lundi 19 octobre 2020

Avis de la Société allemande de Virologie: pour une action scientifiquement fondée contre la pandémie de Covid-19

texte original: https://www.g-f-v.org/node/1358
références des (notes) en bas de page


19 octobre 2020

Au cours des dernières semaines, nous avons vu dans le monde entier, en particulier chez nos voisins européens, comment le nombre de personnes infectées par le SRAS-CoV-2 a augmenté et continue d'augmenter de manière quasiment exponentielle(1). Alors que l'Allemagne avait jusqu'à récemment une incidence modérée, on y observe désormais également un nouveau début de propagation exponentielle(2). L'incidence à 14 jours en Autriche (133)(3) et en Suisse (230)(4) est déjà nettement plus élevée qu'en Allemagne (47)(5).

La propagation accrue des infections par le SRAS-CoV-2 est due en particulier à des événements privés tels que fêtes de famille, mariages et autres rassemblements. Bien que la majorité des cas d'infection se produisent dans des groupes d'âge plus jeunes, qui sont pour la plupart beaucoup moins concernés par les conséquences du COVID-19 
sur leur santé que les plus âgés(6), nous constatons partout une augmentation des hospitalisations et une progression constante des infections dans les groupes plus âgés(7). 

En raison de la dynamique explosive des infections que nous remarquons dans tous les hotspots d'Europe, il est à craindre qu'au-delà d'un certain seuil, on perde le contrôle du processus d'infection, même dans des régions jusque là non critiques. Si ce seuil est dépassé, le suivi individuel des foyers et des mesures strictes d'isolement ne pourront plus être mis en œuvre et la propagation incontrôlée à toutes les parties de la population, y compris les groupes à risque particulièrement vulnérables, ne pourra plus être évitée de manière adéquate. On peut s'attendre à ce que cela conduise à une surcharge rapide des systèmes de santé, ce qui en Allemagne, par exemple, en raison du manque de personnel de soins intensifs, pourrait déjà être le cas avec bien moins de 20 000 nouvelles infections par jour(8). Cela affectera non seulement le traitement des patients COVID-19, mais tous les soins médicaux.

Nous constatons avec inquiétude qu’à nouveau les voix prônant la contamination naturelle d'une grande partie de la population comme stratégie de lutte contre la pandémie dans le but de parvenir à l’immunité collective 
prennent de l’ampleur. Les signataires de la «Great Barrington Déclaration»(9) plaident pour la levée immédiate de toutes les restrictions à la vie publique et privée, y compris toutes les règles de distanciation et l'obligation du port du masque. Afin d'atténuer la morbidité et la mortalité des groupes vulnérables (personnes âgées, personnes avec comorbidités), la déclaration suggère des mesures de protection spéciales pour ces personnes allant jusqu'à un quasi-isolement («Les retraités vivant chez eux devraient se faire livrer nourriture et autres choses importantes»). 

Nous rejetons fermement cette stratégie, même si nous reconnaissons naturellement le fardeau énorme qui pèse sur la population en raison des mesures drastiques d'endiguement. Les soins de santé dans d'autres domaines non associés au Covid-19 souffrent également des restrictions imposées pour atténuer la pandémie(10,11). Néanmoins, nous sommes convaincus que les dommages qui nous menacent directement ou indirectement en cas d’infection incontrôlée dépasseraient ce fardeau et pourraient conduire à une catastrophe humanitaire et économique. Nous ne sommes pas seuls à partager cette analyse: dans un communiqué publié le 14 octobre dans la revue médicale «The Lancet» («John Snow Memorandum»)(12), de nombreux experts internationaux expriment les mêmes préoccupations et déconseillent fortement de suivre la stratégie de contamination incontrôlée propagée par la Great Barrington declaration.

Une infection incontrôlée entraînerait une augmentation croissante du nombre de décès, car même avec l'isolement strict des retraités, il existe d'autres groupes à risque qui sont beaucoup trop nombreux, trop hétérogènes et aussi dans certains cas non détectés pour pouvoir être protégés activement. Il existe un risque accru d'évolution sévère de la COVID-19, par ex. en cas d’obésité, diabète, cancer, insuffisance rénale, maladies pulmonaires chroniques, maladies du foie, accidents vasculaires cérébraux, après une greffe et pendant la grossesse(13). Une complication possible de la maladie COVID-19 est le syndrome dit «long COVID», qui provoque divers dommages à long terme aux voies respiratoires, aux vaisseaux, au système nerveux ou autres organes, qui réduisent considérablement la qualité de vie, la capacité de travail et probablement aussi l'espérance de vie(14).

De plus, nous ne savons pas encore de manière fiable combien de temps dure l'immunité acquise par l'infection. Il est de plus en plus clair que les infections les moins symptomatiques, telles que celles qui prévalent chez les jeunes, ne confèrent pas une immunité stable(15). Le conseil d'administration de la Société de Virologie soutient donc expressément la position des signataires du mémorandum John Snow et considère que la poursuite de l'immunité collective sans vaccination est contraire à l'éthique et présente un risque médical, social et donc également économique élevé.

Nous respectons les attitudes divergentes défendues par des collègues individuels dans les médias et les réseaux sociaux, car les controverses sont une caractéristique essentielle à la fois de la science et de la démocratie. Néanmoins, le conseil d'administration de la Société de Virologie estime nécessaire de résumer son avis dans cette déclaration qui, à en juger les nombreuses conversations et courriels, représente également l'attitude de la majorité des virologues et médecins membres de notre société actifs en Allemagne, en Autriche et en Suisse.


Le conseil d'administration de la Société de Virologie avec la participation de:


Dr. Marco Binder, Centre allemand de recherche sur le cancer Heidelberg

Prof. Dr. Melanie Brinkmann, Université technique de Braunschweig et Helmholtz Center for Infection Research Braunschweig

Prof. Dr. Christian Drosten, Charité, Médecine universitaire de Berlin

Prof. Dr. Isabella Eckerle, Hôpital universitaire de Genève, Suisse

Prof. Dr. Beate Sodeik, École de médecine de Hanovre

Prof. Dr. Friedemann Weber, Université Justus Liebig Giessen


1 https://www.ecdc.europa.eu/en/covid-19-pandemic
2 https://www.rki.de/DE/Content/InfAZ/N/Neuartiges_Coronavirus/Situationsb...
3 https://covid19-country-overviews.ecdc.europa.eu (Stand 15.10.2020)
4 Situationsbericht zur epidemiologischen Lage in der Schweiz und im Fürstentum Liechtenstein (Stand 16.10.2020; 8:00 Uhr)
5 https://covid19-country-overviews.ecdc.europa.eu (Stand 15.10.2020)
6 https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30243-7/fulltext
7 https://www.rki.de/DE/Content/InfAZ/N/Neuartiges_Coronavirus/Situationsb...
8 https://www.aerzteblatt.de/nachrichten/sw/Intensivmedizin?s=&p=1&n=1&nid...)
9 https://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-barrington-declara...
10 https://www.who.int/publications/m/item/rapid-assessment-of-service-deli...
11 Bakouny et al. (2020) COVID-19 and Cancer: Current Challenges and Perspectives. Cancer Cell DOI: https://doi.org/10.1016/j.ccell.2020.09.018
12 https://www.johnsnowmemo.com
13 https://www.nature.com/articles/s41586-020-2521-4
14 https://www.bmj.com/content/370/bmj.m2815
15 https://www.nature.com/articles/s41591-020-0965-6