samedi 17 octobre 2020

Allemagne, Barrington, cluster-source, immunité, étude indienne, mutation D614G. Podcast #60 du 13 octobre 2020

L'Allemagne va connaître la même évolution que le reste de l'Europe

Anja Martini: Le nombre de cas continue d'augmenter partout, y compris en Allemagne. Au cours de la semaine dernière, nous avons eu plus de 4000 nouvelles infections en une journée. Non seulement certaines villes envisagent de renforcer les mesures, mais les régions à la campagne signalent également de nombreuses nouvelles infections. M. Drosten, plus de 4000 nouveaux cas, s’agit-il d’un dérapage?

Christian Drosten: Non, je pense que c'est le développement que nous verrons, comme nous le voyons également dans les pays voisins. Nous avons peut-être deux ou trois semaines de retard sur cette évolution. La question est, bien sûr, que penser de cette situation. Je pense simplement que c'est problématique. Je pense que nous aurons des problèmes de plus en plus importants socialement et peut-être de plus en plus de discussions dans un proche avenir. Vous pouvez voir comment se déroule le débat public en ce moment et comment les choses sont déformées dans certains médias. Cela va probablement s'accentuer.

Martini: Que craignez-vous?

Drosten: Je pense qu'il est très difficile pour les politiciens de prendre les bonnes décisions pour le moment. Nous le voyons ces jours-ci avec la discussion sur cette interdiction d'hébergement. […] [Les Länder prennent des décisions] non coordonnées [ce qui crée] beaucoup de discorde. Et certains commencent à s'en indigner en public. C'est l'un des effets. Et d'autres commencent à décrire ce qui se passera, à savoir qu'à un moment donné, le public ne comprendra plus l'intérêt de ces mesures. Et la cohésion dont nous avons absolument besoin, qui a contribué à la bonne réaction au début de la première vague en Allemagne, cette cohésion de la société est de plus en plus menacée.

Martini: Cette interdiction d'hébergement a-t-elle un sens? Un test négatif lorsque je viens d'une zone à risque, est-ce utile? Je veux dire, le test n'est qu'un instantané.

Drosten: La stratégie des tests, leur utilisation et interprétation sont de nouveau discutées jours-ci au niveau politique, puis finalement publiées dans la première nouvelle version. Et cela devra être corrigé ultérieurement. Maintenant, les tests antigéniques entrent lentement en jeu et sont commercialisés. On peut également travailler avec cela. Mais ce n'est qu'une composante. Dans l'ensemble, comme prévu, le virus a continué de se propager géographiquement. En ce moment, par exemple, étonnamment, on peut voir dans l'Emsland... la région d'où nous venons tous les deux. Qui aurait pensé qu'il y aurait une telle incidence [là-bas] ?

Martini: Exactement.

Drosten: Il n'y a pas de grandes villes dans ce coin, mais il y a [beaucoup de contaminations]. [...] Pour le moment, cependant, nous assistons à une accumulation dans les grandes villes, certainement parce que la densité de population est élevée et que la population est jeune. Mais de telles valeurs aberrantes se produiront toujours. Le virus continuera de se propager et, par conséquent, ces mesures locales auront de moins en moins d’effet au fil du temps. Il est d’autant plus important de formuler dès à présent des normes généralement applicables et de ne pas courir après les événements. Nous avons juste une évolution très rapide. Il n'est pas du tout facile pour les politiciens d’adopter les mesures qui d'une part peuvent encore être tolérables, socialement, et qui d'autre part impactent également l’incidence et les nouvelles infections. Tout est à la traîne. Donc, si nous signalons maintenant de nouveaux cas au RKI, cela reflète ce qui s'est passé dans la population il y a sept, peut-être même dix jours.

Martini: Cela signifie que nous courons toujours un peu derrière.

Drosten: Exactement. Et maintenant le grand défi pour les politiciens est de trouver des mesures qui peuvent encore corriger cela. Parce qu’il faut être clair sur le fait que si nous décidions aujourd'hui d’un nouveau lockdown, un lockdown absolu, purement théorique, cela signifierait que les cas continueraient d’augmenter pendant une semaine, voire presque deux semaines. Simplement parce que de nouvelles infections sont déjà en route. Les personnes qui seront signalées la semaine prochaine sont déjà infectées. Certaines d'entre elles ne le savent même pas encore.

Martini: je pense que nous n'avons pas encore vraiment intériorisé cela. Nous voyons que le nombre de cas augmente lentement maintenant. Mais [on constate un peu d’indifférence], les gens veulent sortir, aller au restaurant [...] Et maintenant, prendre des mesures politiques, ce n'est pas facile, n'est-ce pas?

Critique de la déclaration de Barrington

Drosten: Oui, il y a simplement un effet d'usure pour tout le monde. C'est difficile de continuer. Dans le même temps, le problème, en médecine ou dans la société en général, n'est pas encore aussi visible dans les médias. Nous n'avons pas encore de mortalité élevée. Nous n’avons pas encore d'unités de soins intensifs saturées, comme c'est déjà le cas dans d'autres pays, en Espagne par exemple. Et nous avons également des voix fallacieuses dans le débat public. Il y a cet article de scientifiques américains et anglais, qui est vraiment fallacieux. [...]

Martini: L’objectif de cette lettre ouverte est de dire qu’il faut protéger les groupes à risque, [donc] que les personnes âgées afin de donner aux jeunes la possibilité de continuer leur vie. Cette lettre a maintenant reçu un nombre relativement important de signatures. Et le but est d'obtenir une immunité collective plus élevée à la fin. Est-ce faisable?

Drosten: Il y a deux choses qui vont à l'encontre de cette idée. Ces deux choses ont en fait été acceptées par la société au printemps. Premièrement, il n'est pas possible de protéger complètement les personnes âgées. Des situations terribles surviennent. Cela signifierait, par exemple, que les résidences pour personnes âgées devraient être complètement fermées à toute visite. Et toutes les personnes âgées ne vivent pas dans des maisons de retraite. Cela signifierait également qu'au sein des familles, il faudrait complètement interdire les visites. Il est tout simplement inconcevable de mettre cela en œuvre.

Et l'autre chose est qu'il y a aussi des patients à risque dans les groupes d'âge plus jeunes, qui ne sont pas si peu nombreux non plus. Et si vous laissiez se propager cette maladie dans les groupes d'âge les plus jeunes, cela entraînerait également de nombreuses infections dans ces groupes d'âge. Nous avons une pandémie, ici. Nous ne sommes pas immunologiquement protégés contre ce virus. Et la proportion de patients à haut risque dans ces tranches d'âge plus jeunes est si élevée que l'on arriverait à nouveau aux limites du système de soins. Nous aurions un autre type de patient, qui serait socialement perçu différemment. Des jeunes familles perdraient leur père ou leur mère. C’est juste une conséquence complètement différente. Et vous ne pouvez simplement pas laisser cela se propager comme ça.

Martini: Alors, que pouvons-nous faire pour éviter que cela ne se produise, que des unités de soins intensifs soient pleines et des gens tombent malades?

Drosten: Espérons que nous puissions d'une manière ou d'une autre empêcher cela. En ce moment, nous essayons, disons un groupe de scientifiques au fait de la situation et prêts à communiquer, d'informer la société sur la menace. Il est relativement facile d'empêcher cela si on s’y met tous. Et si on le comprend, si on comprend les raisons pour lesquelles on doit faire quelque chose maintenant. Et pourquoi on doit se retenir maintenant, par exemple avec les contacts. Et qu’on peut se rater. Si on attend que de nombreux lits de soins intensifs soient à nouveau occupés, on aura des effets pas faciles à stopper rapidement. […] Il faut réagir assez tôt. Cela fonctionne avec relativement peu de mesures drastiques. Si vous manquez le timing, vous l'avez manqué. Et puis vous n'avez pas à réagir, mais à corriger. Et cette correction, ramer à contre-courant, ça demande un effort incroyable. On a tort de ne pas regarder dans les pays européens voisins, où ce processus est déjà visible, où il n’est en avance que de deux semaines. […]

En Espagne, par exemple, nous voyons déjà des unités de soins intensifs saturées dans les zones touchées. Et ce sont de très grandes zones géographiques. Il n'y a aucune raison de penser que ce sera différent chez nous. Il y a certainement plusieurs raisons pour lesquelles la hausse est plus lente chez nous ; nous en avons déjà discuté, comme la structure familiale, nous avons plus de ménages d'une seule personne. Nous avons une plus grande séparation entre les générations. C'est différent en Espagne. Cela entraînera certainement une croissance plus rapide de l'épidémie là-bas. Mais il se peut aussi qu'il n'y ait tout simplement pas autant de diagnostics qu’ici, de sorte qu’on remarque le tout un peu plus tard, mais c'est le même virus. Nous ne devons pas fermer les yeux sur le fait que la même chose nous arrivera.

Mesures-barrière, "backward tracing" (trouver la source)

Martini: Cela signifie que si nous faisons attention maintenant et que nous respectons vraiment les règles AHA (distanciation ; hygiène, masque), ventilons correctement, n’allons pas dans des restaurants surpeuplés etc, nous pouvons encore y arriver?

Drosten: La chose décisive est, et il faudrait vraiment le répéter encore et encore, car tout le monde ne l’a pas encore intégré, nous avons besoin de deux mesures combinées. Donc les règles AHA, c'est bien, mais je trouve cette formule presque un peu trop simple. Donc les règles AHA - distanciation, hygiène, masques grand public - c'est certainement une mesure généralement efficace et dont tout le monde se souvient. Et c'est bien. Mais nous avons besoin de quelque chose de plus, à savoir une mesure contre les clusters. C'est la règle de base pour ces maladies qui se propagent avec une sur-dispersion. Nous avons besoin de deux mesures à l'échelle de la société. La première est une mesure que tout le monde suit et qui n'a pas besoin d’être très intrusive, ni à être très efficace pour la propagation du virus. Elle doit être efficace à 20%. C'est certainement la combinaison de la distance, de l'hygiène et des masques. Quelque chose qui s'applique à tout le monde, qui s'applique dans toute la société, qui n'est pas drastique. Et puis, nous avons également besoin d'une mesure spécifique, qui prenne effet partout où des clusters apparaissent.

Et c'est encore une faiblesse en Allemagne pour le moment, et aussi dans le système de reporting, et pas seulement en Allemagne. L'orientation spécifique de l'enregistrement des cas, l'enregistrement de l'activité infectieuse sur le cluster source, c'est-à-dire la question: Où avez-vous été infecté? Nous sommes toujours très axés sur la poursuite des cas. En d'autres termes, nous demandons: ce patient qui a été infecté ici, qui aurait-il pu infecter, à la fois ces derniers jours, avec qui il était en contact, et aussi à l'avenir, il doit rester chez lui pour qu’il n'infecte plus personne.

Mais le moment où nous remarquons cette infection est en fait un moment où la contagiosité est pratiquement terminée. Et les quelques personnes qu'il aurait pu infecter au cours des derniers jours ne sont pas à l'origine du processus d'infection, mais ce qui est vraiment à l'origine du processus d'infection, c'est le cluster source où il a contracté son infection. Car cette infection se propage par grappes. Même si les autorités sanitaires disent qu'il y a un processus d'infection de plus en plus diffus, on ne peut plus reconstituer les chaînes de contamination, alors ce n'est pas une description de la réalité de la propagation du virus, mais une description de l'impression qu’on a dans les services de santé car les gens ne peuvent pas dire où ils ont probablement été infectés il y a sept à dix jours.

Nous avons cela avec d'autres rhumes également. Nous n'avons tout simplement pas cette mémoire. Nous ne pouvons pas nous souvenir dans quelles situations particulières, dangereuses, nous étions il y a sept à dix jours. Le problème, cependant, est que cette situation dangereuse dans laquelle nous avons été infectés il y a sept à dix jours est toujours là. Ce cluster couve toujours. Et sans que personne ne le sache, sans que les cas aient été signalés jusqu'à présent, nous avons ici un cluster source qui frémit. Nous sommes maintenant à ce moment où les remontées de chaînes deviennent de plus en plus difficiles, où les autorités sanitaires disent les unes après les autres: "Nous n’y arrivons plus, Bundeswehr, venez nous aider !" Nous voyons cela dans les médias maintenant. C'est maintenant le moment où cette méthode de travail sur les clusters source doit être mise en œuvre. Parce qu'en ce moment, d’après les statistiques, nous avons l’impression que cela vient des fêtes de famille, des ménages. Cela ne vient pas des situations de travail, des transports en commun, etc.

Martini: D'aller au restaurant.

Drosten: Exactement. Tous ces éléments ne figurent pas dans les statistiques des rapports pour le moment. Les autorités sanitaires disent que ce sont avant tout les situations privées, les fêtes de famille, la maison. Mais regardons maintenant de près ces statistiques de reporting. Et ce que nous constatons, c'est que plus de la moitié de toutes les nouvelles infection ne peuvent pas être résolues. [...] les chaînes de contamination reconstructibles sont minoritaires. [...] Les gens ne peuvent pas dire où ils se sont infectés. D’où cette proposition, que je fais depuis des semaines, que chaque citoyen tienne un journal des situations de cluster. Chaque soir, par exemple, vous pouvez écrire sur votre smartphone, dans votre bloc-notes ou sur n'importe quel morceau de papier, là où vous ne vous êtes pas sentis très à l'aise. Alors aujourd'hui, j'étais dans une situation où j'avais le sentiment qu'il y avait trop de monde, dans une pièce fermée, trop près les uns des autres, même si la plupart portaient des masques. En faisant cela, deux choses se produisent. Premièrement, [...] les gens pourraient se souvenir davantage et dire où ils ont été infectés. Les autorités sanitaires pourraient alors être en mesure d'identifier encore mieux les clusters source. Le suivi des cas serait amélioré. Le deuxième effet est que [chacun] réaliserait plus clairement qu’il se trouve régulièrement dans de telles situations et [qu’en y étant plus sensibilisé, il les évite à l’avenir].
[Si je vais au restaurant] Est-ce que je m'en souviendrai dans dix jours?

Martini: Probablement pas.

Drosten: Sérieusement. Donc si j'ai soudainement de la fièvre, [...] je dirais: "Je ne peux pas dire." Ou je dirais aussi: "Eh bien, probablement à la maison, parce que mon conjoint a aussi de la fièvre. Donc, je me suis contaminé à la maison." Mais je suis aussi allé manger avec mon conjoint, mais comme je ne l’ai pas noté, je ne m'en souviens pas. Je ne veux pas seulement me concentrer sur les restaurants. Il s'agit aussi d'autres situations, de situations quotidiennes, nombreuses dans le secteur du sport, dans le secteur des loisirs, mais aussi la vie professionnelle. Ces lacunes dans les listes seraient ainsi comblées. Par exemple dans la vie professionnelle, il y avait telle réunion [exceptionnelle], et il y avait 30 personnes dans la salle. Tous étaient assis à distance et portaient des masques. […] C’est quelque chose que nous pouvons tous faire. On ne peut pas simplement rester passifs et se dire que le département de la santé clarifiera tout ça si je tombe malade à un moment donné. [...]

Martini: Cela voudrait dire que si nous notions ces contacts, nous serions un peu plus loin.

Drosten: Alors nous serions certainement tous un peu plus impliqués. [...] Nous serions alors plus loin dans le processus de connaissance et d'évitement. Je pense que l'accent est mis ici sur l'évitement. Parce que les politiciens ne peuvent pas régler chaque petite situation de la vie quotidienne - de préférence séparément pour chaque Land- mais à un moment donné, la société doit passer à un mode de participation active. [...]

Stratégie nationale de test

Martini: Et puis chacun pourrait apporter sa contribution. Le gouvernement fédéral veut également prendre une décision cette semaine. Cette fois, il s'agit d'une nouvelle stratégie pour les tests. Il devrait maintenant être moins testé, mais de façon plus ciblée. De votre point de vue, est-ce la bonne voie pour l'automne?

Drosten: Je ne pense pas qu'il s'agisse d'arrêter activement les tests PCR, mais deux choses se produisent. La première est que les tests PCR deviendront moins disponibles à mesure que certains matériaux se raréfient. […] Nous devons bien sûr donner la priorité aux soins de santé. En d'autres termes, nous aurons à nouveau plus de vrais patients qui devront être testés de manière prioritaire, de sorte que de moins en moins de ressources de PCR seront disponibles pour des tests à l'échelle de la société.

Et l'autre effet est que les tests antigéniques arrivent maintenant sur le marché, dont certains fonctionnent très bien, mais qui [...] permettent davantage une évaluation de l'infectiosité actuelle de la personne testée plutôt qu'un diagnostic d'infection médicale.[...] Mais il sera possible de dire que, par exemple, que le patient peut être considéré comme non infectieux pour le jour où le test a été effectué. Et c'est extrêmement important. Par exemple, imaginons à la porte d'entrée d'une maison de retraite où vous pourriez dire: "Ah, ce sont des parents d'un de nos patients ici dans la résidence. Pour aujourd'hui, nous pouvons dire, sur la base du test antigénique, qu’ils ne sont pas contagieux, nous pouvons donc autoriser la visite." Mais cela ne veut pas dire que ces proches [pourront] faire une petite fête à la maison le lendemain. Ces tests antigéniques [ne sont] pas un test de présence de l'infection, mais une évaluation actuelle de l'infectiosité. Mais nous pouvons faire beaucoup avec cela. Parce que cette question sur l'évaluation actuelle de l'infectiosité est également posée à la PCR dans de nombreux domaines. La PCR est en fait hypersensible, la PCR dit que le virus est présent, alors que c'est peut-être si peu de virus que l'infectiosité n'existe plus.

Martini: Si on regarde les tests rapides, cela nous donne un peu plus de liberté de mouvement, n'est-ce pas?

Drosten: On peut l'espérer. La question est le nombre de tests bientôt disponibles. De nombreux pays souhaitent être approvisionnés par les mêmes fabricants. Là aussi, la concurrence sur le marché réapparaît. Mais s'il arrive que beaucoup de ces tests antigéniques soient disponibles dans les semaines et les mois à venir - ils sont également abordables, on peut dire que le prix n'est pas si exorbitant - alors cela ouvrira des portes dans de nombreux endroits. [...]

Immunité des cellules T

Martini: Je veux vous parler aujourd'hui d'un autre sujet qui soulève beaucoup de points d'interrogation, à savoir celui de l'immunité. Il existe une étude sur l'immunité des lymphocytes T, c'est-à-dire nos cellules mémoire dans le système immunitaire. Qu'y a-t-il exactement là-dedans?

Drosten: C'est une étude du domaine dont nous avons discuté il y a deux semaines. Où, pour le dire très brièvement, [on] avait découvert que la réactivité de fond des cellules T, qui se trouve chez les personnes atteintes de ce virus et ne l’ayant pas encore eu, est peut-être non spécifique. Surtout, plus le patient est âgé, […] [plus] la réponse au virus Sars, à une infection Sars, est une réponse dispersée qui n'est pas très ciblée. La raison est à trouver dans la capacité réduite du système immunitaire cellulaire à apprendre dans un système immunitaire âgé. Ici, nous pouvons aller à l’encontre de cela avec cette étude déjà publiée dans "Science".

Il s'agit également d'une étude sur l'immunité des lymphocytes T, qui est un peu plus encourageante. C'est précisément ce qui définit la discussion en immunologie. Il y a telle découverte et telle découverte ; [...] la recherche ne va pas si vite. Vous ne pouvez pas dire que tout ce que nous mesurons avec les cellules T n'est qu'un bruit de fond. On ne peut pas non plus dire qu'en réalité nous sommes tous déjà protégés.[…] Ici, nous avons une étude de très haut niveau et qui a déjà été publiée avec un comité de lecture. C’est une étude réalisée avec des patients qui ont eu ce virus ou pas. On peut voir que les [rhumes à coronavirus passés] semblent transmettre un souvenir. Pour qu'il y ait une telle chose comme une mémoire préexistante au niveau des cellules CD4, c'est-à-dire les cellules auxiliaires de mémoire, peut-on dire.

Martini: Ceux qui se souviennent des infections.

Drosten: Exactement. C'est le département du système des lymphocytes T qui a une fonction d'assistance, c'est-à-dire la médiation entre les cellules présentatrices d'antigène et les cellules, ce qui conduit alors à une réaction immunitaire à maturation, c'est-à-dire qui conduit à l'envoi de l'un ou l'autre des anticorps par les cellules B, des cellules provenant des plasmocytes, ou que des cellules effectrices, c'est-à-dire des cellules T cytotoxiques, des cellules CD8, apparaissent. Il y a ces cellules CD4, les cellules T auxiliaires, au point de commutation, qui forment leur propre mémoire après la fin d'une infection. Et on peut dire ici qu'il y a définitivement un signal remarquable dans les cellules mémoire T de personnes n'ayant jamais eu de contact avec le Sars-CoV-2, contre le Sars-CoV-2. Ainsi, la similitude de ces coronavirus entre eux, le Sars-CoV-2 avec les quatre coronavirus communs, semble être suffisamment grande dans certains composants du virus pour presque anticiper quelque chose comme une mémoire à cellules T préemptive.

Martini: Cela signifie que si j'ai eu beaucoup de rhumes dans ma vie, il se pourrait qu'il y ait aussi quelques coronavirus. Et puis peut-être que je suis un peu mieux protégée ou que ma mémoire à cellules T s'en souvient?

Drosten: Oui, à proprement parler, nous tous, chaque adulte, avons des signes évidents d'une infection passée par l'un de ces coronavirus du rhume. Et chez un très grand nombre de personnes examinées dans cette étude, il était également vrai que leurs cellules T présentaient des signes d'activation au contact des composants de la protéine Sars-2. Elles n'ont donc jamais vu ce virus Sars-2 de leur vie, mais montrent toutes des signes de réactivité contre les coronavirus du rhume. Et là, vous pouvez vraiment tout démêler de telle manière pour pouvoir dire : maintenant, prenons des fragments de protéines contre ces coronavirus du rhume, qui ont également une certaine similitude avec le virus Sars-2, et alors ça dépend de la similitude des fragments de protéines. Alors, à quel point la protéine codée entre le virus du rhume et le Sras-2 est-elle similaire à certains points du génome? Et là où c’est particulièrement similaire, les patients, comme prévu, présentent également une réactivité croisée particulièrement élevée. Et les auteurs en concluent qu'il se peut bien que cette évolution très différente de l'infection au sein d'un groupe d'âge - il y a aussi des patients dans les groupes d'âge qui ne remarquent pratiquement pas qu'ils sont infectés par le Sars-2 et certains qui sont gravement malades - peut être expliquée par le fait qu'il existe également ces différents taux de mémoire des lymphocytes T chez les patients.

Martini: Est-ce que cela signifie que si vous avez eu beaucoup de rhumes, alors vous pourriez être un peu plus résistant ou la maladie n'est pas si grave. Pouvez-vous aller aussi loin?

Drosten: Oui. Il y a maintenant des auteurs qui vont aussi loin en utilisant d'autres ensembles. Il y a une étude que je n'ai délibérément pas évoquée ici, dont nous pourrons peut-être discuter plus en détail dans un prochain épisode […] Mais cette étude comporte tellement de points d'interrogation que je ne l'ai pas préparée. [...] en tant que scientifique, vous devez toujours être critique à l'égard des données. Mais il faut dire qu'il se pourrait bien qu'une infection récente par un coronavirus du rhume nous protège désormais contre une nouvelle infection au Sras-2.

Etude indienne sur les chaînes de contamination


Martini: Si nous regardons de plus près une autre histoire qui nous intéresse encore et encore. En ce moment, il y a les vacances d'automne dans certains Länder, mais ensuite l'école reprend. Les chaînes de contamination. Nous en avons beaucoup parlé: les enfants sont-ils dangereux pour les générations plus âgées? Oui ou non? [...] Il y a maintenant des études qui examinent de plus près les modes de transmission. Une étude qui a évalué très précisément un ensemble de données en Inde. Qu'est-ce qui en est ressorti exactement?

Drosten: Oui, c'est aussi une étude [publiée] dans "Science". C'est une étude intéressante car elle a été réalisée en Inde. Dans un pays où il n'est pas si facile de parvenir à un lockdown. [...] Il est donc probable que durant la période d'évaluation, qui était la première vague là-bas, nous aurons un aperçu de la propagation naturelle de ce virus […] L’étude a été menée dans l'Andhra Pradesh et le Tamil Nadu, deux États de l'Inde qui ont des systèmes de santé relativement bons, où la recherche des contacts a été effectuée avec beaucoup de personnel. Ici, bien sûr, à nouveau en fonction des symptômes. Autrement dit, si un cas survient dans un ménage, il s'agit du premier cas symptomatique. Ce qui s'est passé auparavant ne peut être dit. Mais lorsqu'un cas symptomatique survient, on a généralement tenté de tester tous les membres du ménage en laboratoire dans les 5 à 14 jours suivant le contact avec le cas index. De nombreux cas ont été examinés, du moins dans les statistiques. Il y a eu 263.000 cas index au Tamil Nadu et 172.000 dans l'Andhra Pradesh avec des infections principalement identifiées au Sras-2. Et ils avaient un total de plus de trois millions de contacts, dont chacun était inscrit sur des listes. Vous devez imaginer cela. Il s'agit d'un système de notification massif dans ces pays avec un grand nombre d'employés.

L'étude s'est maintenant concentrée sur 575.000 contacts sur un total de près de 85.000 cas index, avec une documentation épidémiologique complète et des résultats de laboratoire. Un véritable chef-d'œuvre de l'épidémiologie de terrain [...] C'est juste intéressant ce qui en ressort. Par exemple, on peut souligner que le nombre de contacts par cas index (la première personne infectée) est de 7,3 en moyenne. C'est vraiment beaucoup, vous pouvez voir comment la société et les ménages y sont structurés différemment. Il s'agit d'une taille de ménage complètement différente de la nôtre. 0,2 % de tous les cas index avaient plus de 80 contacts. Ce sont de très grands cercles de contact qui ont été suivis ici. Il est également intéressant de souligner que dans le même temps, un peu plus de 70% de tous les cas index n'avaient aucun cas de contact positif dans la région. En d'autres termes, avec ces grands réseaux de contacts, chez 70% d'entre eux on n’a trouvé aucune infection dans les contacts. Cela souligne encore plus à quel point nous avons un effet de sur-dispersion avec cette maladie. À quel point, en Inde, cette maladie se propage en clusters, dans des événements de grande diffusion. Cela continuera d'être le cas en Allemagne. Cette maladie se propage par grappes, ce qui peut également être vu en Inde.

Martini: Cela signifie que ce que nous pouvons apprendre ou voir pour nous de cette étude indienne est l'histoire du cluster. Faut-il vraiment accorder plus d'attention aux clusters?

Drosten: C'est certainement un message très important. Avec cette observation d'un processus d'infection peut-être plus naturel, incontrôlé, nous obtenons cette impression écrasante de la propagation par grappes. Et il y a aussi un contrôle interne intéressant dans les données. Dans cette situation, nous voyons un taux d'attaque secondaire de 11 %, c'est-à-dire combien sont infectés à partir d'un cas index confirmé. C'est la valeur que nous observons également dans nos contacts à haut risque, 15 minutes de contact en face à face. Et nous voyons 5 % pour des contacts à faible risque. Tout cela est très similaire aux nôtres. C'est pourquoi nous devons continuer à espérer que nous verrons également un comportement de propagation par clusters. C'est certainement l'un des messages les plus importants de cette étude. Et l'autre message très important est, tout simplement, que nous pouvons dire que la prévalence de cette maladie se situe principalement dans la même tranche d'âge. Donc, si vous regardez qui a infecté qui ici, [...] les groupes d'âge s'infectent les uns avec les autres parce qu'ils ont beaucoup de contacts sociaux les uns avec les autres.

Martini: Ce que les clusters expliquent, pour ainsi dire. Cela veut dire que les enfants sont avec les enfants, les adultes avec les adultes, et les plus âgés dans leurs groupes plus âgés.

Drosten: Exactement, ce sont les contacts entre les ménages, non pas au sein des ménages, mais dans les classes sociales, dans les différents domaines d'activité de la société.

La mutation D614G

Martini: Nous avons en fait discuté de l’espoir que le virus changerait un peu et que nous pourrions attraper un virus qui ne serait plus si dangereux pour nous, juste un mauvais rhume. [...] Il y a une nouvelle étude à ce sujet, cette fois un preprint, également dans "Science". Qu'ont-ils découvert? Le virus a-t-il changé? Avons-nous toujours le même virus qu’au printemps?

Drosten: C'est intéressant. Il y a toujours des observations de changements, c'est un virus à ARN et il y a beaucoup d'erreurs dans la réplication du génome. Fait intéressant, j'ai eu une question par mail ce matin d'un collègue à propos d’une publication dans "The Lancet" qui n'est pas le papier dont nous voulions réellement discuter maintenant, mais quelque chose dont nous avons discuté dans ce podcast il y a des mois, à savoir une variante de virus dans laquelle l'un des gènes, à savoir le gène 8, a une suppression, Il y avait donc un écart de 382 nucléotides et cela a maintenant fait l'objet d'un suivi clinique. Il en ressort: Peut-être que ce virus est vraiment affaibli. Cela a également été diffusé ici et là sur les réseaux sociaux car il n'a été publié qu'en août. Mais vous pouvez voir comment quelque chose comme ça est souvent mal compris du public.

Il s'agit d'une variante du virus qui a existé quelques semaines au printemps à Singapour, au tout début de la propagation, puis a de nouveau disparu. Avec de tels coronavirus, il arrive encore et encore qu'il y ait un petit accident de réplication amenant à la perte d’un gène qui rend le virus un peu plus virulent, c'est-à-dire un peu plus pathogène. Et ces virus peuvent se propager dans certaines limites. Et apparemment, ils atténuent vraiment la maladie. Malheureusement, dans une pandémie, quand il y a de très grandes vagues d'infections dans la population, ces virus affaiblis disparaissent encore et encore, car le virus non modifié, nous disons le type sauvage, a un avantage de forme physique et se propage mieux, et éradique les virus affaiblis. Il a donc un avantage concurrentiel. Il ne faut pas interpréter de telles publications scientifiques comme quoi le virus s'est affaibli et que, par conséquent, nos lits de soins intensifs resteront vides, même avec beaucoup de cas. Il faut vraiment distinguer entre une élaboration scientifique de quelque chose qui s'est passé dans le passé mais qui ne s'applique plus aujourd'hui et la situation actuelle. Et il se peut aussi que nous devions comprendre ce preprint, dont nous pouvons discuter, sous un éclairage légèrement différent.

Il s'agit du mutant D614G bien connu. Je dois peut-être expliquer à nouveau brièvement. En avril environ, nous avons discuté pour la première fois d’un virus se propageant très rapidement dans le monde, à savoir un virus qui avait un échange d'acides aminés en position 614 de la protéine de surface de la protéine spike. Et il est à noter que cette mutation s'est propagée. Elle a d'abord été remarquée en Europe, peut-être originaire du nord de l'Italie, lors de l'éruption là-bas, puis en Espagne, puis en fait dans toute l'Europe, puis est allée dans le nouveau monde, probablement d'Espagne, d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, puis Amérique du Nord, principalement sur la côte est, puis dans toute l'Amérique du Nord. C'est cette variante D614G. Et à l'époque, sur la base de la propagation du virus, on soupçonnait déjà qu'il pourrait être plus transmissible car il domine soudainement partout. Il y avait encore un gros point d'interrogation dessus parce qu’on ne savait pas exactement si c'était une coïncidence. En d'autres termes, si certaines lignées virales se propagent simplement par hasard parce qu'elles sont arrivées quelque part par hasard où une épidémie se produit. Et de cette épidémie vient la prochaine grande épidémie. Et si, par hasard, ce virus est arrivé en Amérique du Sud, alors la population fondatrice, comme on dit, du virus y surgit également. Et puis à un moment donné, aucun autre virus n'est arrivé. Vous ne savez donc pas exactement ce que cela signifie si un certain marqueur génétique, c'est-à-dire une certaine caractéristique d'un gène, se propage soudainement géographiquement. Cela peut être une coïncidence. Mais il peut aussi y avoir une raison derrière cela, qui est la capacité de réplication du virus.

Martini: Mais cela signifie toujours que nous avons le même virus.

Drosten: Exactement. Il se pourrait que rien de tout cela ne veuille rien dire. Et ce qui a été fait alors, et c'est souvent le cas en virologie, des expériences ont d'abord été faites avec un système de substitution. On s’est dit: D'accord, c'est la glycoprotéine de surface du virus Sars-2. Il est maintenant relativement difficile de faire des expériences en laboratoire avec ce virus Sars-2. Donc, changer le virus Sars-2, comme je vais expliquer plus loin. Nous prenons un autre virus que nous pouvons facilement changer, ici un lentivirus, finalement un virus VIH, et donner à ce virus VIH la protéine de surface du virus Sars-2 avec et sans ce changement et on observe ce que cela fait au lentivirus. Et puis vous avez eu toutes sortes de découvertes qui indiquaient que ce virus pourrait se transmettre plus facilement et être plus dangereux. Par exemple, on a vu que le nombre de protéines de surface intégrées par particule virale était beaucoup plus grand lorsque cette mutation était en elle.

Bien sûr, c'est le cas, cette protéine de surface n'appartient pas du tout à un lentivirus. Par conséquent, l'incorporation dans cette particule virale est peut-être de toute façon rendue plus difficile. Et les lentivirus en soi n'ont qu'un petit nombre de glycoprotéines de surface, même dans le virus VIH complet, c'est-à-dire que le VIH n'a que très, très peu de protéines de surface par particule virale, il y avait donc encore un grand point d'interrogation sur les résultats. Et maintenant on a en fait un véritable chemin de recherche expérimentale pour la première fois dans le domaine des preprints, sur la base du virus Sars-2 lui-même, via un changement ciblé en laboratoire: Nous avons ce virus en laboratoire. Et maintenant, nous donnons à ce virus cette mutation qu'il a créée, la mutation D614G, artificiellement dans le génome afin que nous puissions comparer deux virus. Un virus, le virus d'origine qui n'a pas cette mutation, puis un virus exactement identique jusqu'au nucléotide. Il n'y a pas un seul changement en dehors de ce changement supplémentaire qui est survenu dans la nature, que nous ajoutons maintenant à ce virus artificiel dans le génome et voyons si cela fait une différence.

Martini: Et où cela nous mène-t-il à la fin?

Drosten: Oui, pour la première fois, c'est vraiment un résultat très clair, où vous pouvez comprendre exactement ce qui a été fait. Il s'agit du groupe de travail de Ralph Baric, un collègue américain qui utilise en laboratoire des techniques très similaires à celles de collègues européens dont nous, à savoir la génétique inverse pour le virus Sras, où vous avez le virus en laboratoire, sous une forme définie, où on peut insérer des modifications individuelles de manière ciblée. Donc pas le processus de mutation naturelle qui peut être observé, une mutation n'est jamais seule, on peut dire: nous avons un virus ici, le virus de type sauvage originel. Et dans le génome de ce virus, nous ajoutons seulement une mutation qui nous intéresse, où nous voulons savoir quel effet elle a. Nous insérons cette mutation dans le génome. Cela a maintenant été fait avec la mutation D614G. Et on a maintenant deux virus que vous pouvez comparer qui sont absolument identiques, à l'exception de cette mutation. Ce que vous faites ensuite est une procédure étape par étape, de la culture cellulaire relativement simple aux modèles tissulaires en passant par des expériences limitées sur les animaux[...] Donc tout d'abord, ces virus ont été comparés dans des cultures cellulaires simples. On a vu que dans certaines cultures cellulaires, mais pas toutes, le virus muté se répliquait mieux. Plus important encore, il se réplique plus rapidement. Mais ce n'est pas quelque chose que vous voyez dans chaque lignée cellulaire. Il est normal que les cultures cellulaires ne correspondent pas. Nous parlons d'effets de lignées cellulaires. Et pour évaluer cela, on est allé plus loin et on a infecté des tissus.

Cela signifie que vous pouvez prélever des tissus de patients lors d'opérations - par exemple dans le cas d'une tumeur, par exemple dans la région de l'oreille et du nez, ou dans le cas de l'amygdalite, de l'ablation des amygdales, où le tissu est retiré de la région du cou, de la membrane muqueuse, ou même en chirurgie pulmonaire, par exemple avec une tumeur, où les tissus sains sont toujours retirés afin que la tumeur soit complètement éliminée - vous pouvez toujours prélever du tissu sain de ces échantillons chirurgicaux et les laisser croître dans le tube à essai en laboratoire, puis infecter avec ces deux virus. Et maintenant vous voyez quelque chose de très intéressant, qui correspond à l'observation épidémiologique. À savoir que le virus muté se développe un peu mieux dans les tissus du nez et de la gorge, mais pas dans les tissus des poumons. Ceci est intéressant car ce virus se transmet par la gorge et le nez. Ainsi, lorsque nous contractons cette infection à Sras-CoV-2, nous sommes infectés par le virus du nez ou de la gorge d'un patient et non par le virus des poumons. Il sort à nouveau par notre gorge et notre nez. Au moins c'est l'hypothèse que nous faisons, ce que nous pensons, parce que ce virus est facilement transmissible, avant même que la maladie ne soit même symptomatique. Nous savons que 40 à 50 % de tous les événements de transmission ont lieu avant l'apparition des symptômes. Nous pensons que tout passe par les voies respiratoires supérieures, le nasopharynx.

Nous avons maintenant un virus mutant qui semble épidémiologiquement être devenu mieux transmissible. Il se réplique dans les tissus des voies respiratoires supérieures, mais pas dans les poumons, mieux que le virus d'origine. Constat d’étape intéressant. Ce que l'on peut également dire, c'est que ce n'est pas comme dans le système pseudo-type du VIH qu'il y a plus de glycoprotéines de surface intégrées, au contraire, la forme des virus et aussi le nombre de glycoprotéines sont complètement inchangés au microscope électronique. Peu importe que la mutation y soit ou non. Les auteurs sont allés encore plus loin, à l'expérimentation animale, ils ont pris le modèle animal le plus simple et pourtant le plus représentatif pour la transmission et la pathogenèse, c'est-à-dire la maladie, et c'est le hamster. C'était déjà le cas avec le virus Sars-1, et il s'est également avéré pour le virus Sars-2 que le hamster tombe vraiment malade, c'est-à-dire qu'il contracte une infection pulmonaire, pas seulement une infection des voies respiratoires supérieures, et on peut même l’utiliser pour mesurer la transférabilité.

Et ce que les auteurs ont fait, c'est qu'ils ont infecté des hamsters et ont fait trois groupes expérimentaux.[…] un groupe n'était pas du tout infecté, un groupe témoin. Et puis deux groupes, un avec le virus parent et un avec le virus muté. On a constaté que les animaux du groupe témoin devenaient de plus en plus lourds au cours de l'expérience. C'est simplement parce qu'ils mangent autant qu'ils veulent. Ce n'était pas le cas des animaux infectés. Ils ont eu une perte de poids plutôt faible, avec les deux virus, le virus parent et le virus de type sauvage. C'est simplement parce que les animaux qui se sentent malades mangent moins. La perte de poids avec le virus muté était très légèrement plus importante, mais la différence était si petite qu'il est impossible d'en faire quoi que ce soit, ou si peu. Et vers la fin de l'expérience, [...] les animaux sont tués sous anesthésie. Ils reçoivent une injection anesthésique, puis ils s'endorment. Et sous l'anesthésie vous tuez les animaux et retirez les organes, faites une dissection. Cela fait également partie du principe des expériences sur les animaux, vous ne les faites pas simplement pour voir ce qui se passe et si rien ne s'est passé, alors rien n'en ressort, mais vous évaluez ce que vous pouvez.

[…] Et ce que vous pouvez voir lorsque vous regardez les poumons, l'organe cible de la maladie, c'est: les poumons - dans les deux groupes, c'est-à-dire dans le groupe avec le virus de type sauvage et le virus muté – sont identiques. Le nombre de cellules inflammatoires ayant migré est le même, tout comme le poids des poumons par exemple. Ces cellules inflammatoires, qui ont un poids, c'est-à-dire que sous la pneumonie, les poumons deviennent plus lourds. Vous pouvez mesurer cela. Et il existe de nombreux autres critères objectivables sur un morceau de tissu qui peuvent être quantifiés. Et ce qont les mêmes dans les deux groupes. C'est intéressant. Apparemment, le groupe avec le virus de type sauvage s'est senti un peu moins malade, ils ont mangé un peu plus. Mais la maladie pulmonaire réelle s'est avérée exactement la même.

Maintenant, on fait une autre expérience, à savoir une expérience de transfert. On prend des paires d'animaux et on les met dans des cages voisines. Donc un animal est infecté, l'autre animal non. Ces paires ont été enfermées dans des cages voisines afin de voir comment ces hamsters s'infectent les uns les autres? Huit paires ont été prélevées pour le type sauvage et huit paires pour le mutant viral et on a vu que tous les animaux de contact étaient infectés à partir du cinquième jour d'observation. En d'autres termes, les hamsters qui étaient assis dans des cages voisines étaient tous infectés par le cas index, c'est-à-dire avec l'animal infecté à l'origine, et testés positifs pour le virus Sars-2. Il y a aussi une différence intéressante le deuxième jour, juste après le début de l'expérience. Au deuxième jour, aucun des hamsters de contact n'a été infecté par le virus de type sauvage, c'est-à-dire que zéro animal de contact sur huit a été infecté le deuxième jour, mais cinq animaux de contact sur huit avec le mutant viral l'ont été. Cela dit, apparemment, la transmissibilité avec ce virus muté n'est pas plus élevée au final, mais plus précoce. Le virus est transmis plus tôt, et susceptible de se répliquer plus rapidement en haut des voies respiratoires supérieures. Cela correspond en fait à cette observation épidémiologique selon laquelle ce virus s'est propagé rapidement. Alors maintenant que cette étude est terminée, nous pouvons en fait dire pour la première fois sur une base scientifique que le mutant D614G a une plus grande capacité à se propager.

Martini: Cela signifie que c'est le seul virus qui est pratiquement en mouvement pour le moment.

Drosten: C'est le virus qui se propage le plus actuellement partout. Et puis, du point de vue de son importance, le constat scientifique de cette étude, il est tel qu'on peut éthiquement justifier de telles expérimentations animales. C'est une découverte très importante pour l'humanité.

Martini: Si vous, en tant que virologue, jugez cela, quelle était l'importance de cette enquête pour vous?

Drosten: Oui, pour moi, c'est une grande part de l’énigme qui a été résolue. Donc, grâce à cette mutation, le virus a vraiment acquis une capacité de propagation plus élevée. Et cela dit aussi quelque chose d'autre, à savoir apparemment, le virus tel qu'il est originaire de Chine n'était pas encore optimal pour se propager parmi les humains. Avec cette mutation, il s'est certainement optimisé un peu plus pour l'homme, adapté à l'homme. Parce que c'est ce que veut le virus. Ainsi, un virus parfaitement adapté à son hôte se propage de manière optimale sans rendre l'hôte plus malade. C'est exactement ce que fait ce virus actuellement. Ce D614G se propage plus rapidement mais ne rend pas l'hôte plus malade. Bien sûr, toujours avec l'avertissement que cela n'a pas été testé ici sur des humains. Nous n'avons que des observations épidémiologiques sur l'homme, mais sur un modèle animal adapté, c'est le résultat.