différemment à l'époque." Nous ne l'aurions certainement pas fait. [On ne peut pas résumer les choses ainsi, à l’emporte-pièce]. Quand on s’exprime en public, on doit réfléchir plusieurs fois à la manière dont ce sera perçu [et repris].

Débat en Allemagne sur la nécessité des mesures, l’IFR, la surestimation du nombre de cas, les faux positifs

Hennig: Je voudrais passer en revue quelques arguments l’un après l’autre. Cette question: à quoi les mesures ont-elles réellement abouti? Des doutes sont exprimés à plusieurs reprises à propos de l'efficacité des mesures. Peut-on les évaluer de manière fiable? Il existe des modèles pour cela. Mais bien sûr, il n'y avait pas de véritable groupe de comparaison (la pandémie sans aucune mesure). C'est pourquoi on dit toujours: on ne le saura jamais, quelle que soit la qualité de la modélisation. Surtout qu’on n’arrive pas à évaluer les mesures individuellement.

Drosten: Nous avons déjà fait tout un épisode de podcast sur ce sujet. Les articles discutés à l'époque s'appliquent toujours. Le fait est qu'en Allemagne, cette discussion est menée à un niveau complètement différent, bien inférieur. Un article comme celui-ci vient d'être publié par un réseau "Evidence-based Medicine" qui ressort des arguments [que je pensais clos] en Allemagne, comme le fait que le Rt était déjà tombé en dessous de 1 avant les mesures de la mi-mars.[...] Il a déjà été dit qu'il existe des données qui montrent que la mobilité de la population était déjà considérablement réduite la première quinzaine de mars. Que l’annulation des grands événements est survenue avant que le Rt baisse et que Rt n'est pas tout. Ce n'est donc pas tout à fait correct mathématiquement, mais pour le dire simplement, le Rt n'est que la première dérivation de ce qui se passe, c'est la tendance. Mais si vous voulez abaisser quelque chose, la tendance doit d'abord être inversée. C'est exactement le but. Donc, tout cet argument est vraiment une négation des principes scientifiques. Il y a maintenant une déclaration intitulée "Médecine fondée sur des preuves", donc j'ai été assez étonné à ce sujet.

Hennig: Un autre argument de cet article, qui est également répété de temps en temps, est: Le «taux de mortalité par infection» est faible, c'est-à-dire la proportion de décès, non liés aux malades, mais au nombre total de personnes infectées. Aujourd'hui, nous constatons en fait que le nombre d'infections a légèrement augmenté depuis l'été. Par rapport à cela, le nombre de décès ne suit pas le rythme. Vous pouvez le voir dans les hôpitaux que la situation n’est pas encore dramatique. Ce serait la preuve que les personnes vraiment en danger sont les personnes âgées et très âgées et que les plus jeunes peuvent en fait pousser un soupir de soulagement? Tel est le raisonnement.

Drosten: C'est un problème à l'échelle de la société. Vous ne pouvez pas séparer complètement les vieux et les jeunes. Cet article aborde également, par exemple, la mortalité infectieuse, en regardant les quatre dernières semaines. Et c'est une contradiction dans les termes. On ne peut donc pas parler d'une mortalité par infection sur une telle période. Vous ne pouvez pas avoir ces données. Et une grande partie des preuves existantes est tout simplement ignorée dans le document. Il existe deux très, très bonnes études qui reposent en réalité sur un test sérologique représentatif de la population et sur de bons chiffres de déclaration déposés par le gouvernement, en Espagne et en Angleterre.

Ce sont deux pays dans lesquels nous avons vu une première vague importante. Nous arrivons ici à la mortalité infectieuse, basée sur des nombres importants et sur des études représentatives de la population. Nous avons un taux de mortalité par infection de 0,9% en Angleterre et de 0,83% en Espagne. Il n'y a vraiment pas grand chose à dire. […] Nous sommes structurés de la même manière en Allemagne qu'en Espagne et en Angleterre (composition d'âge et de cette morbidité). […] Nous avons réussi à contrôler pratiquement notre épidémie. C'est un succès de la science, de la médecine et de la politique. Et maintenant, on ne peut pas prétendre que ce n'était qu'une hallucination. On refuse tout simplement de se pencher sur les pays voisins. C'est audacieux.

Hennig: Un autre point critique - j'en ai également parlé avec Sandra Ciesek la semaine dernière dans le dernier épisode parce que nous avons discuté du grand sujet des «symptômes / personnes infectées asymptomatiques, présymptomatiques» - est la demande de plus de transparence dans les statistiques , c'est-à-dire se différencier en fonction des symptômes.

Drosten: En principe, le RKI le fait déjà. La division en groupes, par âge etc. n'est pas si mauvaise au RKI. Ce serait bien d'avoir cela plus en détail. Mais je me demande si des chiffres encore plus précis conduiraient ces farfelus à utiliser d’autres arguments ou à vraiment arrêter d’être aussi destructeurs. [...] Nos politiques gèrent plutôt bien. Ils ne sont pas tous parfaits, mais au final le résultat est plutôt bon. Et si on regarde le bilan économique, ce n'est pas si mal non plus. Surtout lorsque vous réalisez que la plupart des dommages économiques en Allemagne ne peuvent pas être contrôlés dans une économie d'exportation comme la nôtre. [...] Et pour la partie que nous pouvons contrôler en Allemagne, cela se passe bien. Et pour répondre à ces messages destructeurs disant que rien de tout cela n'était nécessaire, c'est tout aussi intelligent que de dire en cette belle fin d'été qu'il ne pleut pas du tout. Pourquoi sommes-nous inquiets pour l'automne? Pourquoi parler de brouillard, de pluie et de temps brumeux? Regardez à l'extérieur ! Tout va bien, ces dernières semaines ont vraiment été magnifiques !

Hennig: Parce que nous venons de mentionner le réseau Evidence-Based Medicine et cet article, je voudrais encore le citer : ils parlent de «surdiagnostic aveugle», car on ne se limite pas à tester uniquement les personnes présentant des symptômes. Serait-il judicieux de tester uniquement les groupes à fort risque, c'est-à-dire ceux qui ont été en contact avec une personne infectée ou qui ont déjà développé des symptômes?

Drosten: Oui, le terme «groupe à fort risque» vient en fait de cet article et est complètement faux dans ce contexte. Je ne veux pas revenir sur ce papier maintenant. Il y a beaucoup d'erreurs là-dedans, en particulier dans l'utilisation de citations scientifiques, la lecture des articles scientifiques, comme pour le chiffre qui est donné du coût de «qualité de vie ajustée» grâce à des mesures de lockdown. […] On a ici un article sur la médecine par les preuves, où la littérature citée, c'est-à-dire les preuves, n'a apparemment pas été lue du tout. Je me demande pourquoi cela a été publié sans auteurs. D’habitude on a une liste d'auteurs pour les articles d'opinion des commissions et des sociétés spécialisées, parce que les gens qui rédigent qui en sont responsables. […]

[Et cette question des tensions sur les tests, c’est en cours de résolution, pourquoi revenir dessus?] les politiciens ont réagi depuis longtemps, il faut arrêter avec ces accusations. [...] [Et à propos de la validation des tests antigéniques], il s'agit maintenant de questions réglementaires. Il faut trouver un bon compromis entre conformité légale et applicabilité afin que ces tests arrivent là où ils sont nécessaires. Par exemple, à l’entrée de la maison de retraite [...] Et ce n'est qu'un exemple. On ne peut pas utiliser n’importe quel test farfelu.Il y a une responsabilité derrière cela. [Imaginez nous avons] une épidémie dans une maison de retraite avec une mortalité correspondante quelques semaines plus tard [à cause d’un test validé n’importe comment]. C'est pourquoi il faut un bon compromis entre fiabilité, réglementation et rapidité.[...]

Hennig: La question du faux positif n'est pas sans importance pour la question de l'acceptation des tests. Comment traiter ce problème de la probabilité dans la communication? C'est un problème statistique ; nous l'avons déjà mentionné ici dans le podcast. Si la prévalence est faible, c'est-à-dire que le virus est peu présent dans le groupe de population examiné, alors la proportion de faux positifs est plus élevée. Faut-il ajuster la stratégie de test en fonction de l’incidence?

Drosten: Oui, bien sûr. Nous n'avons pas besoin d'entrer dans la théorie des tests ici. C'est ce que font d'autres cercles de la société en ce moment, discutant avec enthousiasme de la théorie des tests sans connaître la pratique médicale réelle. Ils disent: "Il y a des chiffres de spécificité et nous comptons maintenant cela en plus des tests." Et "Toutes les personnes positives en Allemagne, elles ne peuvent pas être réelles, ce sont toutes des faux positifs" – et autres absurdités. Si c'était aussi simple que cela, vous n'auriez pas du tout à étudier la médecine. Et vous pourriez ouvrir un laboratoire.[…] Quand nous voyons un résultat positif en laboratoire, nous avons d'autres informations. Il y a des résultats qui sont si clairement positifs - cela a un aspect quantitatif - vous n'avez pas à y réfléchir à deux fois. Il y a des résultats à la limite du positif qui sont toujours vérifiés. L'échantillon est testé à nouveau etc. Le public ne sait pas toujours ce qui se fait dans les laboratoires. Mais nous n’avons pas cette situation, même avec une faible incidence, où on aurait un certain nombre de faux positifs qui aurait des conséquences sur les statistiques […] Nous faisons des tests supplémentaires etc. Et à propos de la question que vous avez posée: bien sûr, cela serait également évalué différemment en fonction de la situation épidémiologique, c'est-à-dire de la fréquence actuelle de la maladie.

Avantages et inconvénients du test antigénique

Si vous êtes au milieu d'une vague hivernale, vous êtes heureux d'avoir des tests antigèniques et s’ils donnent de temps en temps un faux positif, cela n'a pas d'importance. En termes de sensibilité, ces tests ne sont pas parfaits. Mais ils ont un énorme avantage: ils sont disponibles très rapidement et sur place. Cela est également crucial. Donc le gain de vitesse dans le diagnostic grâce à un test rapide l'emporte de loin sur le gain en sensibilité des diagnostics PCR avec des délais logistiques de plusieurs jours. A quoi sert une PCR très sensible dont je dois attendre le résultat trois ou quatre jours car les laboratoires sont surchargés? Nous ne pourrons pas faire face à un test de masse PCR [avec la vague à laquelle on peut s’attendre]. C'est là que nous allons vraiment avoir besoin de ces tests antigéniques. Et ce dont nous devons discuter ce ne sont pas des contenus de manuels mal compris sur la théorie des tests, la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive, mais ce dont nous devons simplement discuter socialement, du moins politiquement, c'est la réglementation. Nous ne pourrons pas le faire, selon des règles communes, pour valider ces tests comme des «tests à domicile» avant la fin de la vague hivernale de la pandémie. L'effort pour ces études de validation est trop important. Par exemple, des preuves doivent être fournies - je vais le dire ainsi – que le test peut être utilisé par le tout-venant. […] Cela n’est pas réalisable dans les temps.

Prenons un exemple : Un grand théâtre veut permettre une représentation. Et maintenant la question est: pouvons-nous faire ces tests rapides à la caisse? Est-ce possible? Ce sont des choses dont on discute déjà en public. Et puis je dis maintenant, peut-être que les avocats diront - "Ce que Drosten a dit dans son podcast, c'est encore un non-sens total" – c’est possible, mais je le dirai quand même: ce théâtre peut-il employer un assistant médico-technique pendant toute la durée de l'événement pour faire les tests? Ou cet organisateur doit-il engager un médecin de laboratoire? Ou est-ce suffisant qu’un employé de la billetterie suive une formation de deux jours? Ce sont des questions que nous devons - et de toute urgence - débattre au cours des prochaines semaines. Peut-être pas nécessairement en public, mais en politique, dans les coulisses des départements des ministères, des choses comme celles-ci doivent être anticipées. [...]

La pandémie en Afrique

Hennig: C'est une pandémie mondiale. Les auditeurs nous ont demandé d'expliciter la situation en Afrique. En Europe, nous avons toujours tendance à parler de l'Afrique alors qu’il existe plus de 50 pays différents, des réalités très hétérogènes. Mais une chose ressort: dans l'ensemble - à une exception près, dont nous parlerons plus tard - le développement dramatique que beaucoup de pays africains craignaient, semble-t-il, ne s'est pas concrétisé pour le moment, n'est-ce pas?

Drosten: Oui, il semble que ce ne soit pas arrivé jusqu'à présent. Du moins des choses que l'on redoutait au début du printemps quand on projetait certains calculs de modèles, quand on ne savait pas encore qu'il y avait ce très fort déséquilibre en fonction de l’âge dans la mortalité. […] Mais je dois dire: je ne peux pas non plus expliquer la situation en Afrique actuellement. C'est un problème qui m'inquiète vraiment. Je me souviens qu'il y a environ deux semaines, un reportage est passé à la BBC à propos d'une étude en preprint concernant le Kenya. Il s'agit d'une étude de modélisation basée sur des données de laboratoire collectées au Kenya. Une première observation était que le taux de détection en PCR est en fait en baisse depuis juillet. Des tests sérologiques ont été faits, et on a étudié la mobilité. Et au final, à partir d'une modélisation de ces données, on en a conclu que, malgré une résurgence de la mobilité à Nairobi et à Mombasa, deux grandes villes du Kenya, où cette enquête a eu lieu principalement - il y avait un lockdown dur dans ces zones -, le nombre d'infections ne remonte pas. Et la conclusion qui se dégageait des données sérologiques est que l'immunité collective a été atteinte dans ces zones. Ce message m'a époustouflé. Je ne suis pas sûr que ce soit durable. Il s'agit maintenant d'une publication qui n'a pas encore été revue, mais peut-être devrions-nous en parler.

Hennig: [[On teste beaucoup moins] dans de nombreux pays africains. Par exemple au Royaume-Uni, il y a 200.000 tests par million d’habitants. En Tanzanie, par exemple, qui ne rapporte plus de chiffres, 63 tests par million d'habitants. Et un total d'infections détectées dans toute l'Afrique - selon les Centres africains de contrôle des maladies - avec une population de 1,2 milliard d'habitants, de 1,3 million d'infections détectées à travers le continent. Y a-t-il des goulots d'étranglement ? À cause de conflits armés ?

Drosten: Il est impossible de faire des déclarations sur l'ensemble de l'Afrique. Je pense que nous devons nous en tenir à quelques exemples précis. Malheureusement, au cours de ces semaines, nous devons nous accrocher à la littérature scientifique qui est produite lentement. […] Dans l'ensemble, il est clair que les systèmes de déclaration ne sont pas performants. Il suffit d'imaginer: il y a des lacunes extrêmes dans les pays africains en matière d'infrastructure. Par exemple, lorsque vous conduisez d'Accra, la capitale, à Tamale, dans le nord d'un pays comme le Ghana, c'est comme voyager dans le temps. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les cas soient signalés de manière aussi fiable dans tout le pays. Et le Ghana est un pays africain très développé, en Afrique subsaharienne. Il existe bien sûr des situations complètement différentes.

Le Kenya est l'un des pays où existe une très bonne infrastructure médicale depuis très longtemps. Dès le début de l'épidémie - qui a également commencé là-bas en mars – 320.000 tests PCR ont été réalisés jusqu'au 10 août. Il s'agit certainement de l'un des nombres les plus élevés de PCR qui aient été réalisés dans tous les États d'Afrique subsaharienne. Mais par rapport à l'Allemagne, c'est le nombre de tests que nous avons fait en une semaine rien qu'à la fin du mois de mars. Et cela a augmenté en Allemagne. [...] Pendant cette période, il y a eu 24.000 PCR positifs. C'est de l'ordre de sept, huit pour cent - c’est beaucoup.

Si on a une part élevée de positifs, dans une population que l’on teste peu, c’est qu’on teste là où l’incidence est élevée. La seule question est: à quel point ces tests sont-ils ponctuels ? On ne le sait pas toujours avec de telles études. Et quelle part dépend du test? Parce que le nombre de personnes décédées qui est déclaré dépend du test. Nous ne pouvons pas simplement dire dans un pays comme le Kenya que toute personne décédée d'une maladie fébrile, où elle peut ou non avoir eu un peu d'essoufflement, est un cas d'infection par le Covid-19, infection par le SRAS-2. . Vous devez le confirmer en laboratoire. Le nombre de décès confirmés est de 391 dans tout le Kenya au cours de la période d'évaluation. Dans de nombreux pays, cela n'a aucun lien avec la surmortalité. Au plus fort de la pandémie, par exemple dans les pays européens, on peut déjà attribuer une grande partie de la surmortalité au virus. Mais dans les pays africains, c’est relativement peu clair, en particulier dans les pays où peu de diagnostics sont faits.

Peut-on parler d'immunité collective au Kenya?

Hennig: Vous venez de mentionner ce nombre pour le Kenya, également pour Nairobi, les sept à huit pour cent de tests PCR, mais testé là où il y a vraisemblablement de nombreuses infections. On est encore loin de l’immunité collective. Cela signifie que l'on suppose que le nombre de cas non signalés est [très] élevé. Seuls les tests d'anticorps peuvent fournir des informations à ce sujet.

Drosten: Exactement, cela a également été fait dans cette étude. [...] 3000 donneurs de sang ont été testés et leur séroprévalence est ici à la fin de la période d'évaluation de l'ordre de 9% [...] c'est une quantité extrêmement élevée pour des donneurs de sang, qui sont des personnes en bonne santé. Il est également fait référence à une étude menée sur la même cohorte en mai. Une séroprévalence de 5% y a déjà été trouvée. […] J'ai aussi le sentiment qu'un regard critique sur les données de laboratoire fait défaut dans certaines études épidémiologiques. Ce transfert direct de données de laboratoire dans la modélisation épidémiologique peut être problématique. Je soupçonne qu'il y a ce problème dans cette étude. […]

Ici, il est fait référence à une étude sérologique menée sur des donneurs de sang, une étude préliminaire qui a été publiée. Mais si vous regardez le test qui a été utilisé, il s'agit d'un seul test ELISA. Ce n'était pas un test ELISA commercial, mais un test interne. Autrement dit, le protocole d'un groupe de travail universitaire apparemment copié dans un laboratoire africain. Et les chiffres qui en sortent sont : 5 % pour les donneurs de sang.

Mais si vous êtes expérimenté dans la réalisation de tests sérologiques, vous savez deux choses. Une chose est qu'il est relativement difficile, en particulier dans les études sérologiques, de simplement prendre de tels tests comme protocole et de les copier. C'est pourquoi vous voulez toujours acheter un produit industriel qui est fabriqué selon des normes de qualité où il n'y a pas de fluctuations dans la qualité du test. C'est une chose. L'autre est que même si vous utilisez de tels produits industriels pour des tests sérologiques, vous avez souvent une très mauvaise surprise lorsque vous commencez à tester des populations qui n'étaient pas incluses dans la validation. Pour le dire simplement: ces tests sérologiques doivent être étalonnés. Vous faites des études qui testent d'abord des personnes en bonne santé qui ne peuvent pas avoir la maladie. Cela détermine le bruit de fond du test.

Et puis vous dites: Le point d'évaluation, d'où l'on qualifie un résultat de test positif, on le place bien au-dessus de ce bruit de fond. Si nous nous tournons ensuite vers d'autres populations, malheureusement, c'est un problème notoire avec les populations africaines, car il y a constamment d'autres infections dans la population que nous n'avons pas ici. Si nous allons simplement en Afrique avec un test sérologique validé en Europe, sans le revalider au préalable pour ces populations et sans réinitialiser ce seuil de positivité, alors nous voyons souvent beaucoup, beaucoup de résultats positifs qui ne sont pas réels.

Par exemple, ici à mon institut, Felix Drexler vient de faire cela pour un test sérologique commercial pour le virus SRAS-2. Il a utilisé cela en Afrique. Il a vu jusqu'à 20% de faux positifs. Il s'agit d'une étude qui a déjà été examinée par des pairs et acceptée pour publication. Ceci n'est qu'une toute petite étude, une étude technique. Je ne veux pas dire: les tests ELISA en Afrique donnent 20% de faux positifs. Ce n'est pas du tout ce que dit cette étude, et ce n'est pas non plus ce que je dis. Je n'utilise cela qu'à titre d'exemple pour vous rappeler qu'il existe de nombreux pièges dans de telles études de séroprévalence et que vous devez faire très attention si vous voulez vraiment inclure ces données dans les études de modélisation épidémiologique qui aboutissent finalement à des conclusions telles que "L'immunité collective dans ce pays a été atteinte." Parce qu'il faut être lucide sur les implications politiques que cela a.

À l'heure actuelle, l'UE, mais aussi de nombreux autres pays dans le monde, essaie d'obtenir un engagement commun pour garantir aux pays les plus pauvres, les pays du Sud, un accès aux vaccins. [...] Les contrats de fourniture avec l'industrie, [sécuriseraient] un quota de vaccins, en payant également pour les pays plus pauvres via un mécanisme commun. Ce n'est bien sûr pas vraiment politiquement bénéfique quand des études scientifiques apparaissent qui disent: "Mais pourquoi? Le problème en Afrique est réglé depuis longtemps, il y a une immunité collective. Et tout s'est bien passé, presque personne n'est mort."

Qu’en est-il vraiment? Dans ce travail on fait la projection qu’il y a déjà environ 40% de séropositifs à Mombasa et Nairobi - 40,9 et 33,8% [...]. Mais cela se fonde sur ces données sérologiques relativement grossières et sujettes aux erreurs. […] Si tel était le cas, c'est-à-dire si la population d'une grande ville comme Nairobi continuait de faire attention [...], s'ils étaient vraiment immunisés à 40%, alors je serais d'accord. [on aurait là] un niveau d'immunité de la population tel qu’on pourrait parler de protection collective. Ce n'est donc pas 70%. Les auteurs argumentent cela très bien dans l'étude. Je pense donc que ce n'est pas une mauvaise étude. Je trouve juste que le message abrégé est un peu problématique. Les auteurs utilisent cet argument ici, à savoir qu'il s'agit peut-être d'un seuil d'immunité collective parce que vous ne vous mélangez pas librement - revoyez le dernier épisode de podcast dans lequel nous avons discuté du fait que tous les réseaux de transmission ne sont pas toujours disponibles. La population entière n'est pas disponible pour le virus ici et maintenant, de sorte qu'en termes réels, le seuil d'immunité collective est naturellement inférieur à 70 % globalement sur un an. Mais pour plus d’un an, nous avons besoin de 70%. Ici et maintenant, peut-être 40% suffisent pour arrêter la transmission.

Hennig: Parce qu’on continue de bouger à l’intérieur de nos cercles.

Drosten: Exact. Et ce sont les groupes plus éloignés qui sont pris en compte. Alors je peux croire ça. Et [je peux aussi penser] que les taux de détection par PCR sont plus faibles. Mais que ce soit parce que l'immunité collective a été atteinte, je ne sais pas si l'étude fournit suffisamment de preuves à cet égard.[...]

Hennig: Il existe une autre étude sur les anticorps d'une région du Nigéria qui produit des valeurs similaires. Ce ne sont pas les donneurs de sang qui ont été examinés, mais les employés du système de santé, entre autres.

Drosten: Il y a plusieurs études, des premières études, qui sont maintenant en preprint. Et il faut toujours dire: Attention, attention, cela n'a pas encore été évalué. Et en tant que virologue, je rajouterais des précautions supplémentaires. Cette étude au Nigéria, par exemple, a également révélé une séroprévalence de 25,4% dans un pays, le Niger, de mai à fin juin. Néanmoins, il y a quelques anomalies : premièrement, il n'y a qu'un petit nombre de participants examinés (seulement 185 personnes). On peut se demander si 185 personnes peuvent être représentatives d’un pays aussi peuplé que le Nigéria. Le biais de sélection, c'est-à-dire la distorsion de la situation par sélection, est alors particulièrement important ici. Il se peut que l’on ait étudié ces gens parce 
qu’il y avait des cas sur le lieu de l'enquête. Ou qu’on leur ait dit: "nous faisons une étude scientifique aujourd'hui et tous ceux qui veulent peuvent participer." Et que, bien sûr, viennent ceux qui ont été malades et qui veulent savoir s’ils ont eu cette maladie. 

Hennig: Il est dit que certaines personnes présentant des symptômes ont déclaré: "Nous avons eu des symptômes grippaux."

Drosten: Exactement. C'est bien sûr une distorsion de la réalité. Et puis il y a une autre caractéristique chez ces 185 participants : dans la subdivision entre urbains et ruraux, il n’y a aucune différence. C'est très étrange quand on a une épidémie pendant si peu de temps, de mars jusqu'à l'enquête en mai, d’avoir la même prévalence à la campagne qu’en ville. Comment est-ce possible? Les différences entre les zones urbaines et rurales en Afrique sont extrêmes. Comme je l'ai dit, d'après ma propre expérience, lorsque vous partez de l'aéroport en voiture et que vous vous rendez dans l'arrière-pays, c'est un voyage dans le temps.[...] Vous n’avez rien de tel en Europe. Que l'on trouve maintenant le même taux d’infection, je pense qu'il faudrait le vérifier. Et si vous regardez de près ce qui a été fait: un test sérologique avec la méthode lateral-flow, donc un test comme celui dont nous avons déjà parlé dans le passé, basé sur le principe d'un test de grossesse pour les anticorps. Et nous savons que ces tests sont sujets à erreur et qu’ils n'ont pas été validés pour les populations africaines. [...]

Nous pouvons aborder très brièvement une autre étude, qui vient du Malawi. [Le test qui a été utilisé est bien meilleur]. Le personnel médical a été examiné et on a trouvé 12,3% de [séroprévalence]. Au fait, dans l'étude avec le Nigéria c'était 25 %, donc vraiment beaucoup. Ici au Malawi 12,3 %, mais il faut aussi dire que cela a été fait dans un hôpital. C’est du personnel médical qui s'occupe des patients. Ils ont été examinés dans une ville de 800.000 habitants. Et c'est aussi une ville, il faut le dire, qui a une longue histoire coloniale, où il y a aussi beaucoup de voyageurs, où beaucoup de gens viennent de l'étranger, et donc le virus a pu être introduit de cette manière.

Et [concernant] les pays d'Afrique subsaharienne en général: la ville est très différente du pays. Nous avons le phénomène de l'exode rural, ce qui fait qu’actuellement il y a beaucoup de jeunes dans les villes, ce qui fait très fortement baisser la moyenne d'âge en ville. Et cette impression [d’avoir] peu de décès dans les populations africaines peut être due au fait que pour le moment, seules des informations concernant les grandes villes sont diffusées, les études médicales ne sont pratiquement effectuées que dans les grandes villes. […] La ville est juste beaucoup, beaucoup plus jeune.[...]Bien sûr, cela signifie que le virus cause beaucoup moins de dégâts dans les villes. Et nous ne savons même pas ce qui se passe dans l'arrière-pays. Quiconque a déjà vraiment voyagé en Afrique sait combien il y a de personnes âgées dans les villages africains. Les gens là-bas atteignent un âge assez avancé et certains ont des problèmes de santé. Et peut-être que nous n'aurons jamais de chiffres pour les campagnes de nombreux pays d'Afrique subsaharienne. [Nous ne pourrons donc que l’estimer après coup, avec la surmortalité].

Hennig: Et dans les zones rurales, il y a parfois un problème avec les mesures d'hygiène. [Avec l’eau propre].

Drosten: Beaucoup de choses, beaucoup de choses. Peut-être aussi des choses immunomodulatrices, les infections parasitaires, qui sont extrêmement courantes dans ces populations. Où nous ne savons même pas ce que cela fait si on développe la Covid. Nous avons donc l'immunopathogenèse. Et nous ne savons pas ce qu'un système immunitaire aussi modifié fait dans les poumons au cours de cette infection, par rapport au système immunitaire d'un Européen.

Hennig: Parce que peut-être que les parasites atténuent une réaction immunitaire afin de pouvoir rester dans l'hôte et qu'il y aura à nouveau une violente inflammation.

Drosten: Exactement, parce que peut-être que l'auto-reconnaissance des autres dans le système immunitaire cellulaire est conçue un peu plus généreusement, je l'exprime maintenant en termes très familiers. Les immunologistes en souriront ou seront contrariés que je dise cela - selon leur caractère. [...] Avec l'immunopathogenèse, nous commençons tout juste à comprendre ce qui se passe dans les poumons. Bien entendu, une maladie infectieuse à l'échelle de la population qui a touché chaque membre de la population depuis la petite enfance est quelque chose qui nécessite un ajustement complètement nouveau de toutes les études si l'on veut comprendre cela. Vous ne pouvez pas simplement transposer la situation de l'Europe sur Afrique.

Hennig: Cela signifie que certaines conditions qui semblent problématiques - un système immunitaire déjà attaqué par des problèmes complètement différents dans certaines zones - peut également avoir un effet positif avec ce virus.

Drosten: Absolument.

L'exemple de l'Afrique du Sud

Hennig: 32 000 décès ont été signalés en lien avec le coronavirus pour toute l'Afrique. Peu importe dans quelle mesure on peut parler d’une éventuelle immunité collective, la grande interrogation pour les virologues est déjà: les cas sont moins sévères. Une explication pourrait être l'âge, la structure par âge dans les grandes villes, comme vous l'avez dit, peut-être aussi moins de surpoids. Quels autres facteurs peuvent entrer en considération?

Drosten: Pour être honnête, le principal facteur que je vois en ce moment est le reporting. J'ai des doutes sur le message qui est véhiculé en ce moment. Permettez-moi de vous donner un exemple des raisons pour lesquelles je suis si sceptique. Nous savons qu'en Afrique du Sud, nous avons un très, très bon système de santé publique. De nombreux tests y sont également effectués, certes non comparable aux pays européens, mais tout à fait décents. Et on a maintenant les premières données. [...] Un de mes très bons amis est virologue en Afrique du Sud. Il m'a transmis des données encore meilleures.[…] Il y a un district qui est très bien étudié, c'est la région métropolitaine du Cap. Il faut savoir que le centre de Cape Town a une structure très européenne. Mais nous avons aussi Khayelitsha, l'un des plus grands townships d'Afrique du Sud, avec une population très, très pauvre. Nous avons aussi des taux élevés de prévalence du VIH, tous ces problèmes que connaît également l'Afrique du Sud. Et nous avons de bons chiffres pour cet endroit. Là, on a observé quelque chose d’intéressant, je pense que c’est fiable, une séropositivité de 40% en faisant des études. Ceci est basé sur des examens de suivi des échantillons de sang lors de l'examen des femmes enceintes.

Voilà un bon aperçu d'une population adulte, les femmes enceintes. Elles sont dans une tranche d'âge plus jeune que chez nous, surtout autour de la vingtaine. Et puis il y a les cliniques VIH, qui y sont très répandues, qui sont soutenues par le système de santé publique. Il y a beaucoup de prévalence du VIH là-bas et donc beaucoup de traitements et de patients que vous voyez encore et encore. Et si vous vérifiez les échantillons sanguins pour les anticorps anti-SRAS-2 dans ces sections de la population, vous trouvez une séroprévalence de 40%. C’est la population pauvre. Ce sont des cliniques publiques qui sont utilisées ici. Les plus pauvres ont donc tendance à y aller. La population plus riche est plus susceptible d'être traitée dans des cliniques privées et des cabinets privés.

Ainsi, avec une séroprévalence de 40%, nous observons maintenant que la propagation spontanée du virus devient moindre. Il y a maintenant moins de décès. La propagation s’est faite au cours de l'été, hiver là-bas, [pendant lequel] ce virus s'est largement répandu, en particulier parmi les plus pauvres. Il y a vraiment eu des problèmes de soins médicaux. [...]dans la région métropolitaine du Cap, il y a eu une surmortalité de 3900, 40% de séroprévalence dans une population de 3,7 millions d'habitants pour cette zone urbaine.

Si nous admettons que 40 % d'entre eux étaient séropositifs, alors nous pourrions dire que 1,48 million de personnes ont été infectées durant cette vague au Cap. Mais on a 3900 décès, soit 0,28% de mortalité par infection. C'est un chiffre réaliste, même pour une population européenne. Nous sommes ici dans les intervalles de confiance de l'estimation. Lors de la première vague en Espagne et en Angleterre, nous avions 0,8 et 0,9%. On a là 0,28. Il faut le voir généreusement. J'ai calculé une séroprévalence de 40 %, ce qui est particulièrement vrai dans les couches les plus pauvres de la population. Cela ne s'appliquera probablement pas à tout le Cap. La séroprévalence réelle est probablement beaucoup plus faible. Les scientifiques là-bas en Afrique du Sud disent également que la séroprévalence réelle est probablement plus faible et qu'elle peut être deux fois moins élevée. Alors nous serions dans la gamme de 0,6. Et ce serait comparable aux estimations européennes.

Donc, pour le moment, je ne vois pas pourquoi les populations africaines devraient être moins concernées par les décès, surtout lorsque nous nous rendons compte que la maladie était principalement centrée sur les populations les plus pauvres. C’est pourquoi j’ai du mal à croire que l’Afrique n’est pas concernée.

Hennig: Je voudrais à nouveau poser une question brièvement sur l'Afrique du Sud. Donc, [c’est] parce que nous en savons simplement plus sur l'Afrique du Sud que la situation y est un peu plus dramatique que dans d’autres pays?

Drosten: Je crois et j'espère qu'après cette première vague difficile là-bas, quelque chose a effectivement été réalisé en termes d'immunité collective en Afrique du Sud, en particulier dans la population la plus pauvre, qui n'est pas si bien prise en charge, de sorte que l'on peut compter sur les mesures de précaution, la restriction des contacts qui sont maintenues et sont particulièrement efficaces. La considération très simple, le masque que vous portez, qui n'est peut-être pas totalement efficace, mais l’est particulièrement à cause de l’immunité de groupe.

Ce serait bien, ce serait une très bonne nouvelle. Mais en aucun cas il ne faut en conclure qu’on doit désormais moins se soucier du continent africain en termes de coopération internationale. Au contraire, il faut faire attention maintenant à ce qui se passe là-bas, car on n’en sait trop peu et on peut avoir de mauvaises surprises si on se sent en sécurité sur la base de ces premières études qui apparaissent et qui peuvent être surinterprétées.

Si vous regardez les chiffres de la Johns Hopkins University pour l'Afrique du Sud: 15.447 décès pour près de 650.000 cas enregistrés, soit 2,4% de mortalité par cas. C’est ce qu’on constate également dans de nombreux autres pays du monde sur la base des cas déclarés. Ce n'est pas la mortalité infectieuse, donc ces statistiques sont toujours surestimées. Mais elles ne sont pas faites différemment ici que dans les pays européens. C'est pourquoi j'ai l'impression qu'il serait peut-être imprudent de dire que tout est complètement différent en Afrique. Alors certainement, dans les grandes villes africaines avec une composition par âge particulièrement jeune, oui, il se peut qu’on y voie moins de décès. Mais il n’y a pas que le fardeau des décès.

Inocula faibles de Sras2 = variolisation ?

Hennig: Il reste encore beaucoup de questions sans réponse sur l'Afrique. Enfin, je voudrais à nouveau transmettre une question du public. Quelqu'un qui est cardiologue nous l'a posée. […] Est-il réellement envisageable, demande-t-il, que le système immunitaire [se renforce] si vous êtes confronté à une faible charge virale plus souvent [...] Est-ce possible?

Drosten: Eh bien, c'est concevable. Un article a récemment été publié dans le New England Journal of Medicine. Il ne s'agit que d'un article d'opinion. Mais cela a de nouveau été largement diffusé dans les médias comme une nouvelle découverte scientifique alors que ce n'est pas le cas. L'argument est le suivant: si tout le monde porte des masques, alors en moyenne, tout le monde excrète moins de virus. Ce moins de virus rappelle une mesure connue dans le cas de la vaccination contre la variole, ou variolation, [qui consiste à laisser sécher des pellicules de peau de malades, de sorte que le virus diminue mais ne disparaît pas totalement, qu’on applique ensuite dans une incision]. Et comme il y a peu de virus, beaucoup de gens tombent moins malades et ne meurent pas. [Ils sont] ensuite immunisés. Et maintenant on dit : avec le masque, [...] la dose moyenne de virus transmise est peut-être plus faible et alors l'infection complète ne se déclare pas, mais plutôt une infection superficielle ? Et sans que nous nous en rendions compte, nous sommes soudainement immunisés car nous n'avons que très peu de virus. Il y a des raisons de penser qu'une telle chose pourrait exister. Par exemple, dans un précédent épisode de podcast, nous avons parlé de cette étude suisse sur la séroprévalence, où il y avait des indications que le personnel hospitalier qui est exposé professionnellement n'a indiqué qu'une légère sécrétion d'anticorps IgA sur la membrane muqueuse, alors qu’on ne voyait aucun anticorps dans le sang. Il se peut qu'ils soient partiellement protégés. Et le terme d'immunité partielle a parfois été utilisé par des experts en public, qui n’a rien à faire dans ce contexte. Il appartient davantage au domaine de l'immunité antipaludique. Nous savons qu'il existe une immunité partielle. Cela n'a rien à voir avec une maladie des voies respiratoires. Et avec la variolation, donc la variole, c'est un mécanisme d'infection complètement différent. Vous inhalez déjà le virus, mais ensuite il passe systématiquement par le sang. Je ne veux donc pas écarter tout cela d'emblée. C’est peut-être vrai. Et ce serait génial si c'était le cas.

Hennig: Mais il y a encore beaucoup de subjonctif.

Rester prudents

Drosten: Exactement. C'est donc une belle spéculation académique. Tout cela est bien beau, mais la question est: qui voudrait assumer la responsabilité de traduire cela en lignes directrices? Personne. Et c'est en fait le problème que nous avons pour cet automne et hiver. Après tout, ça fait un moment que nous ne faisons plus un podcast pour les [passionnés] de la virologie académique. Ce serait bien. Au contraire, on se pose toujours la question - et si nous ne le faisons pas ici, alors d’autres le font à notre place - qu'est-ce que cela signifie maintenant? Et alors un message serait rapidement généré qui irait dans le sens de ce que nous avons discuté au début : c’était pas la peine de faire tout ça, on aurait pu le savoir et si tout le monde avait porté des masques etc. Il y a tellement d'objections à formuler. [C’est sans fin]

Mais si [on veut s’y retrouver], alors vous devez dire: quel est l'intérêt de se faire tous ces reproches rétrospectivement, qui sont essentiellement faux de toute façon et qui, cet hiver, seront regrettés par ceux qui portent maintenant ces accusations? Il suffit de regarder les pays voisins. Et puis l'argument reviendra: oui, mais personne ne meurt. Personne ne meurt maintenant, bien sûr, mais le virus doit d'abord se répartir dans les cohortes plus âgées. Et cela prend plusieurs semaines. Et puis ils doivent arriver à l'hôpital et se dégrader. Cela aussi prend plusieurs semaines. [...] Cela ne conduit finalement pas à une nouvelle compréhension des phénomènes.

Nous n'avons aucune preuve que le virus a changé. Nous nous attendions à ce qu'il y ait moins de cas cet été. On sait que les autres coronavirus apparaissent moins en été, que la grippe apparaît moins en été. Et c'est pourquoi nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le fait que l'hiver reviendra.

mardi 22 septembre 2020

Asymptomatiques, symptomatiques, présymptomatiques. Podcast #55 du 8 septembre

Korinna Hennig: Madame Ciesek, avant de commencer, j'aimerais vous présenter un peu. À l'avenir, vous interviendrez ici toutes les deux semaines, en alternance avec Christian Drosten. Vous venez de Basse-Saxe, de Goslar, et avez longtemps été à la faculté de médecine de Hanovre. Il y a une chose qui vous distingue de votre collègue: vous n'êtes pas seulement médecin de laboratoire, mais avez également travaillé comme interniste et gastro-entérologue. Qu'est-ce que ça vous apporte pour vos recherches?

Ciesek: C'est une bonne question. Quand j'étais à la MHH (Medizinische Hochschule Hannover), je soignais des patients en même temps que je faisais de la recherche. J'ai toujours aimé faire les deux. De temps en temps, des questions se posaient pendant les soins aux patients. Par exemple, pour le suivi et les soins préventifs des greffes de foie. Il y avait des patients avec une hépatite C chronique, par exemple, et qui ont donc été transplantés. Après la greffe, leur progression était pire que celle des autres patients qui avaient une maladie sous-jacente différente. Et alors que j'étais assise là avec les patients, je me suis demandé quelle pouvait en être la raison? Est-ce à cause des médicaments qu'ils doivent prendre après une greffe, qui [pèsent sur] le système immunitaire? J'ai pu étudier cela en laboratoire ; quelle influence chaque médicament a-t-il sur le virus? Peuvent-ils, par exemple, favoriser la réplication ou, au contraire, la ralentir? C'est pourquoi je trouve toujours passionnant d'avoir des questions spécifiques ou des problèmes non résolus en clinique et de pouvoir les examiner en laboratoire et ensuite faire des recherches qui sont pertinentes.

Hennig: Vous faites maintenant exactement l'inverse [en étant] dans la recherche. Avant la pandémie de coronavirus, les virus de l'hépatite étaient votre principal objet de recherche. Aujourd’hui, en lien avec le Covid-19, il s'agit aussi de recherche sur les médicaments, [ainsi que] de nouvelles méthodes de détection des virus. Pensez-vous encore aux patients?

Ciesek: Certainement. Je parle beaucoup avec mes collègues qui travaillent ici à Francfort dans les maladies infectieuses ou dans l'unité de soins intensifs. Je leur demande leurs souhaits, leurs besoins. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le département de la santé de Francfort et demandons toujours: que vous manque-t-il? Qu'est-ce qui vous faciliterait la vie? Comment pourriez-vous travailler plus efficacement? Et puis nous essayons toujours de trouver des solutions ensemble. [...]

Asymptomatiques, symptomatiques et présymptomatiques

Hennig: On parle aujourd'hui de patients asymptomatiques, [des] personnes qui ne développent aucun symptôme, mais dont il a été prouvé qu'elles sont infectées. Les personnes pré-symptomatiques peuvent développer des symptômes plus tard. Mais il y a un champ entre les deux où vous dites qu’on peut avoir des symptômes différents, légers, que nous ne remarquons pas. Est-ce que cela joue un rôle important?

Ciesek: Je pense que la première chose à faire est d’expliciter les termes. Il y a les asymptomatique, c'est-à-dire que l'on n'a aucun symptôme. Et il y a des patients symptomatiques, présentant des symptômes. Les différencier n'est pas toujours aussi facile que l'imagine le profane. Parce qu'il y a des symptômes subjectifs, c'est-à-dire qui ne peuvent pas être objectivés. Il existe des symptômes objectifs, détectables par tout le monde. Par exemple, une fièvre est un symptôme objectif que vous pouvez mesurer. Et il y a aussi des symptômes subjectifs comme la perte de goût. Cela dépend beaucoup de la sensibilité de chacun.

Si vous regardez les symptômes de la Covid-19, de cette infection, le RKI donne comme symptôme le plus courant, avec 46 %, la toux, suivie de la fièvre (39%) et le nez qui coule (21%). Puis viennent les troubles olfactifs et gustatifs. Et quand vous regardez bien, cela dépend beaucoup du fait si les patients le signalent ou si vous leur demandez. Par exemple, [ce symptôme n’est donné spontanément que par] 15 % et lorsque le médecin le demande, 50% le signalent. Et ce qui rend également difficile la distinction entre symptomatique et asymptomatique, c'est que, surtout au début, les symptômes peuvent souvent être très peu spécifiques. Ainsi, les maux de tête et le nez bouché surviennent généralement avant la toux, un ou deux jours avant.

Il y a aussi des symptômes encore moins spécifiques, mais qui peuvent en faire partie, comme des courbatures, des problèmes gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales), ou encore des difficultés respiratoires classiques, un essoufflement ou une fatigue. J'ai moi-même vu combien il est difficile de faire la différence lors de l’accompagnement du vol entre Wuhan et Francfort début février. Il y avait plus de 100 personnes qui ont été évacuées de Chine. Nous avons aidé le département de la santé parce que toutes ces personnes devaient être examinées. À cette époque, nous n'avions aucune expérience avec le virus et la maladie et nous nous sommes appuyés sur la littérature et des récits. Quels symptômes devions-nous surveiller à l'aéroport? Cela n’a pas été si simple. Nous avons alors convenu que la fièvre ou la toux étaient sérieux.

Si quelqu'un avait juste la gorge ou les yeux rouges, nous ne prenions pas cela de manière trop sérieuse à l'époque. Il faut aussi dire que les gens qui venaient de Wuhan avaient été dans l'avion pendant dix ou douze heures, et ce n'était pas une classe affaires, c'était une machine de l'armée de l'air. Ils ont raconté qu’ils ont dû rester assis à l'aéroport de nombreuses heures, qu’ils avaient été parfois 20 à 24h sur les routes, il y avait beaucoup de jeunes enfants. Je pense que presqu’une personne sur deux était fatiguée, avec des yeux ou une gorge rouges, juste à cause du vol. [...] Certains se souviennent peut-être encore que deux personnes à bord avaient alors le SRAS-CoV-2 de façon avérée.

Hennig: Mais qui pensaient être en bonne santé.

Ciesek: Exactement, ils n'étaient pas avec ceux qui ont signalé à l'avance qu'ils étaient symptomatiques, isolés lors du vol puis amenés directement à la clinique universitaire. Fait intéressant, ils étaient tous négatifs et avaient d'autres infections, ce qui n'est pas inhabituel en février non plus. Et les deux qui pensaient être en bonne santé, [avaient du virus] infectieux. Nous avons pu le répliquer en culture cellulaire et aujourd'hui, par exemple, nous travaillons toujours avec ces virus. Vous voyez à quel point les symptômes peuvent être non spécifiques. Cette personne a alors dit, après avoir longtemps été interrogée, qu'elle avait eu un petit mal d'oreille la semaine précédente, ou alors une légère éruption cutanée. [...]

Hennig: Aujourd'hui, si vous avez mal à l'oreille ou une éruption cutanée, vous ne penseriez pas qu’il faille aller faire un test.

Ciesek: Ni si vous êtes fatigué. Comme je l'ai dit, nous avons appris qu'il fallait regarder les symptômes différemment. Puis en mars nous avons accompagné un autre vol. C'était très intéressant parce qu'alors nous avons questionné les gens de façon beaucoup plus précise, déjà à l'aéroport. Certains avaient le nez bouché, ou qui coulait un peu, mais disaient: "Oui, mais chaque fois que je prends l'avion en mars et que je viens en Allemagne, j'ai le rhume des foins." Cela montre à nouveau à quel point c'est difficile. Il est très probable que ces gens avaient le rhume des foins. Mais ils n'ont pas associé cela au symptôme d'une maladie, c'est-à-dire à cette maladie virale. Parfois, ce n'est pas si clair si une personne est symptomatique ou asymptomatique, surtout si elle ne présente pas les symptômes classiques comme la fièvre et la toux.

Hennig: Ce deuxième vol, c'était de Tel Aviv, début mars. Il y avait un groupe de touristes dont certains étaient infectés mais ne le savaient pas à l'époque. Avez-vous encore pu identifier les personnes dont vous dites: même après l'enquête, elles n'avaient vraiment aucun symptôme?

Ciesek: Oui, le groupe de touristes était dans l'avion sans masque et sans mesures de protection à l'époque. Il y avait déjà sept positifs sur le vol, quatre d'entre eux étaient symptomatiques. Trois n'avaient aucun symptôme au moment où nous les avons examinés, mais environ deux jours plus tard, ils ont développé des symptômes.

Hennig: Cela s'appelle donc présymptomatique.

Ciesek: Exactement. [...] Ensuite, nous avons fait une étude ici à Francfort, également très intéressante. Nous avons testé un millier d'employés pour le SRAS-CoV-2 par un médecin du travail afin de savoir à quelle fréquence la maladie n'est effectivement pas détectée dans la population, ici dans la région Rhin-Main. Une personne a été positive qui n'en soupçonnait rien. Nous l’avons contactée et on lui a demandé si elle n'avait vraiment aucun symptôme. Elle a dit qu’après avoir reçu le diagnostic, oui, elle avait remarqué que pendant un jour elle avait perdu le goût. Je trouve le classement très difficile, car si elle n'avait pas su qu'elle avait été testée positive, elle n'aurait probablement jamais remarqué ce symptôme. C'est ce qu'on appelle en médecine l’effet nocebo. Nocebo a été trouvé lors d’études sur les médicaments. La plupart des gens connaissent l’effet placebo...

Hennig: Des effets positifs, même sans principe actif. Et dans ce cas, un effet négatif car on s'y attend.

Ciesek: Exactement. Certaines études montrent que si vous informez particulièrement bien les patients sur les effets secondaires d'un médicament, les attentes peuvent être si élevées que ces effets secondaires peuvent réellement se produire. Et plus vous interrogez intensément un patient sur les symptômes, surtout s'il s'agit de symptômes subjectifs, plus vous aurez de chances d'obtenir une réponse ou d'obtenir la preuve de leur présence.

Et comme je l'ai dit, en résumé, on peut dire qu'il y a les symptômes classiques, mais aussi de très, très nombreux symptômes qui peuvent être non-spécifiques tels que des maux de gorge, des courbatures ou des yeux un peu rouges. Il est très difficile de décider si une personne ne présente aucun symptôme, c'est-à-dire est asymptomatique. Vous, par exemple, à quand remonte la dernière fois des symptômes qui correspondent à toute cette description?

Hennig: Si je m'écoute, je dirais ce matin. On se réveille le matin avec un petit mal de gorge... Mais si je me pose la question de savoir si je vais bien à 100%, alors je peux trouver quelque chose tous les deux jours. [...] Il y a une étude aux États-Unis à partir d’une application, dans laquelle des personnes infectées et non infectées devaient signaler leurs symptômes. Plus de 500 000 personnes l’ont utilisée et près d'une personne sur dix dont l'infection a été confirmée par PCR a déclaré: «J'ai eu des nausées ou de la diarrhée». Or, nous ne pouvons pas tout le temps aller chez le médecin et dire: "J’ai un truc étrange. J'ai besoin d'un test pour le coronavirus." Devons-nous faire face au risque résiduel?

Ciesek: C'est vrai, c'est très difficile. Il n'est pas si facile de séparer le symptomatique de l'asymptomatique. Bien sûr, on ne peut pas supposer directement le pire des cas pour chaque trouble. Il faut dire que cela dépend également d'autres facteurs comme le risque individuel. Si vous avez eu des contacts avec une personne infectée par le SRAS-CoV-2, votre risque est complètement différent que si vous n'aviez aucun contact ou n'assistiez pas à un événement très fréquenté. Je pense qu'il faut faire la part des choses.

À propos du terme «présymptomatique», c'est un terme très important qui est souvent mal employé. Si c'est mardi aujourd'hui et que vous êtes testé avec une gorge irritée, vous étiez soit asymptomatique, soit symptomatique selon [l’intensité de ce que] vous en ressentiez. Mais quand vous parlez de "présymptomatique", vous avez toujours une composante temporelle avec vous, que vous ne pouvez dire qu'après. Donc «présymptomatique» signifie qu'il y a une phase dans laquelle vous étiez contagieux, mais n'aviez pas encore de symptômes que vous avez ensuite développés au cours de la maladie. Vous ne le savez qu'après. Si vous dites: «Je n'ai aucun symptôme aujourd'hui, mais j'ai été testé positif», cela peut être différent demain ou après-demain. C'est pourquoi il serait préférable de ne pas se demander si des personnes asymptomatiques peuvent transmettre le virus, mais plutôt si des patients avec une évolution asymptomatique [le peuvent]. Parce que si nous ne parlons que d'un moment dans le temps, nous ne pouvons tout simplement pas regarder dans l'avenir, comment la maladie ou l'infection se développera. Fondamentalement, vous pouvez toujours dire rétrospectivement si quelqu'un était vraiment asymptomatique ou dans une phase présymptomatique.

Intervalle séquentiel et période de latence

Hennig: Combien de temps une telle phase peut-elle durer? Il existe des termes comme «intervalle séquentiel», le temps entre le début d'une maladie et le début de la maladie d'une autre qui a été contaminée. Il y a la "période de latence supérieure", c'est-à-dire le temps maximum entre l'infection d'une personne et le moment où elle est elle-même infectieuse. Combien de temps après m'être infectée, selon la recherche, est-ce que j'infecte d'autres personnes?

Ciesek: Oui, c'est une bonne question qui nécessite encore des approfondissements. Pour pouvoir le faire, vous devez savoir exactement quand le contact a eu lieu avec la personne et, si le contact était limité. C’est très difficile à étudier si vous êtes en contact sur une longue période. Vous avez un contact avec le virus, vous êtes infecté, puis vient la période de latence jusqu'à ce que nous puissions utiliser la PCR pour prouver qu'il y a une infection. On suppose que c'est environ un à trois jours, quatre au plus.

Cela varie également d'une personne à l'autre. Par exemple, je peux imaginer que cela dépend de la dose de virus que vous avez initialement reçue. Après cette période de latence, la période pendant laquelle on n'a pas de symptômes, c'est-à-dire cette période présymptomatique ou période d'incubation. On l’estime à deux à trois jours. Mais comme je l'ai dit, cela peut être différent d’une personne à l’autre. Ensuite, les symptômes apparaissent et ce n'est généralement qu'à ce moment que le patient remarque qu'il est malade. Lorsque vous parlez d'un intervalle en série, il est préférable de le faire sur la base des symptômes, car c’est plus facile à déterminer. Donc: vous avez été infecté aujourd'hui et vous aurez une toux vendredi. Ensuite, on compterait du vendredi jusqu'à ce qu'à un moment donné, le prochain que vous avez infecté ait également toussé. Ce serait l'intervalle de série qu’on estime à environ sept ou huit jours pour le SRAS-CoV-2.

Rôle des non symptomatiques

Hennig: Maintenant, d'après ce que la recherche sait, ces personnes asymptomatiques, ainsi définies, jouent vraisemblablement un rôle majeur dans la transmission du virus. Peut-on estimer à quelle fréquence cela se produit, à quelle fréquence les personnes sont infectées de manière asymptomatique, présymptomatique?

Ciesek: Oui, diverses études épidémiologiques ont tenté de le faire encore et encore. Ici, vous devez faire une distinction claire entre les personnes qui ont eu une évolution asymptomatique, la fréquence à laquelle les autres ont été infectées et les personnes qui n'avaient aucun symptôme lorsqu'elles ont infecté quelqu'un. Cela inclut également ceux qui présentent des symptômes plus tard, c'est-à-dire qui étaient présymptomatiques. On suppose qu'ils sont responsables de près de la moitié des infections, plus précisément entre un tiers et la moitié.

Et puis clarifier si quelqu'un est asymptomatique ou présymptomatique n'est pas si simple. Il y a, par exemple, une étude sur la grippe, une méta-analyse qui a également tenté de découvrir la fréquence de l'évolution asymptomatique par rapport à l'évolution symptomatique. Et ce qu'on a vu, c'est que cela dépend de la conception de l'étude et de la façon dont vous définissez les symptômes. Vous ne prenez que des symptômes classiques, comme nous l'avons dit au début: toux, fièvre et écoulement nasal? Ou prenez-vous également la fatigue, les maux de gorge et les nausées comme symptômes? Et ce qui fait également une grande différence dans la fréquence des symptômes, c'est comment les examiner. Donc, si vous enquêtez sur une épidémie et examinez toutes les personnes qui ont eu des contacts en utilisant la PCR, vous avez un taux moyen de 16% d’asymptomatiques. Mais si vous effectuez une étude longitudinale six mois plus tard et que vous recherchez des anticorps, alors le nombre de personnes asymptomatiques semble complètement différent, à savoir qu'il est estimé entre 65 et 85%. Cela dépend de la façon dont l'étude est conçue et de la quantité des questions que vous posez sur les symptômes, et des symptômes que vous associez à cette maladie. Nous le voyons de la même manière avec le SRAS-CoV-2. Il y a vraiment beaucoup d'informations fluctuantes sur la fréquence des cours asymptomatiques. Cela varie à peu près entre 6 et 50 %.

Hennig: Dans quelle mesure pouvez-vous distinguer cela des autres maladies infectieuses présentant des symptômes similaires qui entrent également en jeu ici? Surtout en automne et en hiver, cela reprendra. À moins que les masques et la distance aient un si grand effet et que plus personne n’attrape rien, ce qui est peu probable.

Ciesek: C'est une bonne question. J’ai vu ces derniers jours une étude qui disait que selon le premier symptôme, qu'il s'agisse d'une toux ou d'une fièvre, vous savez s'il s'agit de la grippe ou du SRAS-CoV-2. Je pense que si vous êtes aux urgences et qu'un patient a de la toux et de la fièvre, vous n’allez pas perdre de temps à lui demander s'il a toussé avant d'avoir de la fièvre, car la plupart du temps il ne le saura plus.

Et deuxièmement, vous ne pouvez pas vraiment faire de distinction clinique et vous ferez toujours un test. Il y aura une autre innovation à l'automne, il y aura des PCR dites multiplex, qui nous facilitent la tâche en clinique. Cela signifie que vous faites un prélèvement que vous pourrez tester pour différents agents pathogènes [en même temps].

Différences de charge virale

Hennig: Quand il s'agit de savoir si les personnes asymptomatiques ou avec des symptômes très légers sont contagieuses et à quel point elles le sont, il s'agit également de savoir à quel point la charge virale est élevée, combien de virus il y a dans la gorge, à quel point on est contagieux. Que sait-on à ce sujet chez les individus asymptomatiques? Intuitivement, on pourrait penser que la charge virale est plus faible si on a aucun symptôme.

Ciesek: Exactement, il existe de très nombreuses études. Dans certaines études, il n'y a pas eu de suivi pour déterminer si elles sont également devenues symptomatiques. Vous devez toujours garder cela à l'esprit. Mais il y a des études intéressantes à ce sujet parues dans Nature Medicine et Nature qui n'ont constaté aucune différence dans les charges virales, que quelqu'un soit symptomatique ou non. Il faut dire qu'il existe aussi des études où une différence a été constatée. Mais ce qui est important: la charge virale est la plus élevée au moment où les personnes développent des symptômes ou au début de l'infection, puis retombe. Pour moi, il est également important de regarder: à quelle vitesse cette charge virale diminue-t-elle?

Malheureusement, il existe également des différences selon les publications. Je pense qu'il est logique que les personnes qui ne sont pas gravement malades ou asymptomatiques se débarrassent du virus plus rapidement, de sorte qu'elles sont séropositives pendant un temps plus court. Mais ce qu'il est également important de mentionner - il y a encore beaucoup de spéculations sur la charge virale – c’est que ce n'est qu'un paramètre. Ainsi, la charge virale, même si vous trouvez de très petites différences, d'un facteur de deux, n'a pratiquement aucune pertinence clinique. C'est une chose. Et l'autre est que nous savons que la charge virale en culture cellulaire est corrélée avec l'infectiosité. Nous prenons des cellules en laboratoire et les infectons avec l'échantillon. Et plus la charge virale est élevée, plus il y a de
virus dans l'échantillon, mieux nous réussissons à le cultiver en culture cellulaire. Mais la durée est toujours un aspect important, c’est-à-dire combien de temps une personne a été infectée. Cela joue un rôle majeur dans cette infectiosité de culture cellulaire. Mais si on y pense: les asymptomatiques sont-ils tout aussi contagieux? Et il y a d'autres raisons, à savoir: est-ce que quelqu'un tousse ou éternue?

Bien sûr, si vous toussez ou éternuez tout le temps, vous libérez des virus autour de vous, bien plus que quelqu'un qui ne présente aucun symptôme, et le risque que quelqu'un soit infecté augmente. D'autres facteurs jouent également un rôle: quel est le comportement de la personne? L'hygiène des mains est-elle respectée? Combien de contacts étroits a-t-elle? Ou des caractéristiques anatomiques telles que la célèbre prononciation humide qui pourraient également jouer un rôle. On ne peut pas simplement regarder la charge virale et dire si quelqu'un est plus contagieux qu’un autre. C'est un point important, mais il y en a beaucoup d'autres. Et le stade dans lequel se trouve cette personne fait également une énorme différence. S’est-elle récemment infectée? On suppose que l'infectiosité est alors plus élevée que si elle est infectée depuis plusieurs jours. Cela ne joue alors plus guère de rôle.

Hennig: Revenons à la charge virale: baisse-t-elle plus rapidement - au moins en laboratoire - chez les patients asymptomatiques, ou n'est-il pas encore possible de le dire avec certitude?

Ciesek: Comme je l'ai dit, il existe diverses études. Il y a une étude qui a été faite très tôt qui a montré exactement le contraire. Mais il y a maintenant d'autres études qui disent que ça tomberait plus vite. Il nous manque juste de très bonnes données. Je pense qu'il y a encore des études en cours. Nous devons attendre pour en savoir plus.

Hennig: Vous venez de faire allusion au comportement. Nous avons parlé des infections dans les clusters, les événements de super-propagation, dans l'un des podcasts précédents. Donc, si je reste dans une pièce fermée, même sans tousser ou éternuer, mais en criant constamment et en me tenant très près des gens, alors la probabilité est élevée que je dégage une quantité relativement importante de virus lorsque je suis infectée de manière asymptomatique. En savons-nous plus sur d'autres facteurs biologiques qui pourraient faire de moi quelqu'un de potentiellement très infectieux même si je n'ai pas de symptômes? Ou est-ce toujours un angle mort?

Ciesek: C'est toujours un angle mort. Mais les choses que j'ai mentionnées plus tôt jouent un rôle, à savoir le comportement de la personne (combien de contacts étroits ai-je? si vous êtes malade, rentrez-vous chez vous, restez-vous à la maison? Ou poursuivez-vous votre vie sociale?) Bien sûr, cela joue également un rôle. Nous ne savons pas encore ce qui rend le supercontaminateur si spécial. Pas non plus s'il s'agit vraiment de personnes individuelles ou si ce sont les circonstances, comme la salle. Ces événements de super-propagation étant principalement des événements en salle. Cela joue certainement un très grand rôle.

Quarantaine, isolement, temps de décantation («Abklingzeit»)

Hennig: La semaine dernière, nous avons discuté de divers termes qui ont causé un peu d'irritation: la quarantaine, le temps de décantation. Vous avez parlé des voyageurs, ce qui est un sujet important. Ce sont des gens qui pourraient être infectés, mais qui ne le soupçonnent pas. Ils devraient rester à la maison pendant cinq jours, puis se faire tester. Pourquoi cinq jours? D’où vient cette proposition?

Ciesek: Oui, je pense qu'il y a eu un peu de confusion la semaine dernière. On a donc la quarantaine et l'isolement. [Pour mieux retenir la différence]: «Isolement» pour les infectés («I»), donc ceux qui ont vraiment l'infection. Et "quarantaine" pour les cas contact, ("K"). [...] Si une personne est infectée, c'est-à-dire isolée, elle a pratiquement déjà traversé la période d'incubation. Si quelqu'un entre en quarantaine, c'est-à-dire était une personne contact, vous attendez de voir s'il a été infecté.

La semaine dernière, M. Drosten a mentionné le terme «temps de décantation », qui n'est pas un terme venant de l’infectiologie. Il a voulu exprimer autre chose que isolement et quarantaine. Il a également dit qu'il parlait principalement de clusters, où on connaît [le lieu et les contacts]. Cela est généralement difficile à mettre en œuvre. On a alors interprète ça ainsi: "Alors maintenant on peut appliquer une quarantaine de cinq jours seulement." Je ne pense pas que c’est ce qu'il voulait dire. Pour les voyageurs qui reviennent de vacances, c'est qu'ils sont actuellement testés à l'aéroport et qu'ils pourraient théoriquement s’être infectés la veille, ou même pendant le vol, à l'aéroport par exemple. Donc ils seraient dans cette période de latence, sans que personne ne le sache. Puisque nous savons que la période d'incubation est en moyenne de cinq ou six jours, si vous faites un test à domicile au bout de cinq jours, vous avez la certitude de repérer la plupart des infections. Il y a de nombreuses exceptions, malheureusement c'est toujours le cas. Il n'y a tout simplement pas de sécurité à 100 %. C'est ce que beaucoup de gens aimeraient, mais on ne peut pas l’avoir. C'est toujours comme ça. Mais le risque […] serait nettement plus faible en faisant un test après cinq jours que directement à l'aéroport.

Hennig: En d'autres termes, [cela se base] sur la période d'incubation, mais qui peut être très longue dans certains cas. C'est le risque résiduel avec lequel nous devons vivre si nous ne voulons pas rester enfermés.

Ciesek: Exactement, on dit "jusqu'à 14 jours". Mais d'après les examens, c'est-à-dire en moyenne, c'est plutôt cinq à six jours.

Symptômes chez les enfants

Hennig: Revenons aux asymptomatiques et pré-symptomatiques. Quel rôle peut jouer l'âge?

Ciesek: L'âge joue également un rôle. Il est certain que les maladies graves sont plus fréquentes chez les personnes âgées. Les enfants [ont] des infections asymptomatiques. En moyenne, les enfants ne sont pas gravement malades ou gravement touchés par cette infection.[...] Il y a actuellement un pré-print intéressant au Royaume-Uni. Ils ont examiné plus de 900 enfants. L'âge moyen était d'environ dix ans et on a regardé combien d'enfants avaient des anticorps ; 68 d'entre eux en avaient. Et de ces 68 enfants avec des anticorps spécifiques, 50 % n'avaient eu aucun symptôme. Cela suggère à nouveau que dans les études où vous recherchez des anticorps, la quantité d'asymptomatique a des chances d'être plus élevée que lorsque vous regardez la PCR. Mais ce que j'ai trouvé intéressant dans l'étude, c'était les symptômes des enfants. C'était principalement de la fièvre (chez 31 % des enfants).

Mais ensuite, ce dont nous avions déjà discuté au début revenait relativement souvent, à savoir qu'ils présentaient des symptômes gastro-intestinaux, comme des douleurs à l'estomac, des nausées ou de la diarrhée, c'était le cas de 19% des enfants. Et 18% avaient mal à la tête. L'étude est certes intéressante, mais elle présente également quelques faiblesses. Il faut le dire aussi. Ils ont pris les enfants de parents qui travaillent dans le système de santé. Et pendant la période d'observation au cours de laquelle cela a eu lieu - c'était d'avril à juillet - il n'y avait pas autant d'infections en soi. Ils ont donc aussi souvent une dépendance saisonnière, les autres infections respiratoires. Donc ce qu'ils ont vu est très intéressant.

Mais il faut aussi continuer à regarder si ces symptômes gastro-intestinaux jouent réellement un rôle majeur chez l'enfant ou sont fréquents. Nous savons que lors de la grippe, par exemple, la vraie grippe, les enfants ont également fréquemment des symptômes gastro-intestinaux, pas du tout le tableau classique de la grippe telle que nous l'imaginons. Ce n'est pas si inhabituel, mais c'est toujours passionnant de l'avoir observé.

Hennig: Parce qu'ils ont réellement ces symptômes ou parce que les enfants ont juste du mal à les décrire? Les enfants disent: «J'ai mal au ventre» quand ils ne se sentent pas bien.

Ciesek: Exactement. […] Il y a une différence extrême entre avoir un bébé ou un nouveau-né, un enfant en bas âge ou un écolier ou un adolescent. La plus grande différence, par exemple, est que vous pouvez faire une anamnèse avec des adolescents, à partir d'un certain âge. Vous pouvez demander au jeune: "Dites-moi, avez-vous mal à la tête? Avez-vous mal au ventre?" Vous ne pouvez pas interroger un bébé ou un enfant en bas âge. Ici, vous dépendez à nouveau de la description des parents. C'est ce qu'on appelle les antécédents médicaux d'un étranger. C'est bien sûr plus difficile à juger.

Et les jeunes enfants centralisent souvent les symptômes dans le ventre. Cela rend encore plus difficile pour les pédiatres ou pour nous les professionnels de la santé adulte de décider si quelqu'un est symptomatique. Vous ne pouvez pas demander à un bébé s'il a des troubles du goût. Il n'y a que des preuves indirectes, ce n'est pas si simple. Pour le moment, le nez qui coule chez les enfants est un énorme problème: est-ce un symptôme ou non? Le RKI a une étude sur les garderies et a également publié des chiffres: Quelle est la fréquence d'un rhume avec le SRAS CoV-2? Et il a été démontré que si les répondants ne donnent qu'un seul symptôme et nomment ensuite un rhume, c'est-à-dire un rhume isolé, c'est relativement rare, c'est-à-dire à 3,5%. Mais si vous énumérez plusieurs symptômes, un rhume n'est pas si rare. On arrivait déjà à 18,7%. Ce qui montre encore une fois combien il est difficile [de dire s’il s’agit] vraiment d’un symptôme. Si vous avez le nez qui coule et des gargouillis, ou un nez qui coule et un mal de tête, il devient très difficile pour les parents de faire la différence. C'est aussi un peu une crainte pour l'automne que cela soit un grand défi pour les parents et les pédiatres. Comment gérer ces symptômes? Il faut redire que les infections des voies respiratoires supérieures sont courantes chez les jeunes enfants et ne sont pas anormales, [...] surtout à la saison froide.

Hennig: Cela signifie - nos auditeurs ne cessent de le demander - comment dois-je gérer ce fait dans la pratique? Comment faire? Si votre fille a un rhume, dites-vous: «Mieux vaut d'abord rester à la maison, voir si quelque chose d'autre se présente»?

Ciesek: C'est vraiment difficile. Ce n'est vraiment pas facile de répondre. Oui, c’est ce que je fais. Je la garderait pendant une journée pour voir comment ça évolue. Bien sûr, j’examinerais sa gorge et ses oreilles, mais tout le monde ne peut pas faire ça. Un pédiatre travaille dans mon département, ce qui est un grand avantage pour moi, je dois le dire, car nous voulons nous rapprocher un peu plus de ce dilemme et prévoyons actuellement une étude sur le rhume. Nous travaillons avec des pédiatres confirmés et nous voulons juste jeter un coup d'œil aux mille prochains enfants qui iront chez le pédiatre avec un rhume. Et puis comparer avec les enfants qui n'ont aucun symptôme afin de voir s’il est vraiment plus courant qu'ils aient ensuite le SRAS-CoV-2 ou non? Il faut dire que la fréquence, c'est-à-dire le nombre de positifs en Allemagne, est actuellement faible. La probabilité que vous ayez l'un des 100 autres virus qui conduisent à des infections respiratoires est certainement plus élevée pour le moment, si vous n'avez aucun contact, aucun comportement à risque. Mais cela conduit à de l'incertitude chez les parents. Je peux très bien comprendre cela. […]

Effets des mesures sur d'autres maladies infectieuses


Hennig: Ces rhumes sont un problème pour nous tous, et pour les parents en particulier. D'un autre côté, on peut dire que si nous gardons nos distances et mettons des masques, cela devrait également avoir un impact sur d'autres maladies infectieuses?

Ciesek: Oui, c'est une question passionnante. Il existe une étude de Hong Kong qui a déjà 15 ans. Il s'agit d'une étude de Lo et. al., à l'époque du SARS-CoV-1, en 2003. Ils ont effectué des tests comparatifs sur d'autres infections respiratoires, des virus, et les ont comparés aux données de 1988 à 2002. À Hong Kong en 2003, de nombreuses personnes craignaient d'être infectées par le SRAS ont donc accordé plus d'attention à ces règles AHA (« Abstand, Hygiene, Alltagsmaske » = Distanciation, Hygiène, Masque). Ainsi, environ les trois quarts d’entre elles portaient des masques à l'époque, se lavaient les mains et [toussaient dans leur coude ou un mouchoir]. Et puis on a regardé: quelle influence cela a-t-il eu sur d'autres virus, en particulier sur la grippe, la parainfluenza, les adénovirus et le RSV? Et on a ensuite comparé avec les années précédentes et vu que le comportement, du moins la combinaison de ces comportements avaient fait reculer ces infections de manière significative au fil des mois. Ils avaient même un virus de contrôle, l'hépatite B, […] qui n’est pas transmis par voie aérienne, mais par des contacts sanguins ou sexuels. J'ai récemment repris l'étude parce qu'elle me donne un peu d'espoir pour l'automne et l'hiver[...]

Et je pense que les règles de l'AHA rendront certainement les autres infections virales moins probables. Et ceci est important pour soulager au maximum les collègues libéraux ainsi que les collègues des urgences et des hôpitaux. Et il est tout aussi important de répéter à la fin qu'il est également très, très important que les groupes à risque se fassent vacciner contre la grippe. Le personnel soignant et les groupes à risque, ainsi que ceux qui ont beaucoup de contacts.

Hennig: Et qu'en est-il de nous, patients sains et sans risque? Le vaccin ne suffit pas, de toute façon?

Ciesek: C'est une bonne question. Je pense qu'il faudrait demander au gouvernement fédéral. Ils en ont acheté plus, cela a déjà été annoncé. Le vaccin contre la grippe doit être produit au cours de l'été. Vous ne pouvez pas le commander à nouveau indéfiniment. Il faudrait regarder combien de doses sont disponibles maintenant? Qui puis-je vacciner? Ensuite, il faut suivre la recommandation de vacciner d'abord les groupes à risque, les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes ayant de nombreux contacts, puis voir combien de vaccin il reste pour vacciner les autres.

Les pédiatres ont également recommandé que tous les enfants soient vaccinés. C'est certainement une bonne idée, mais le vaccin doit être disponible en quantités suffisantes car les petits enfants doivent être vaccinés deux fois la première fois, après quatre semaines. Et pour être honnête, je ne peux pas vous dire combien de doses de vaccin nous avons. Mais il est très important de fixer des critères vraiment précis pour que les doses soient réparties le plus judicieusement possible.

Hennig: Donc, tout ce qui aurait un sens épidémiologique ne peut pas être mis en œuvre. Mme Ciesek, en conclusion, sur le rôle des asymptomatiques et des peu symptomatiques: Est-ce envisageable [que le RKI donne des chiffres séparant ces deux populations, comme le demandent de nombreux auditeurs]?

Ciesek: Nous revenons là au début de la discussion. Pour se faire, il faudrait des critères précis: quels symptômes? Puis mener des entretiens de suivi, contacter tout le monde chaque jour et demander: "avez-vous maintenant développé des symptômes ?" C’est difficilement réalisable. [...]