[...]
Drosten: [Vers Pâques, 9 millions de personnes auront été vaccinées] La question est, bien entendu, de savoir ce qui se passe si dans un débat social et politique, il y a une très forte demande de mettre fin aux mesures et, […] de déclarer cette pandémie terminée.
La question est: que se passerait-il alors? À quoi devrions-nous être préparés? […] Vous pouvez imaginer si vous savez qu'en ce moment pendant la vague hivernale en Angleterre, avec une population d'environ 60 millions d'habitants, entre 60 000 et 70 000 cas par jour se sont produits. Il est très facile d'avoir un nombre nettement plus important en Allemagne, qui peut également être de l'ordre de 100 000.
Hennig: nouvelles infections par jour.
Drosten: Exactement. Dans l'état actuel des choses, quand vous dites un chiffre, on le retrouve dans le titre. Et on lit: "Drosten met en garde - 100 000 infections par jour en mai". Ce n'est pas le but [...] Le but est de concevoir un scénario, puis, étant donné un tel scénario, de considérer quelles options il y a et quelles sont les attentes pour l'avenir.
Vacciner les enfants?
Hennig: Lorsque nous parlons de ce scénario, nous arrivons en fait au concept d'immunité collective. On a parlé des enfants, et il y a déjà un gros sujet dont on ne parle pas vraiment, à savoir: les enfants ne devraient-ils pas être également vaccinés? [...] Nous n'avons pas encore de vaccin pour les enfants. Mais si on regarde, il y a statistiquement 13,5 millions d'enfants et d'adolescents en Allemagne, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 18 ans […] N’y a-t-il pas une énorme lacune dans le système de vaccination s'ils ne devaient pas être vaccinés à long terme, ou quel en serait l'effet?
Drosten: En ce qui concerne les enfants et les vaccins, on peut dire que cela n’a pas été oublié. L'approbation du vaccin doit définir des priorités et dans cette situation d'urgence, vous devez travailler là où vous pouvez avancer le plus rapidement. [...] En sachant également que c'est là que la gravité de la maladie se situe chez les adultes. Donc, si vous regardez la liste des études de vaccins à la London School, il y a le London School Vaccine Tracker, [on voit qu’]il y a 156 études répertoriées sur les vaccins ; presque tous des vaccins actifs. [...] Et de ces nombreuses études, il n'y en a qu'un petit nombre qui sont menées sur des enfants. Nous en avons trois de fabricants renommés. A savoir Biontech, puis le vaccin ChAdOx, c'est-à-dire le vaccin AstraZeneca et ensuite Moderna. En effet, ces vaccins sont actuellement étudiés dans des cohortes pédiatriques.
Hennig: Mais à partir de douze ans, non?
Drosten: C'est vrai, chez Biontech et Moderna, c'est à partir de douze ans. Et avec le vaccin ChAdOx, dans une étude, c'est apparemment déjà à partir de cinq ans. Dans tous les cas, ces études ont lieu jusqu’en été ou en automne. Ils pourraient s'arrêter un peu plus tôt si des effets importants et visibles sont observés. Je ne peux pas du tout juger de la situation. Je n'ai vu aucune donnée là-dessus. […] Sion a de telles données en été, on peut compter sur le fait que l'approbation aura lieu à l'automne et qu’on pourra alors vacciner les enfants. Nous ne pouvons que l'espérer. Il y aura certainement à nouveau un débat sur cette question de savoir si les enfants doivent être vaccinés. Je ne veux rien dire à ce sujet pour le moment. Je voudrais plutôt souligner qu’il faut aussi s’attendre à ce qu’un grand nombre d’enfants soient infectés, comme on peut s’y attendre aussi dans d’autres groupes d’âge, en l’absence de vaccin. Soit dit en passant, il existe d'autres études sur les vaccins chez les enfants. Je compte cinq autres études ici, toutes -sauf une- avec des vaccins chinois. Celui qui fait exception est un vaccin du Vietnam. Ce sont certainement tous des vaccins qui sont hors de question ici pour nous, pour notre région. Mais il y a ces trois études et la [première] sera probablement terminée cet été. Avant, il n’y aura tout simplement pas de vaccins approuvés avant l'automne. Toni Fauci a expliqué que les enfants aux États-Unis seront vaccinés plus tôt. Je ne sais pas ce qu'il entend par là. Peut-être connaît-il mieux les données d'étude. Je ne sais pas ce que signifie sa déclaration. Mais il a davantage réfléchi à la question, à propos de la situation aux USA, en tout cas plus que moi.
Hennig: Mais il faut revoir les arguments pour et contre la vaccination des enfants. Même si vous avez dit que vous ne voulez pas entrer dans le détail. Il y a un argument souvent répété selon lequel les enfants sont en fait à peine affectés. En règle générale, ils ne tombent malades que légèrement, voire pas du tout. Et nous ne savons même pas exactement quel est l'effet des vaccinations que nous avons jusqu'à présent, si on peut transmettre le virus. C’est le concept d'immunité stérilisante. Et jusqu'à présent, nous n'avons que des données d'expérimentation animale pour les vaccins. Mais il n'y a toujours pas de données concrètes sur la question de [la transmission]
Drosten: Il faut peser beaucoup de choses. Cette considération fait certainement partie du processus de réalisation de l'immunité. C'est quelque chose qui est présenté en noir et blanc dans le débat public. L'un va dire que nous devons vacciner, puis l'autre dira, mais nous ne savons même pas si cette vaccination réduira la transmission. Et avec les enfants, il n’est question que de transmission. Ils ne tirent aucun bénéfice de la vaccination. Les enfants ne se vaccinent pratiquement que pour protéger les adultes. Tout cela n'est pas entièrement correct. C'est présenté de manière trop grossière [...] les enfants aussi peuvent avoir une évolution sévère. Et il y a aussi des patients à haut risque parmi les enfants. De nombreux enfants courent un risque et on ne voudrait pas qu'ils contractent ce virus. Mais […] les pédiatres sont autorisés à vacciner ces enfants avec un vaccin pour adultes. [...] Un enfant à risque recevra un vaccin.
[Et puis] nous ne savons pas à quoi nous attendre si tous les enfants en Allemagne sont complètement infectés à court terme. Je pense que c'est une situation dont personne ne veut et dont personne ne veut répondre. C'est pourquoi il est impératif de poursuivre cette possibilité de vacciner les enfants, également en raison des complications qui peuvent survenir, qui sont rares. Il faut le répéter. Par exemple, il existe le syndrome inflammatoire multisystémique chez les enfants.
Hennig: C'est similaire au syndrome de Kawasaki.
Drosten: Exactement, nous avons déjà discuté de tout cela dans le passé (épisode 41). Mais ce n'est pas le syndrome de Kawasaki. Cela se produit dans une tranche d'âge différente. Ils ont environ sept ans, cela semble être le pic de fréquence, si je me souviens bien. Et il y a d'autres choses. Les enfants ont aussi des symptômes. Et bien sûr, nous ne savons pas exactement à quoi nous attendre si les cas d'enfants devenaient nombreux. Et il y aura aussi un grand nombre de parents qui [voudront] que leurs enfants soient vaccinés.
Hennig: Ou les enfants eux-mêmes.
Drosten: Exactement. […]
Immunité stérilisante après vaccination
La question est: la vaccination apporte-t-elle réellement quelque chose? Du point de vue de l’immunité stérilisante. L'immunité stérilisante doit d'abord être expliquée, elle vient avec des vaccins qui ont une très forte réponse en anticorps neutralisants.
Hennig: Pour la rougeole et les oreillons, par exemple.
Drosten: Ce sont des exemples. D'autres exemples pourraient être donnés qui ont également une réponse anticorps neutralisant très forte ou une réponse lymphocytaire T très forte. Prenez la fièvre jaune, par exemple. Vous ne mesurez même pas les anticorps neutralisants, car ils sont assez minables chez les vaccinés. Néanmoins, c'est presque un dogme que, même s’il faut faire un rappel tous les dix ans, vous ne contracterez plus cette maladie et ne pourrez plus la transmettre très, très longtemps, probablement à vie après avoir été vacciné contre la fièvre jaune. Mais le mécanisme de transmission est beaucoup plus compliqué. Le virus pénètre dans le sang et se transmet par les moustiques, de sorte que la transmission se fait difficilement. Mais il est également vrai que quelqu'un qui a été vacciné n'a pas de virus dans le sang après avoir été piqué par un moustique.
Mais nous avons là une maladie complètement différente. Et parce que cela passe par les voies respiratoires, parce que c'est une immunité des muqueuse qui joue un rôle ici, il est presque inutile de penser que nous pouvons obtenir une immunité stérilisante. Une personne qui a été vaccinée peut encore avoir un peu de réplication du virus sur les muqueuses. La seule question est: qu'est-ce que cela signifie réellement? Dans les études menées sur les vaccins, cela a été fait en partie, mais n'a pas été bien évalué, on peut mesurer le virus chez ceux qui ont été infectés en dépit de la vaccination, et vous pouvez alors voir dans certains cas que l'ARN viral peut être détecté. Dans certaines expériences sur les animaux, où vous faites cela en parallèle, vous pouvez voir que vous ne pouvez pas isoler autant de virus vivants en laboratoire. L'explication serait: le virus est là sur les muqueuses, mais il y a aussi des anticorps dans les muqueuses et ils gélatinisent le virus dès que le virus émerge de la membrane muqueuse. Le virus peut alors être détecté par un test de laboratoire, mais il ne serait alors plus infectieux car les anticorps le protègent. Ce serait une simple considération. Vous m'avez interrogé sur mon instinct en tant que virologue. Mon intuition est que la vaccination empêchera le virus de se propager. Même si on peut le détecter en laboratoire, une personne vaccinée transmettra certainement de moins en moins le virus, même si ce sera variable en d'un vaccin à l'autre.
Hennig: [Tous les vaccins ne donnent pas d’immunité stérilisante.] N'est-ce pas la même chose avec la coqueluche et la grippe?
Drosten: Il existe de nombreuses maladies virales où ce n'est pas le cas. Pas avec la grippe de toute façon. L'une des maladies virales les plus connues, la polio, la poliomyélite, il y a un excellent vaccin, la vaccination orale, un vaccin vivant, après quoi les enfants sont tout sauf immunisés à vie si vous regardez simplement la réplication du virus. Néanmoins, il suffit d’avoir très peu d’anticorps dans le sang pour ne plus tomber gravement malade. On peut donc donner de nombreux exemples où les meilleurs vaccins semblent présenter une telle lacune. Mais ce n'est souvent pas du tout un argument légitime. En ce qui concerne la polio, par souci d'exhaustivité, il est vrai que les enfants qui sont infectés dans l'intestin peuvent continuer d'excréter et de transmettre du virus infectieux. C'est quelque chose dont vous profitez. Cela s'applique même au vaccin vivant. Étant donné que le virus de la vaccination est transmis à d'autres enfants de la région et que vous obtenez un effet de vaccination environnementale, ce qui est particulièrement important pour l'éradication de ce virus dans les zones rurales d'Afrique ou dans d'autres zones où il est difficile d'atteindre chaque enfant, est tout à fait souhaitable.
[...]
Je crois aussi qu'en tant que personne vaccinée, si vous deviez être infecté malgré la vaccination, vous êtes plus susceptible de ne pas infecter l'environnement, d’être un moins bon vecteur. Mais peut-être que j'insisterais aussi sur d'autres choses, si vous voulez parler de ce sujet de vaccination ici avec une perspective sur l’avenir. C'est la question de savoir comment les choses vont se passer maintenant. Je dois dire que je suis très agréablement surpris par ces chiffres qui sont maintenant publiés. [...] Ce sont toutes des estimations et cela dépend de beaucoup de choses, de nombreux facteurs d'influence. Personne ne peut dire pour le moment quels problèmes logistiques le secteur de la vaccination rencontrera en cours de route. Peut-être que certains lots dans les installations de production ne sont tout simplement pas bons. Donc, vous rencontrez toujours quelque chose comme ça dans la production de vaccins. Mais c'est quelque chose d'assez encourageant. La situation est bien meilleure que je ne le pensais il y a quelques jours. Parce que la situation globale de la disponibilité des vaccins évolue très rapidement[...]
Rythme de la vaccination et levée des restrictions
Ici, en Allemagne, la question est de savoir à quoi pouvons-nous nous attendre? Je pense que l’un de ces points où vous devez vous rendre compte que quelque chose pourrait changer est vers le printemps. Je veux en fait dire deux choses. […] il existe apparemment des contrats pour la livraison de près de 55 millions de doses de vaccin au deuxième trimestre. [on peut donc vacciner] 27 millions de personnes. Mais il y a aussi d’autres [livraisons prévues, de vaccin nécessitant] une seule dose.
Hennig: De Johnson & Johnson.
Drosten: Exactement, Johnson & Johnson. Il y a plus de dix millions de doses sur la liste. C'est un chiffre énorme en soi. Ensuite, il y a évidemment des contrats d'approvisionnement supplémentaires avec Biontech etc. [...] vous avez plus de 50 millions de personnes qui devraient théoriquement être vaccinées au deuxième trimestre. Maintenant, il faut être clair: nous sommes 83 millions de personnes en Allemagne, mais les réseaux de contacts entre ces 83 millions ne sont pas tous ouverts. Et l'immunité collective n'a pas d'effet soudain, ce n'est pas un effet en noir et blanc.
Hennig: Cela ne commence pas à 66 ou 70%, puis soudainement les chiffres diminuent.
Drosten: Exactement. C'est en fait comme ça - vous pouvez le voir ces jours-ci - il y a des données d'Israël, qui ne sont pas encore vraiment publiées. Mais qui ont déjà été rassemblées par des scientifiques et diffusées sur les médias sociaux et sur les sites Web, où il semble que si environ 50% d'un groupe d'âge est vacciné, il est surprenant de constater que peu importe que ce soit une ou deux doses, le taux d'hospitalisation dans ce groupe d'âge diminue - en comparaison avec d'autres groupes d'âge qui n'ont pas cette couverture vaccinale élevée. C'est extrêmement encourageant. […] Je ne veux pas entrer plus en détail ici car cela n'a pas encore été publié. Mais cela me semble plausible. Et bien sûr, je dois ajouter que cela se produit avec l'aide d'une intervention non pharmaceutique. Cela ne signifie donc pas qu’on pourra supprimer les mesure. C'est juste ce que je veux dire, ce n'est pas noir ou blanc, mais d'une part ça devient un peu plus gris clair et d'autre part ça devient un peu plus gris foncé. De cette manière, ces effets se compensent, [...] la vaccination d'une part et les mesures de réduction des contacts, les interventions non pharmaceutiques d'autre part.
Hennig: Mais en fonction de l'incidence, [elles peuvent être] particulièrement dures ou un peu plus ciblées, comme nous l'avons déjà discuté avec les zones vertes.
Drosten: Exactement, c'est la stratégie No Covid qui, je pense, devrait certainement être envisagée maintenant dans un proche avenir. Parce que nous n’en serons pas à ce point aussi vite. J'ai dit beaucoup de choses positives. Malheureusement, je dois redire certaines choses qui ne sont peut-être pas faciles à entendre. Une chose, par exemple, est le premier trimestre avec 9,15 millions de doses de vaccin possibles. Il faut toujours être clair qu'une dose qui doit être livrée au premier trimestre sera expédiée de l'usine et qu'elle ne se retrouvera pas au centre de vaccination ou au cabinet médical avant la deuxième voire la troisième semaine du deuxième trimestre. Tous ces chiffres sont des estimations [...] Toute cette logistique incroyable qui est derrière et qui devient de plus en plus compliquée à mesure que nous voulons inoculer par unité de temps, cela n'est bien sûr pas inclus ici. En fait, la complexité dans ce domaine est si élevée qu'une modélisation scientifique distincte devrait être effectuée. Avec toutes ces variables de perturbation qui apportent cela au patient, la vaccination comprend, c'est-à-dire la logistique, la livraison, l'arrivée effective dans l'entrepôt, la coopération des cabinets médicaux. Alors, combien de médecins résidents diront réellement: Oui, nous irons dans un centre de vaccination d'urgence et nous ne ferons presque que des vaccinations. C'est une tâche incroyable à laquelle nous devons nous attaquer ensemble en peu de temps. Tout le monde doit accepter cela.
Hennig: Et les cabinets médicaux ne peuvent pas inoculer tous les vaccins car la question de la chaîne de froid se pose aussi.
Drosten: Oui, ça aussi [...] Comment cela peut-il également changer au fil du temps avec l'approbation de nouveaux vaccins au fil du temps? [...] Que peuvent faire les cliniques ambulatoires […] qu'en est-il des médecins du travail, […] des pharmacies? Donc, cette masse incroyable de vaccinations, qui doit ensuite être augmentée [...] nous devons également anticiper cela dans une étude scientifique afin que les politiciens reçoivent des scénarios avec lesquels ils peuvent planifier. Parce que l'économie demandera quand pouvons-nous ouvrir tel ou tel secteur.
[Dans] le futur proche, le premier trimestre, il faut malheureusement se rendre compte que si vous avez un maximum de 9,15 millions de doses,[…] les vaccinés sont avant tout des patients très âgés qui sont susceptibles de ne pas se trouver au milieu des réseaux de transmission.[…] ils ne sont pas forcément les grands distributeurs, mais plutôt les destinataires du virus, ils ont au bout de la chaîne de transmission. Et pour contrôler l'activité épidémique, nous devons vacciner les épandeurs. Il se pourrait donc que nous ne voyions aucun effet de la vaccination jusqu'à Pâques. Il faut planifier [...] avec quelles précautions lever progressivement les mesures. Car s'attendre à un effet de la vaccination maintenant serait imprudent, un peu prématuré. Pour le moment, malheureusement, il faut supposer que le processus de contaminations devra encore être contrôlé par cette intervention non pharmaceutique.
Hennig: À votre avis, quelle est l'importance des différences dans les taux d'efficacité des vaccins? [...]
Drosten: Oui, je ne peux que dire des choses très terre-à-terre à ce sujet, car je n'ai tout simplement pas les données des études d'approbation, et dans d’autres cas, je n'ai pas lu la littérature spécifique. C'est juste au-delà de ma capacité. Je n'ai pas le temps de tout lire. La vaccination n'est pas mon domaine. [...] En fin de compte: ils protègent tous très, très bien contre une évolution sévère, ce dont nous avons vraiment peur en tant que patients.
Quelle part d'immunisés faut-il?
Hennig: […] en conclusion, je voudrais revenir sur la question de l’immunité collective [...] mathématiquement liée à la valeur R, […] influencé par les mesures, la composition de la population, etc. Ce concept, cette valeur cible de la réalisation de l'immunité collective grâce à la vaccination, par exemple, peut-il changer avec les variants?
Drosten: Vous pouvez calculer cela en utilisant les variants. Il est vrai qu'une variante qui est 35% plus infectieuse nécessite également 35% de réduction de contacts supplémentaires ou une proportion correspondante de vaccinés afin de ramener la valeur R en dessous de un. De tels calculs simples peuvent être effectués. Le problème avec ceci est que ce n'est pas aussi facile que de l'écrire sur un morceau de papier. Donc, ce calcul très simple, nous avons un R0 de 3 pour un virus et le contrôle est obtenu lorsque RT, c'est-à-dire le taux de propagation actuel, est de 1. Nous devons vacciner les deux tiers. C'est bien en moyenne. Mais il y a beaucoup de choses qui jouent un rôle. Une chose sont les réseaux de contacts et la fréquence des contacts. Imaginons les choses de cette façon, nous avons cette population, ce n'est pas forcément des gens, imaginons des fourmis. Nous avons un virus de la fourmi et nous pourrions vacciner ces fourmis. Maintenant, nous avons ce tas de fourmis en désordre. Cela fait une énorme différence si nous les mélangeons toutes et que les deux tiers d'entre elles sont vaccinées.
Ensuite, en moyenne, un virus de fourmi avec un R égal à trois ne se propagera plus aussi largement. Ensuite, le nombre de fourmis infectées sera relativement constant. Mais si nous divisons notre terrarium avant la vaccination et disons que nous mettons un tiers des fourmis dans une boîte dans le terrarium et les deux tiers dans l'autre boîte et maintenant nous vaccinons ces deux tiers, alors nous verrons bien sûr que la population sera divisée et le tiers non vacciné devient complètement infecté et aucun d'entre eux n'est protégé. C'est l'exemple extrême d'une population non mélangée qui est simplement séparée artificiellement. La vérité dans une population se situe quelque part entre les deux. Même dans une population bien vaccinée en moyenne, il y a toujours des niches où il n'y a pas autant de personnes vaccinées et où le virus résiste. Cela fait également partie de ce phénomène d'immunité de la population. Nous voyons cela avec la rougeole, par exemple, où nous avons des épidémies régionales, même si la population allemande est en fait assez bien vaccinée.
Hennig: La bonne nouvelle à ce sujet est que nous pouvons jouer le jeu de l'immunité collective avec des mesures en essayant de séparer les réseaux les uns des autres.
Drosten: C'est vrai. Dans une large mesure, ces mesures sont également des interventions non pharmaceutiques. Il y a des domaines dans la société qui ont des fonctions de réseau fortes, malheureusement aussi les écoles, mais aussi d'autres, les open space etc., où l'effet de cette réduction des contacts n'est pas seulement dû au fait que chaque individu est retiré de la vie quotidienne, mais aussi en interrompant certaines connexions réseau. Avec ce virus et la sur-dispersion, la propriété du virus de se propager principalement dans des clusters, nous allons probablement passer sous certains seuils de réseau à un moment donné, où nous avons en fait besoin de beaucoup moins de personnes vaccinées que 70%, en combinaison avec des mesures d'intervention non pharmaceutiques légères [...]. Ce serait un grand espoir que, par exemple, vers la fin du deuxième trimestre, quelque chose comme une immunité de la population soit déjà disponible. Bien que 70% de la population n'ait pas encore été vaccinée. Tout simplement parce que ce virus se propage en grappes et à un moment donné un effet de seuil est atteint, où les connexions entre elles ne peuvent plus se faire par les réseaux de transmission.
La situation à Manaus
Hennig: je voudrais jeter un dernier regard sur un domaine très spécial. Nous nous étions mis d'accord depuis longtemps, puis nous l'avons reporté encore et encore car de nouveaux sujets continuaient à surgir. Mais pour la compréhension de toute cette situation avec les variants, avec la question de l’immune-escape, avec les vaccinations et la question des réinfections, je trouve cela très instructif pour les connaissances de base. Il y avait pas mal de gros titres sur Manaus, sur cette ville de l'état d'Amazonas au Brésil. N'y avait-il pas d'immunité collective avant d’être durement touché par une autre vague? [...] il y a un article de "Science", qui a également été cité dans de nombreux journaux, qui postulaient en fait qu'en octobre, ils 70% de la population avait été infectée. Et s'ils sont tous à nouveau infectés maintenant, alors la conclusion évidente était que cela devait être dû au nouveau variant. Comment voyez-vous cela?
Drosten: Il y a en fait ce papier, qui était très douteux dès le départ. Qui se fonde sur de petites études faites auprès de la population, des donneurs de sang, par exemple. C'est juste une partie de la population qui n'est pas nécessairement représentative. Ensuite, on a corrigé. Non seulement ils ont fait un test de laboratoire et ont ensuite utilisé les taux de détection des anticorps pour voir combien de personnes dans la population étaient déjà immunisées, mais ils ont également corrigé ces taux de détection. On a donc dit que le test n'avait qu'une certaine sensibilité, et que donc le nombre réel devait être plus élevé. Un facteur de correction a été ajouté. Mais il est également vrai que le taux d'anticorps est plus élevé chez les patients hospitalisés que dans ces cas bénins, ce à quoi on s'attendrait plutôt chez les donneurs de sang. Une nouvelle correction. Il est également vrai que les anticorps disparaissent après un certain temps. Et ici, nous avons une distance entre l'infection et le test de laboratoire. Et nous devons contrecarrer cette disparition des anticorps. Quelqu'un qui n'a pas d'anticorps est toujours immunisé. Il y a donc une justification pour faire valoir cet argument. Et puis vous avez fait un calcul de compensation qui était relativement facile à formuler. Pour résumer: en fin de compte, il a été conclu qu'avec de nombreux facteurs de correction, 76% de la population de Manaus aurait dû être immunisée à la fin du mois d'octobre. Il y a déjà la question de savoir comment cela doit être interprété, qu'une nouvelle vague dramatique s'est néanmoins produite en décembre. Et une explication à cela est que c'est un immune-escape qui y circule.
Hennig: P1, la variante brésilienne.
Drosten: Exactement. Les gens sont infectés même s'ils ont eu une infection initiale. Et bien qu'il existe une immunité de la population, il y a eu cette nouvelle vague. Donc, fondamentalement, la pandémie recommence, selon la vue superficielle. Le problème avec ceci est le suivant: il n'est pas vraiment normal qu'une nouvelle vague arrive dans une population qui a déjà été complètement infectée avec autant de cours sévères. Une grosse vague de rhumes, j'y aurais cru tout de suite. Mais il m'est difficile d'accepter une nouvelle vague de cas très graves d’une telle ampleur avec comme explication un immune-escape. Il faut à nouveau examiner très attentivement les données de base. Et se demander: était-il seulement exact que l'immunité collective s'était déjà développée là-bas à Manaus? Ou est-ce que l'explication du fait que l'incidence a chuté entre-temps, comme par elle-même, dû à autre chose? A savoir ce que nous venons de discuter: les effets de réseau avec immunité partielle existante. Si bien qu'en réalité l'immunité était peut-être de l'ordre de 30, 40, 50 pour cent de la population et que les réseaux de contact ne pouvaient plus se fermer et cette baisse apparente de l'activité infectieuse s'expliquerait plus probablement par cela. Et c'est un très bel exemple de ce dont nous avons discuté plus tôt, il n'y a pas de seuil d'immunité collective que l’on puisse calculer rapidement.
Hennig: Cela signifie, que la mutation qui existe là-bas ne doit pas nous jeter dans un état de panique; nous ne partons pas de zéro avec l'infection. Je pense que le premier trimestre sera difficile. Mais vous êtes très optimiste à propos des vaccinations, notamment en Europe.
Contamination des 40 à 60 ans après Pâques
Drosten: Je ne veux pas que l’on ne comprenne que le seul côté optimiste. Nous ne pouvons pas espérer beaucoup de protection via la vaccination jusqu'à Pâques, mais plutôt une protection pour les groupes à risque. Cela enlève la mortalité. Il est important d'être clair à ce sujet. Mais tout ce qui va dans le sens de la réduction de l'incidence, que vous disiez vraiment maintenant nous voulons No-Covid et nous voulons tenir aussi longtemps qu'il ne reste plus rien. Ou que vous disiez que c’est difficile en Allemagne, mais au moins nous voulons aller assez loin pour que les autorités sanitaires reprennent le contrôle du traçage, je pense que c'est absolument essentiel. Il n'y a pas de discussions parallèles pour moi. Donc, ces discussions à propos d’occupation maximale de lits qu’on pourrait tolérer, je les considère comme vraiment malavisées. C'est une chose que je veux dire.
L'autre chose que je voudrais également dire est - malgré toute la joie que j'ai à propos de ces nouveaux chiffres de disponibilité des vaccins au deuxième trimestre - vous devez toujours prendre des mesures de restrictions et réaliser qu'après Pâques, nous ne pourrons pas utiliser cet effet d'immunité de la population. [...]
De toute évidence, vous voudrez lever les mesures après Pâques. Mais où et à quelle vitesse? Je voudrais simplement mentionner un autre scénario, peut-être, afin que vous puissiez mieux comprendre pourquoi il y a une grande source de préoccupation. Nous devrons peut-être revenir à notre comparaison avec la grippe. On entend parfois presque négligemment dans les discussions publiques, qu’on ne peut pas arrêter l’épidémie, qu’il faut la laisser courir à un moment donné, que toute cette considération sur l'atténuation (mitigation)... je n’approuve que dans une mesure très limitée. Parce que nous ne sommes pas confrontés à la grippe ici et parce que nous avons maintenant des connaissances sur la mortalité des cas. À la fin, je voudrais mentionner un petit scénario sur un groupe de population qui ne sera peut-être pas encore vacciné [...] ce sont les 40 à 60 ans. Nous en avons 23,6 millions en Allemagne dans cette tranche d'âge.
Maintenant, soyons très optimistes : nous avons un effet dès le début de la vaccination, mais aussi avec des interventions non pharmaceutiques restantes, des restrictions de contact, etc.[…] calculons que seulement [la moitié], soit environ 12 millions des 40 à 60 ans, soient infectés. [Et qu’on ait] dix pour cent de cours sévères, soit 1,2 million de personnes entre 40 et 60 ans. Cela signifie que chacun de nous a une ou deux personnes dans ce cas dans son cercle d'amis. C'est un chiffre qui ne peut être pris en charge par les hôpitaux. […] Nous aurions alors beaucoup de personnes gravement malades à la maison[…]. Et l'effet qui en résulterait serait la peur. Nous aurions alors les exemples devant nos yeux dans notre cercle d'amis. Les gens restreindraient alors à nouveau leur vie sociale, cette fois à cause d’un sentiment que nous avons peut-être un peu perdu, à savoir la peur de l'infection. Et c'est peut-être quelque chose auquel, par exemple, un Clemens Fuest a fait allusion dans sa déclaration quand il dit que c’est le virus et non les mesures qui nuisent à l'économie.
Hennig: 80%, a-t-il dit, 80% des dégâts sont dus au virus et non aux mesures.
Drosten: Cela n'apporte tout simplement rien à aucune organisation culturelle, aucun restaurant, si les gens ont peur, se tiennent à l'écart pour une durée indéfinie. Et il n'est d'aucune utilité pour une entreprise industrielle si les arrêts maladie sont si nombreux qu'il n'est plus possible de planifier sérieusement le processus de production. Et même si les employés disent à un moment donné, par peur et par respect pour le virus, il n'est pas correct de tout laisser ouvert. Et je pense que nous devons absolument éviter cette situation. [...] Soyons prudents, ne relâchons pas si vite, c'est bien sûr le plus grand défi auquel seront confrontés les politiciens dans les semaines à venir. [...] On entend aussi déjà: Méfiez-vous de l'idée selon laquelle la pandémie se terminera après Pâques. Et tout cela ne peut être répété assez souvent, de manière neutre et sans émotion si possible. C'est le grand défi en ce moment, où vous devez juste faire attention à la façon dont vous vous exprimez.
La question est: la vaccination apporte-t-elle réellement quelque chose? Du point de vue de l’immunité stérilisante. L'immunité stérilisante doit d'abord être expliquée, elle vient avec des vaccins qui ont une très forte réponse en anticorps neutralisants.
Hennig: Pour la rougeole et les oreillons, par exemple.
Drosten: Ce sont des exemples. D'autres exemples pourraient être donnés qui ont également une réponse anticorps neutralisant très forte ou une réponse lymphocytaire T très forte. Prenez la fièvre jaune, par exemple. Vous ne mesurez même pas les anticorps neutralisants, car ils sont assez minables chez les vaccinés. Néanmoins, c'est presque un dogme que, même s’il faut faire un rappel tous les dix ans, vous ne contracterez plus cette maladie et ne pourrez plus la transmettre très, très longtemps, probablement à vie après avoir été vacciné contre la fièvre jaune. Mais le mécanisme de transmission est beaucoup plus compliqué. Le virus pénètre dans le sang et se transmet par les moustiques, de sorte que la transmission se fait difficilement. Mais il est également vrai que quelqu'un qui a été vacciné n'a pas de virus dans le sang après avoir été piqué par un moustique.
Mais nous avons là une maladie complètement différente. Et parce que cela passe par les voies respiratoires, parce que c'est une immunité des muqueuse qui joue un rôle ici, il est presque inutile de penser que nous pouvons obtenir une immunité stérilisante. Une personne qui a été vaccinée peut encore avoir un peu de réplication du virus sur les muqueuses. La seule question est: qu'est-ce que cela signifie réellement? Dans les études menées sur les vaccins, cela a été fait en partie, mais n'a pas été bien évalué, on peut mesurer le virus chez ceux qui ont été infectés en dépit de la vaccination, et vous pouvez alors voir dans certains cas que l'ARN viral peut être détecté. Dans certaines expériences sur les animaux, où vous faites cela en parallèle, vous pouvez voir que vous ne pouvez pas isoler autant de virus vivants en laboratoire. L'explication serait: le virus est là sur les muqueuses, mais il y a aussi des anticorps dans les muqueuses et ils gélatinisent le virus dès que le virus émerge de la membrane muqueuse. Le virus peut alors être détecté par un test de laboratoire, mais il ne serait alors plus infectieux car les anticorps le protègent. Ce serait une simple considération. Vous m'avez interrogé sur mon instinct en tant que virologue. Mon intuition est que la vaccination empêchera le virus de se propager. Même si on peut le détecter en laboratoire, une personne vaccinée transmettra certainement de moins en moins le virus, même si ce sera variable en d'un vaccin à l'autre.
Hennig: [Tous les vaccins ne donnent pas d’immunité stérilisante.] N'est-ce pas la même chose avec la coqueluche et la grippe?
Drosten: Il existe de nombreuses maladies virales où ce n'est pas le cas. Pas avec la grippe de toute façon. L'une des maladies virales les plus connues, la polio, la poliomyélite, il y a un excellent vaccin, la vaccination orale, un vaccin vivant, après quoi les enfants sont tout sauf immunisés à vie si vous regardez simplement la réplication du virus. Néanmoins, il suffit d’avoir très peu d’anticorps dans le sang pour ne plus tomber gravement malade. On peut donc donner de nombreux exemples où les meilleurs vaccins semblent présenter une telle lacune. Mais ce n'est souvent pas du tout un argument légitime. En ce qui concerne la polio, par souci d'exhaustivité, il est vrai que les enfants qui sont infectés dans l'intestin peuvent continuer d'excréter et de transmettre du virus infectieux. C'est quelque chose dont vous profitez. Cela s'applique même au vaccin vivant. Étant donné que le virus de la vaccination est transmis à d'autres enfants de la région et que vous obtenez un effet de vaccination environnementale, ce qui est particulièrement important pour l'éradication de ce virus dans les zones rurales d'Afrique ou dans d'autres zones où il est difficile d'atteindre chaque enfant, est tout à fait souhaitable.
[...]
Je crois aussi qu'en tant que personne vaccinée, si vous deviez être infecté malgré la vaccination, vous êtes plus susceptible de ne pas infecter l'environnement, d’être un moins bon vecteur. Mais peut-être que j'insisterais aussi sur d'autres choses, si vous voulez parler de ce sujet de vaccination ici avec une perspective sur l’avenir. C'est la question de savoir comment les choses vont se passer maintenant. Je dois dire que je suis très agréablement surpris par ces chiffres qui sont maintenant publiés. [...] Ce sont toutes des estimations et cela dépend de beaucoup de choses, de nombreux facteurs d'influence. Personne ne peut dire pour le moment quels problèmes logistiques le secteur de la vaccination rencontrera en cours de route. Peut-être que certains lots dans les installations de production ne sont tout simplement pas bons. Donc, vous rencontrez toujours quelque chose comme ça dans la production de vaccins. Mais c'est quelque chose d'assez encourageant. La situation est bien meilleure que je ne le pensais il y a quelques jours. Parce que la situation globale de la disponibilité des vaccins évolue très rapidement[...]
Rythme de la vaccination et levée des restrictions
Ici, en Allemagne, la question est de savoir à quoi pouvons-nous nous attendre? Je pense que l’un de ces points où vous devez vous rendre compte que quelque chose pourrait changer est vers le printemps. Je veux en fait dire deux choses. […] il existe apparemment des contrats pour la livraison de près de 55 millions de doses de vaccin au deuxième trimestre. [on peut donc vacciner] 27 millions de personnes. Mais il y a aussi d’autres [livraisons prévues, de vaccin nécessitant] une seule dose.
Hennig: De Johnson & Johnson.
Drosten: Exactement, Johnson & Johnson. Il y a plus de dix millions de doses sur la liste. C'est un chiffre énorme en soi. Ensuite, il y a évidemment des contrats d'approvisionnement supplémentaires avec Biontech etc. [...] vous avez plus de 50 millions de personnes qui devraient théoriquement être vaccinées au deuxième trimestre. Maintenant, il faut être clair: nous sommes 83 millions de personnes en Allemagne, mais les réseaux de contacts entre ces 83 millions ne sont pas tous ouverts. Et l'immunité collective n'a pas d'effet soudain, ce n'est pas un effet en noir et blanc.
Hennig: Cela ne commence pas à 66 ou 70%, puis soudainement les chiffres diminuent.
Drosten: Exactement. C'est en fait comme ça - vous pouvez le voir ces jours-ci - il y a des données d'Israël, qui ne sont pas encore vraiment publiées. Mais qui ont déjà été rassemblées par des scientifiques et diffusées sur les médias sociaux et sur les sites Web, où il semble que si environ 50% d'un groupe d'âge est vacciné, il est surprenant de constater que peu importe que ce soit une ou deux doses, le taux d'hospitalisation dans ce groupe d'âge diminue - en comparaison avec d'autres groupes d'âge qui n'ont pas cette couverture vaccinale élevée. C'est extrêmement encourageant. […] Je ne veux pas entrer plus en détail ici car cela n'a pas encore été publié. Mais cela me semble plausible. Et bien sûr, je dois ajouter que cela se produit avec l'aide d'une intervention non pharmaceutique. Cela ne signifie donc pas qu’on pourra supprimer les mesure. C'est juste ce que je veux dire, ce n'est pas noir ou blanc, mais d'une part ça devient un peu plus gris clair et d'autre part ça devient un peu plus gris foncé. De cette manière, ces effets se compensent, [...] la vaccination d'une part et les mesures de réduction des contacts, les interventions non pharmaceutiques d'autre part.
Hennig: Mais en fonction de l'incidence, [elles peuvent être] particulièrement dures ou un peu plus ciblées, comme nous l'avons déjà discuté avec les zones vertes.
Drosten: Exactement, c'est la stratégie No Covid qui, je pense, devrait certainement être envisagée maintenant dans un proche avenir. Parce que nous n’en serons pas à ce point aussi vite. J'ai dit beaucoup de choses positives. Malheureusement, je dois redire certaines choses qui ne sont peut-être pas faciles à entendre. Une chose, par exemple, est le premier trimestre avec 9,15 millions de doses de vaccin possibles. Il faut toujours être clair qu'une dose qui doit être livrée au premier trimestre sera expédiée de l'usine et qu'elle ne se retrouvera pas au centre de vaccination ou au cabinet médical avant la deuxième voire la troisième semaine du deuxième trimestre. Tous ces chiffres sont des estimations [...] Toute cette logistique incroyable qui est derrière et qui devient de plus en plus compliquée à mesure que nous voulons inoculer par unité de temps, cela n'est bien sûr pas inclus ici. En fait, la complexité dans ce domaine est si élevée qu'une modélisation scientifique distincte devrait être effectuée. Avec toutes ces variables de perturbation qui apportent cela au patient, la vaccination comprend, c'est-à-dire la logistique, la livraison, l'arrivée effective dans l'entrepôt, la coopération des cabinets médicaux. Alors, combien de médecins résidents diront réellement: Oui, nous irons dans un centre de vaccination d'urgence et nous ne ferons presque que des vaccinations. C'est une tâche incroyable à laquelle nous devons nous attaquer ensemble en peu de temps. Tout le monde doit accepter cela.
Hennig: Et les cabinets médicaux ne peuvent pas inoculer tous les vaccins car la question de la chaîne de froid se pose aussi.
Drosten: Oui, ça aussi [...] Comment cela peut-il également changer au fil du temps avec l'approbation de nouveaux vaccins au fil du temps? [...] Que peuvent faire les cliniques ambulatoires […] qu'en est-il des médecins du travail, […] des pharmacies? Donc, cette masse incroyable de vaccinations, qui doit ensuite être augmentée [...] nous devons également anticiper cela dans une étude scientifique afin que les politiciens reçoivent des scénarios avec lesquels ils peuvent planifier. Parce que l'économie demandera quand pouvons-nous ouvrir tel ou tel secteur.
[Dans] le futur proche, le premier trimestre, il faut malheureusement se rendre compte que si vous avez un maximum de 9,15 millions de doses,[…] les vaccinés sont avant tout des patients très âgés qui sont susceptibles de ne pas se trouver au milieu des réseaux de transmission.[…] ils ne sont pas forcément les grands distributeurs, mais plutôt les destinataires du virus, ils ont au bout de la chaîne de transmission. Et pour contrôler l'activité épidémique, nous devons vacciner les épandeurs. Il se pourrait donc que nous ne voyions aucun effet de la vaccination jusqu'à Pâques. Il faut planifier [...] avec quelles précautions lever progressivement les mesures. Car s'attendre à un effet de la vaccination maintenant serait imprudent, un peu prématuré. Pour le moment, malheureusement, il faut supposer que le processus de contaminations devra encore être contrôlé par cette intervention non pharmaceutique.
Hennig: À votre avis, quelle est l'importance des différences dans les taux d'efficacité des vaccins? [...]
Drosten: Oui, je ne peux que dire des choses très terre-à-terre à ce sujet, car je n'ai tout simplement pas les données des études d'approbation, et dans d’autres cas, je n'ai pas lu la littérature spécifique. C'est juste au-delà de ma capacité. Je n'ai pas le temps de tout lire. La vaccination n'est pas mon domaine. [...] En fin de compte: ils protègent tous très, très bien contre une évolution sévère, ce dont nous avons vraiment peur en tant que patients.
Quelle part d'immunisés faut-il?
Hennig: […] en conclusion, je voudrais revenir sur la question de l’immunité collective [...] mathématiquement liée à la valeur R, […] influencé par les mesures, la composition de la population, etc. Ce concept, cette valeur cible de la réalisation de l'immunité collective grâce à la vaccination, par exemple, peut-il changer avec les variants?
Drosten: Vous pouvez calculer cela en utilisant les variants. Il est vrai qu'une variante qui est 35% plus infectieuse nécessite également 35% de réduction de contacts supplémentaires ou une proportion correspondante de vaccinés afin de ramener la valeur R en dessous de un. De tels calculs simples peuvent être effectués. Le problème avec ceci est que ce n'est pas aussi facile que de l'écrire sur un morceau de papier. Donc, ce calcul très simple, nous avons un R0 de 3 pour un virus et le contrôle est obtenu lorsque RT, c'est-à-dire le taux de propagation actuel, est de 1. Nous devons vacciner les deux tiers. C'est bien en moyenne. Mais il y a beaucoup de choses qui jouent un rôle. Une chose sont les réseaux de contacts et la fréquence des contacts. Imaginons les choses de cette façon, nous avons cette population, ce n'est pas forcément des gens, imaginons des fourmis. Nous avons un virus de la fourmi et nous pourrions vacciner ces fourmis. Maintenant, nous avons ce tas de fourmis en désordre. Cela fait une énorme différence si nous les mélangeons toutes et que les deux tiers d'entre elles sont vaccinées.
Ensuite, en moyenne, un virus de fourmi avec un R égal à trois ne se propagera plus aussi largement. Ensuite, le nombre de fourmis infectées sera relativement constant. Mais si nous divisons notre terrarium avant la vaccination et disons que nous mettons un tiers des fourmis dans une boîte dans le terrarium et les deux tiers dans l'autre boîte et maintenant nous vaccinons ces deux tiers, alors nous verrons bien sûr que la population sera divisée et le tiers non vacciné devient complètement infecté et aucun d'entre eux n'est protégé. C'est l'exemple extrême d'une population non mélangée qui est simplement séparée artificiellement. La vérité dans une population se situe quelque part entre les deux. Même dans une population bien vaccinée en moyenne, il y a toujours des niches où il n'y a pas autant de personnes vaccinées et où le virus résiste. Cela fait également partie de ce phénomène d'immunité de la population. Nous voyons cela avec la rougeole, par exemple, où nous avons des épidémies régionales, même si la population allemande est en fait assez bien vaccinée.
Hennig: La bonne nouvelle à ce sujet est que nous pouvons jouer le jeu de l'immunité collective avec des mesures en essayant de séparer les réseaux les uns des autres.
Drosten: C'est vrai. Dans une large mesure, ces mesures sont également des interventions non pharmaceutiques. Il y a des domaines dans la société qui ont des fonctions de réseau fortes, malheureusement aussi les écoles, mais aussi d'autres, les open space etc., où l'effet de cette réduction des contacts n'est pas seulement dû au fait que chaque individu est retiré de la vie quotidienne, mais aussi en interrompant certaines connexions réseau. Avec ce virus et la sur-dispersion, la propriété du virus de se propager principalement dans des clusters, nous allons probablement passer sous certains seuils de réseau à un moment donné, où nous avons en fait besoin de beaucoup moins de personnes vaccinées que 70%, en combinaison avec des mesures d'intervention non pharmaceutiques légères [...]. Ce serait un grand espoir que, par exemple, vers la fin du deuxième trimestre, quelque chose comme une immunité de la population soit déjà disponible. Bien que 70% de la population n'ait pas encore été vaccinée. Tout simplement parce que ce virus se propage en grappes et à un moment donné un effet de seuil est atteint, où les connexions entre elles ne peuvent plus se faire par les réseaux de transmission.
La situation à Manaus
Hennig: je voudrais jeter un dernier regard sur un domaine très spécial. Nous nous étions mis d'accord depuis longtemps, puis nous l'avons reporté encore et encore car de nouveaux sujets continuaient à surgir. Mais pour la compréhension de toute cette situation avec les variants, avec la question de l’immune-escape, avec les vaccinations et la question des réinfections, je trouve cela très instructif pour les connaissances de base. Il y avait pas mal de gros titres sur Manaus, sur cette ville de l'état d'Amazonas au Brésil. N'y avait-il pas d'immunité collective avant d’être durement touché par une autre vague? [...] il y a un article de "Science", qui a également été cité dans de nombreux journaux, qui postulaient en fait qu'en octobre, ils 70% de la population avait été infectée. Et s'ils sont tous à nouveau infectés maintenant, alors la conclusion évidente était que cela devait être dû au nouveau variant. Comment voyez-vous cela?
Drosten: Il y a en fait ce papier, qui était très douteux dès le départ. Qui se fonde sur de petites études faites auprès de la population, des donneurs de sang, par exemple. C'est juste une partie de la population qui n'est pas nécessairement représentative. Ensuite, on a corrigé. Non seulement ils ont fait un test de laboratoire et ont ensuite utilisé les taux de détection des anticorps pour voir combien de personnes dans la population étaient déjà immunisées, mais ils ont également corrigé ces taux de détection. On a donc dit que le test n'avait qu'une certaine sensibilité, et que donc le nombre réel devait être plus élevé. Un facteur de correction a été ajouté. Mais il est également vrai que le taux d'anticorps est plus élevé chez les patients hospitalisés que dans ces cas bénins, ce à quoi on s'attendrait plutôt chez les donneurs de sang. Une nouvelle correction. Il est également vrai que les anticorps disparaissent après un certain temps. Et ici, nous avons une distance entre l'infection et le test de laboratoire. Et nous devons contrecarrer cette disparition des anticorps. Quelqu'un qui n'a pas d'anticorps est toujours immunisé. Il y a donc une justification pour faire valoir cet argument. Et puis vous avez fait un calcul de compensation qui était relativement facile à formuler. Pour résumer: en fin de compte, il a été conclu qu'avec de nombreux facteurs de correction, 76% de la population de Manaus aurait dû être immunisée à la fin du mois d'octobre. Il y a déjà la question de savoir comment cela doit être interprété, qu'une nouvelle vague dramatique s'est néanmoins produite en décembre. Et une explication à cela est que c'est un immune-escape qui y circule.
Hennig: P1, la variante brésilienne.
Drosten: Exactement. Les gens sont infectés même s'ils ont eu une infection initiale. Et bien qu'il existe une immunité de la population, il y a eu cette nouvelle vague. Donc, fondamentalement, la pandémie recommence, selon la vue superficielle. Le problème avec ceci est le suivant: il n'est pas vraiment normal qu'une nouvelle vague arrive dans une population qui a déjà été complètement infectée avec autant de cours sévères. Une grosse vague de rhumes, j'y aurais cru tout de suite. Mais il m'est difficile d'accepter une nouvelle vague de cas très graves d’une telle ampleur avec comme explication un immune-escape. Il faut à nouveau examiner très attentivement les données de base. Et se demander: était-il seulement exact que l'immunité collective s'était déjà développée là-bas à Manaus? Ou est-ce que l'explication du fait que l'incidence a chuté entre-temps, comme par elle-même, dû à autre chose? A savoir ce que nous venons de discuter: les effets de réseau avec immunité partielle existante. Si bien qu'en réalité l'immunité était peut-être de l'ordre de 30, 40, 50 pour cent de la population et que les réseaux de contact ne pouvaient plus se fermer et cette baisse apparente de l'activité infectieuse s'expliquerait plus probablement par cela. Et c'est un très bel exemple de ce dont nous avons discuté plus tôt, il n'y a pas de seuil d'immunité collective que l’on puisse calculer rapidement.
Hennig: Cela signifie, que la mutation qui existe là-bas ne doit pas nous jeter dans un état de panique; nous ne partons pas de zéro avec l'infection. Je pense que le premier trimestre sera difficile. Mais vous êtes très optimiste à propos des vaccinations, notamment en Europe.
Contamination des 40 à 60 ans après Pâques
Drosten: Je ne veux pas que l’on ne comprenne que le seul côté optimiste. Nous ne pouvons pas espérer beaucoup de protection via la vaccination jusqu'à Pâques, mais plutôt une protection pour les groupes à risque. Cela enlève la mortalité. Il est important d'être clair à ce sujet. Mais tout ce qui va dans le sens de la réduction de l'incidence, que vous disiez vraiment maintenant nous voulons No-Covid et nous voulons tenir aussi longtemps qu'il ne reste plus rien. Ou que vous disiez que c’est difficile en Allemagne, mais au moins nous voulons aller assez loin pour que les autorités sanitaires reprennent le contrôle du traçage, je pense que c'est absolument essentiel. Il n'y a pas de discussions parallèles pour moi. Donc, ces discussions à propos d’occupation maximale de lits qu’on pourrait tolérer, je les considère comme vraiment malavisées. C'est une chose que je veux dire.
L'autre chose que je voudrais également dire est - malgré toute la joie que j'ai à propos de ces nouveaux chiffres de disponibilité des vaccins au deuxième trimestre - vous devez toujours prendre des mesures de restrictions et réaliser qu'après Pâques, nous ne pourrons pas utiliser cet effet d'immunité de la population. [...]
De toute évidence, vous voudrez lever les mesures après Pâques. Mais où et à quelle vitesse? Je voudrais simplement mentionner un autre scénario, peut-être, afin que vous puissiez mieux comprendre pourquoi il y a une grande source de préoccupation. Nous devrons peut-être revenir à notre comparaison avec la grippe. On entend parfois presque négligemment dans les discussions publiques, qu’on ne peut pas arrêter l’épidémie, qu’il faut la laisser courir à un moment donné, que toute cette considération sur l'atténuation (mitigation)... je n’approuve que dans une mesure très limitée. Parce que nous ne sommes pas confrontés à la grippe ici et parce que nous avons maintenant des connaissances sur la mortalité des cas. À la fin, je voudrais mentionner un petit scénario sur un groupe de population qui ne sera peut-être pas encore vacciné [...] ce sont les 40 à 60 ans. Nous en avons 23,6 millions en Allemagne dans cette tranche d'âge.
Maintenant, soyons très optimistes : nous avons un effet dès le début de la vaccination, mais aussi avec des interventions non pharmaceutiques restantes, des restrictions de contact, etc.[…] calculons que seulement [la moitié], soit environ 12 millions des 40 à 60 ans, soient infectés. [Et qu’on ait] dix pour cent de cours sévères, soit 1,2 million de personnes entre 40 et 60 ans. Cela signifie que chacun de nous a une ou deux personnes dans ce cas dans son cercle d'amis. C'est un chiffre qui ne peut être pris en charge par les hôpitaux. […] Nous aurions alors beaucoup de personnes gravement malades à la maison[…]. Et l'effet qui en résulterait serait la peur. Nous aurions alors les exemples devant nos yeux dans notre cercle d'amis. Les gens restreindraient alors à nouveau leur vie sociale, cette fois à cause d’un sentiment que nous avons peut-être un peu perdu, à savoir la peur de l'infection. Et c'est peut-être quelque chose auquel, par exemple, un Clemens Fuest a fait allusion dans sa déclaration quand il dit que c’est le virus et non les mesures qui nuisent à l'économie.
Hennig: 80%, a-t-il dit, 80% des dégâts sont dus au virus et non aux mesures.
Drosten: Cela n'apporte tout simplement rien à aucune organisation culturelle, aucun restaurant, si les gens ont peur, se tiennent à l'écart pour une durée indéfinie. Et il n'est d'aucune utilité pour une entreprise industrielle si les arrêts maladie sont si nombreux qu'il n'est plus possible de planifier sérieusement le processus de production. Et même si les employés disent à un moment donné, par peur et par respect pour le virus, il n'est pas correct de tout laisser ouvert. Et je pense que nous devons absolument éviter cette situation. [...] Soyons prudents, ne relâchons pas si vite, c'est bien sûr le plus grand défi auquel seront confrontés les politiciens dans les semaines à venir. [...] On entend aussi déjà: Méfiez-vous de l'idée selon laquelle la pandémie se terminera après Pâques. Et tout cela ne peut être répété assez souvent, de manière neutre et sans émotion si possible. C'est le grand défi en ce moment, où vous devez juste faire attention à la façon dont vous vous exprimez.