samedi 31 octobre 2020

Traçage rétrospectif, bulle sociale, circuit-breaker lockdown. Podcast #62 du 27 octobre [Partie 1]

Korinna Hennig: ralentir la dynamique de l'infection ne fonctionnera probablement pas sans mesures supplémentaires. Du moins, c'est ce que disent la plupart des scientifiques menant des recherches sur le coronavirus. [...] En ce qui concerne la question de savoir où nous en sommes en Allemagne, très débattue, il y a différents paramètres pour mesurer la température de la pandémie, pour ainsi dire. Pas seulement le taux de reproduction, [à cause de la sur-dispersion]. Pas non plus le nombre de nouvelles infections. La structure par âge joue un rôle […] Et pas non plus uniquement les lits de soins intensifs, car il faut du personnel. Maintenant, il y a un autre débat qui tourne autour de l'utilité de prendre des mesures différenciées en fonction de l’âge. Combien de personnes âgées se contaminent, combien tombent malades? En prenant pour critère l’incidence des plus de 50 ans.

Christian Drosten: Oui, c'est un chiffre que j'ai mentionné une fois dans une interview. J'ai fait l'interview en septembre pour "Die Zeit". On m'avait objecté qu’il ne fallait pas trop regarder les chiffres de nouveaux cas, mais qu’il fallait se concentrer davantage sur l'occupation des lits. À l'époque, il n'y avait en fait pas d'occupation en soins intensifs à signaler en Allemagne. C'était une époque où les doutes étaient encore très forts sur le danger de l'infection. Et puis des idées sont apparues en public selon lesquelles vous avez besoin d'un système de feu tricolore. J'ai répondu qu’il y avait un moyen plus simple. L’occupation des soins intensifs est en fait un paramètre [qui apparaît quand] il est presque trop tard. Si on veut une estimation du danger, il faut évaluer différemment les chiffres d'incidence, [en ne prenant] que l'incidence chez les personnes âgées. Parce qu'alors, on sait que le résultat se traduira par de plus en plus d'hospitalisations et de cas difficiles. On peut donc prendre l’incidence des plus de 50 ans, c'est-à-dire les nouvelles infections chez les plus de 50 ans, ou on peut aussi prendre les plus de 60 ans. Mais ce n'était qu'une idée et bien sûr, c'est très simple car ces chiffres sont disponibles. [...] Mais j'ai peur que nous soyons de toute façon arrivés dans une autre phase. Nous pouvons déjà voir que les admissions à l'hôpital jusqu'aux soins intensifs augmentent encore et encore.

La difficile remontée des chaînes de contamination

Hennig: […] Entre un quart et un tiers des infections peut être tracé. L'accent est principalement mis sur les fêtes, notamment en privé. Où me suis-je infecté, nous en avons souvent discuté. Il n'y a aucune transmission connue dans les transports en commun, par exemple, ou dans les supermarchés. Beaucoup disent alors: Eh bien, ce n'est probablement pas un problème majeur. Peut-on réellement conclure que le risque est plus faible?

Drosten: Il y a encore ces considérations techniques. Ainsi, vous pouvez toujours vous dire que vous vous tenez à distance des autres et n’y passez qu'un certain temps. Et il y a un renouvellement d'air. Voilà les considérations techniques. Mais bien sûr, vous pouvez aussi regarder le problème autrement. Et il s'agit des sources d'infection. Alors, où ai-je été infecté? Où sont les clusters? Et puis à un moment donné c'est difficile à dire, si je l'ai été il y a dix jours... Donc, je suis diagnostiqué maintenant, cela fait environ dix jours que j'ai été infecté... est-ce que je me suis infecté dans les transports en commun que je prends presque tous les jours? Bien sûr, les groupes qui s’y constituent sont éphémères, on entre et on sort. Les groupes qui [s’y constituent] ne restent pas longtemps. C'est certainement l'une des explications pour lesquelles on ne peut pas dire que de nombreuses personnes ont été infectées dans les transports publics. Personne ne peut réellement le prouver ou s'en souvenir exactement.

Cela s'applique certainement aussi à d'autres situations. [Comme la gastronomie, ou au travail]. Puis on arrive à la conclusion qu’on ne se souvient que de ce qu’on trouve dans les tableaux [du RKI]. Bien sûr, on se souvient d'une fête de famille. Et il ne faut pas oublier qu'une très grande proportion, environ 70% dans certaines régions, des sources d'infection ne peuvent être reconstituées. Donc on dit "diffus". Mais cela ne signifie pas que l'infection se propage différemment maintenant. Elle se propage certainement encore par clusters.

Hennig: Mais cela signifie que ça reste un angle mort. Ces situations qui ne se produisent pas en grappes parce que vous ne pouvez pas vraiment les mesurer.

Drosten: Oui, on doit faire beaucoup pour améliorer cela. Je ne sais pas si on peut encore le faire dans la situation d'incidence actuelle. Nous en avons déjà parlé. Il faudrait résoudre ce problème soit par voie électronique via l'application, soit via un journal obligatoire. Où on écrirait: où étais-je aujourd'hui? Étais-je dans une situation de cluster aujourd'hui? Qui était là? Et je garde cela à l'esprit si j'ai soudainement des symptômes dans les dix jours. [Afin d’en parler aux services de santé].

Hennig: Peut-être pouvons-nous apporter un éclaircissement au sujet de ce Journal des contacts. Vous avez déjà expliqué dans le dernier podcast [que] les autorités sanitaires de certaines régions ont perdu le contrôle ou sont sur le point de le perdre. C'est aussi le cas dans d'autres pays. Et lorsque les capacités s'épuisent, la question de la stratégie entre en jeu. Peut-être pouvons-nous réellement l'expliquer à nouveau: quand les autorités sanitaires veulent arrêter les chaînes d'infection, elles remontent aux deux ou trois derniers jours afin d'empêcher une personne infectée d'en infecter d'autres. Quelle est la principale différence [avec la stratégie rétrospective]?

Investigation rétrospective des clusters

Drosten: […] Personne ne sait avec certitude si nous nous trouvons actuellement dans une situation où un changement de stratégie dans le service de santé a encore du sens, ou si nous sommes réellement au-delà du but. J'avais déjà fait cette suggestion en août: avec cette sur-dispersion, 20% de toutes les personnes infectées sont responsables que cette infection persiste. Parce que 70 ou 80% des personnes infectées ne transmettent pas le virus. Maintenant, c'est une considération évidente. Quand, en tant que patient nouvellement diagnostiqué, je m'assois en face de quelqu'un du service de santé et qu'ils m'isolent et me demandent: "Avec qui avez-vous eu des contacts?" Ce sont ces contacts qui font actuellement l'objet d'un suivi. Mais s'il n'y a que 20% de chances que j'aie infecté quelqu'un, c'est de l'énergie gaspillée. […] Mais il existe une autre approche pour détecter un cluster. La question est, où ai-je été infecté? Parce que cette infection se produit presque toujours dans un cluster. Si je peux identifier un cluster à travers cette question, alors [on gagne]. Parce que tout à coup, tout un groupe de personnes est identifié, qui sont toutes susceptibles d'être infectieuses à ce moment et qui doivent être rapidement isolées pour éviter de nouvelles transmissions. Dans un cluster de dix, il y en a deux qui transmettront le virus, alors qu'il y en a huit qui ne le transmettront pas.

Hennig: Cela signifie que cela conduirait également à un traçage prospectif plus ciblé, pour ainsi dire.

Drosten: Oui. La conséquence indirecte est alors que le traçage prospectif a lieu à nouveau pour tout ce groupe. A partir d'un certain nombre de groupes, cela garantira que d'autres transmissions seront empêchées. Tandis qu’avec un simple traçage prospectif, c'est-à-dire que la personne juste diagnostiquée est isolée et ses contacts directs sont investigués, il n'est pas certain que nous parvenions à prévenir les infections avec cette approche.

Hennig: Dans quelle mesure la recherche rétrospective des contacts est-elle même possible sur la base de la réglementation? Une question est bien sûr toujours celle des capacités des autorités sanitaires en matière de recherche des contacts, mais il y a aussi la question des procédures juridiques?

Drosten: Oui, c'est certainement le point crucial. C’est pourquoi je suis sceptique quant à savoir s’il peut être fait ou s’il n’est pas déjà trop tard. Parce que cela nécessite des changements réglementaires. L'Institut Robert Koch, par exemple, recommande qu’un traçage de cluster rétrospectif soit associé au traçage prospectif […] Tout cela est déjà présent dans les recommandations du RKI. La raison pour laquelle les autorités sanitaires n'abordent souvent pas ce traçage rétrospectif particulièrement efficace, ou n'osent le mettre en œuvre, c'est qu'il doit y avoir une conséquence si on découvre un cluster source. […]

Imaginons : il y a un groupe de personnes, 25 personnes par exemple, et l'un d'eux a amené le virus. Environ 17 sont infectés et ils sont tous infectés à peu près en même temps. On diagnostique un de ces 17. Et il y en a 16 autres qui en sont au même stade, ils sont tous contagieux à ce moment et il faut les isoler immédiatement. Nous devons leur dire immédiatement: restez à la maison, rentrez chez vous. La question est, est-il autorisé de faire cela quand on est médecin-conseil? Pouvez-vous entrer dans une entreprise, par exemple, et dire qu'il y a quelqu'un qui m'a donné l'information selon laquelle il y a probablement un cluster, maintenant il faut que tout le monde rentre chez lui. On demandera au moins des preuves. Le médecin peut-il prouver qu'il y a un cluster en cours? Idéalement, si on diagnostique trois ou quatre personnes, [cela serait une preuve]. [Il faut donc tester]. Le problème est que ces tests prennent du temps - et nous n'avons pas le temps. Car ce que nous devons faire ici, c'est isoler ces personnes immédiatement, sans délai. Et à ce stade, nous ne pouvons pas aller plus loin que si nous n’avons pas une loi ou un décret disant: S'il y a des soupçons justifiés, l’isolement d'un cluster source doit être effectué immédiatement sans autre test. Et bien sûr, c'est délicat. Cela doit être préparé. Partisans et opposants doivent en discuter. Une décision doit être prise. Ensuite, il faut la mettre en œuvre. Ceci est mieux fait lorsque vous avez le temps. J'ai proposé cela début août. Je voulais provoquer un débat dans la société. Mais maintenant, nous sommes dans une situation différente. On peut prendre un raccourci [avec les tests antigéniques et tester immédiatement tout le personnel d’une entreprise] Et dans les quinze minutes, on sait si on a un cluster. […] Et si seulement deux ou trois de ces tests sont positifs, on sait qu’il faut isoler tout le groupe. Mais je crains qu’il faille là aussi passer par un processus de discussion, impliquant de nombreuses personnes. Prendre ces décisions prend du temps et j'ai le sentiment que nous avons de moins en moins de temps en ce moment compte tenu du nombre de nouvelles infections.

La bulle sociale

Hennig: Vous venez de mentionner le mot-clé de sur-dispersion. La taille des groupes et [leurs réseaux, leurs interactions entrent en jeu]. Chacun peut se demander: que puis-je faire? Le physicien Dirk Brockmann, qui fait également de la modélisation pour l'Institut Robert Koch, l'a clairement indiqué dans un graphique. Si vous divisez un groupe, par exemple, un groupe de yoga de 36 personnes, en deux groupes de 18 ou en quatre groupes de neuf, il est alors évident qu'il y a moins de voies d'infection au sein de ces groupes. Mais si vous additionnez à nouveau tous les groupes à la fin, cela a-t-il un effet? Pour rester avec l'exemple: avec le yoga à 36 personnes, il y a plus de 1200 voies d'infection possibles, et si vous divisez le groupe une fois, il n'y a que 600 voies d'infection, soit environ la moitié. Si vous ne rencontrez que quatre personnes à la fois, ce nombre est même réduit de plus de 90%.

Drosten: Il y a ces effets disproportionnés. Vous pouvez calculer quelque chose comme ça. Si nous imaginons un groupe de 36 personnes et que nous les divisons en quatre. Et il y a un superspreader, dans un cas, il contaminera peut-être la moitié de 36 personnes, voire plus. Alors que dans un plus petit groupe, il ne contaminera que la moitié de neuf personnes, soit environ quatre personnes […]. 
Il y a aussi l'idée de séparations physiques, comme ce que vous avez pu voir dans les classes en Asie, avec des murs en plexiglas entre les tables.

Hennig: Mais cela a-t-il un intérêt, de votre point de vue? Des murs en plexiglas, cela semble un peu simpliste. Aérosols.

Drosten: Oui, bien sûr. Il y a une nouvelle réflexion qui entre en jeu à propos de la contamination par gouttelettes. Mais c'est juste un bon exemple de groupe qui continue d'exister en tant que groupe, en étant compartimenté. Et les voies de contamination ne sont pas une ligne qui serait là ou non, mais c'est aussi une ligne qui peut être épaisse ou mince, de sorte que la transmission peut aussi devenir plus inefficace. Et c'est alors aussi une division partielle en groupes.

Mais au fond, il y a une autre idée derrière cette idée, à savoir l'idée de «bulle sociale». […] Comment concevoir un nouveau lockdown avec les connaissances actuelles ? L’idée qui existe déjà dans certains pays est celle d'une «bulle sociale». Il va falloir tenir un certain temps avec une certaine restriction des contacts. Nous ne voulons pas que tout le monde soit désespéré et déprimé. S'il y a des fermetures d'écoles, les enfants ne pourront pas être pris en charge et à un moment donné, ils vont devenir fous dans l'appartement. Donc on pourrait dire que jusqu'à deux ou même trois ménages pourront toujours se réunir et former une bulle sociale. Et ils sont autorisés à se rencontrer, […] s'entraider pour la garde des enfants, l'un d'eux peut faire les courses pour tout le monde etc. Si les restaurants n'étaient pas fermés, ils pourraient s'asseoir ensemble à une grande table. Mais ils ne devraient avoir aucun contact au-delà de cette bulle sociale. [...] une telle bulle sociale [pourrait inclure] des personnes âgées etc. De telles mesures sont envisageables. Cela revient toujours à ce principe mathématique de division en groupes et à une réduction disproportionnée des possibilités de contacts.

Hennig: Par conséquent, si nous incluons des personnes âgées, c'est-à-dire des groupes à risque, dans un tel modèle, nous vivons bien sûr avec un risque résiduel tant que les enfants vont à l'école normalement et où aucun groupe n'est divisé, par exemple.

Drosten: C'est vrai, tant que les enfants vont à l'école, ce n'est plus une "bulle sociale" à ce stade. On ne peut pas inclure les patients à risque. Ce principe de "bulle sociale" est de toute façon violé lorsque les écoles sont ouvertes.

Hennig: Mais la question de la réduction de la taille des groupes, par exemple en divisant les classes, [et des cours moins longs]

Drosten: Exactement. Il faut chercher des compromis partout. Il est clair que les écoles doivent continuer à fonctionner dans la mesure du possible. En même temps, cependant, il est clair, comme nous le savons depuis longtemps et a été confirmé par des observations épidémiologiques, que le risque d'infection à l'école est le même que le risque d'infection dans n’importe quelle autre situation sociale comparable. […] il faut dire que le port du masque est probablement très important. Une école avant la première vague, en France, bien décrite dans la littérature, où 60, 70 % des élèves ont été infectés en quatre ou cinq semaines. Quelque chose de cette intensité n'existerait probablement pas avec une école complètement masquée. C'est certainement un facteur important qui ralentit, mais ne bloque pas complètement les infections, mais est un point important dans ce processus de recherche de compromis.

Il faut donc y réfléchir maintenant avec le partage en groupes. Par exemple, une classe toujours divisée en deux parties, l'une l'après-midi et l'autre le matin. Ce serait une possibilité. Ou peut-être même diviser l'espace. Une classe divisée en deux salles de classe et l'une d'elles bénéficie d'une diffusion vidéo du cours. […] En ce qui concerne le fonctionnement de l'école, ce sera difficile de procéder. C'est pourquoi il faut mettre en œuvre ce cloisonnement très fort dans une autre partie de la société.

Circuit-breaker lockdown

Hennig: D'autant que de telles idées créatives de division spatiale se heurtent à des limites spatiales dans la réalité. Mais peut-être que cela montre un peu où il y a des opportunités pour simplement développer de nouvelles idées. [...] Personne ne veut d’un lockdown complet, tel est le mantra que l'on entend beaucoup en ce moment, […] Si on se pose la question : quelles mesures n'avons-nous pas encore essayées? une discussion a eu lieu en Grande-Bretagne, puis en Suisse, et ici aussi,[...] à savoir un mini-lockdown temporaire pré-planifié. [...] Cela est actuellement pratiqué au Pays de Galles, par exemple, en Irlande du Nord et dans certaines parties en Écosse. Comment fonctionne exactement un « circuit-breaker » (disjoncteur)?

Drosten: Le terme est explicite. C’est un disjoncteur. Si le stress devient trop important, vous devez faire une pause. Il s'agit d'un lockdown préventif qui présente au départ un avantage: tout le monde sait à l'avance qu'il est limité dans le temps. En principe, on s’est mis d’accord dans la société: [nous allons tout fermer pendant deux ou trois semaines]. Trois semaines est probablement le moment le plus pertinent car vous avez besoin d'un peu plus qu'une période de quarantaine pour cela. [Le bénéfice est alors général] car l'incidence est alors considérablement réduite et, dans certaines circonstances, également réduite pour une longue période. Vous pouvez regagner le territoire que vous avez perdu à cause du virus. Ainsi, par exemple, vous pouvez de nouveau tracer les contacts. […]

Un lockdown n’est pas une situation où on négocie [...] On entend à nouveau un représentant des entreprises dire: "En aucun cas, il ne doit y avoir de lockdown". [On n’est pas dans une situation] où il y aurait d’un côté l’économie et de l’autre la santé. C'est une mauvaise compréhension de la situation. Nous ne sommes pas en position de négociation ici. Nous ne négocions pas avec la santé ici. Au mieux, nous essayons de négocier avec le virus - et on ne peut pas. On ne peut pas négocier avec ce virus. Ce virus oblige simplement à un lockdown lorsqu'un certain nombre de cas est atteint. C’est ce qui se passe alors.

Nous avons quelques pays voisins où ce point a déjà été dépassé […] et nous verrons dans les prochains jours et semaines qu'ils confineront à nouveau, qu'ils le veuillent ou non, malgré tous les dégâts économiques. Et la question avec un disjoncteur est: peut-on trouver un compromis le meilleur pour tout le monde? […] nous voulons faire un lockdown limité à l'avance, où tout le monde peut se préparer et avec une vision de ce qu’il faut atteindre. Nous faisons ça de telle manière à causer moins de dégâts. Par exemple, en le situant pendant les vacances scolaires, puisqu’on laisse les écoles ouvertes. Ou en faisant un calendrier à l'avance où vous dites qu'il suffit d'aller au printemps, jusqu'à ce que la situation s'améliore, jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible, jusqu'à ce que les températures s'améliorent à nouveau, etc. Faites simplement une sorte de calendrier clair pour tout le monde à l'avance: il y aura des restrictions dans telles semaines et elles seront à nouveau levées au cours de telles semaines afin que l'économie puisse planifier en conséquence. C'est en fait - ce qui se cache derrière cette idée, qui est déjà partiellement mise en œuvre en Angleterre, pas encore à l'échelle nationale, mais dans certaines régions, c'est maintenant décidé - c'est l'idée de ce lockdown-disjoncteur (circuit-breaker).

Hennig: En Irlande du Nord, par exemple, ce sera quatre semaines. Les écoles ont prolongé les vacances d'automne. Cela signifie-t-il que vous pourriez également intégrer des mesures graduées?

Drosten: Oui, exactement. C'est exactement le but, l'adoucir là où vous le pouvez[...]. Mais ce qui compte vraiment, c'est de pouvoir planifier.

Hennig: Ce que vous venez de mentionner, un plan à long terme, serait en fait une sorte d'opération on-off [...].

Drosten: Oui, il est vrai que cela a été pris en compte très tôt dans les calculs des modèles. Qu'il ne peut pas être écarté d'emblée de devoir faire quelque chose comme ça dans certaines situations où il y a déjà une incidence de fond élevée, qu'on ne peut réduire qu'avec un tel "circuit-breaker". Pensez à un trajet en automobile. Nous descendons une pente avec un camion lourd et cela ne veut tout simplement pas s'arrêter. [...] Nous savons que nous ne pouvons utiliser les freins que pendant cinq secondes. Quand les utiliser? À un moment donné, vous arriverez à la conclusion qu'il ne suffira pas de le faire une seule fois, mais que nous devons utiliser les freins pendant cinq secondes toutes les x centaines de mètres [...] sinon nous sortirons de la route à un moment donné. Et avec cette image, il est facile de comprendre qu'il est important de savoir dans quelle situation on le fait la première fois. Si nous avons déjà fait pas mal de route, comme c'est le cas maintenant en France, où il y avait une incidence extrêmement élevée, donc notre camion roule déjà assez vite, il ne sera d'aucune utilité de freiner une fois cinq secondes. Il faudra le faire encore et encore. Alors que si nous commençons tout juste à rouler, le camion roule très lentement, donc il pourrait suffire de freiner un bon coup pour être tranquille pendant longtemps. Le camion recommencera alors à rouler, mais tant qu'il n'aura pas repris un peu de vitesse, peut-être serons-nous dans une saison de l'année où il ne sera plus si important de freiner de cette manière.

Heureusement pour l'instant, nous sommes encore dans une situation de faible incidence. Nous devons cela à notre lockdown précoce au printemps - rien d'autre. Il n'y a aucune autre raison pour laquelle nous avons eu cette faible incidence aussi longtemps. Également par rapport à d'autres pays européens, qui sont structurés de manière similaire et qui sont dans certains cas dans une bien meilleure position sur le plan climatique car plus au sud. Nous sommes encore dans cette position favorable. Notre camion commence à peine à rouler et si nous actionnons les freins maintenant, cela aurait un effet très durable. Cela nous ferait gagner beaucoup de temps. Il faut y réfléchir maintenant. Peut-être, pour rester dans la métaphore, on n’aura pas à freiner trop fort et trop longtemps, parce que nous n'avons pas encore une vitesse élevée.

Hennig: Mais la situation est devenue relativement dynamique ces dernières semaines. Y a-t-il des éléments dans la recherche qui peuvent être utilisés pour déterminer le stade dans lequel vous devez le faire pour ne pas être en retard?

Drosten: Il existe des modèles de calculs. Il existe maintenant une publication de la London School qui résume certaines choses. On peut dire: le plus tôt sera le mieux. C’est le plus important. [...] Peut-être que l'Allemagne est à nouveau en bonne position. Parce que nous voyons ce qui se passe dans les pays voisins.

[…] [Le meilleur moment pour réaliser cela est au début de la croissance exponentielle.] […] Un circuit-breaker-lockdown est particulièrement efficace si vous utilisez le temps - en particulier au niveau politique - pour réexaminer certains règlements dont nous avons déjà parlé plus tôt.

Hennig: Pour les autorités sanitaires.

Drosten: Exactement, pour le suivi des cas. […] C'est peut-être la discussion que nous devons avoir ces jours-ci.

[...] [Partie sur les vaccins (à suivre dans un autre article)]


Hennig : Je voudrais vous poser une question personnelle. Nous avons commencé en parlant de l’incidence des plus de 50 ans. Cela m’a fait un peu sursauter [...] vous et moi, par exemple, ne sommes pas si loin de la cinquantaine. Est-ce qu’avec les nouvelles connaissances, ce virus vous inspire personnellement plus de respect ?

Drosten: Quand il s'agit d'une contamination par ce virus, je ne suis pas du tout détendu. Je ne souhaite vraiment pas l’attraper. Maintenant, je ne suis pas quelqu'un qui doit en permanence être dans des foules, je suis dans une situation favorable. Les cliniciens sont dans une situation complètement différente. Ils peuvent difficilement l'éviter. Sauf au moyen d'un équipement de protection individuelle, c'est-à-dire le port constant de masques particulièrement étanches. Bien sûr, vous pouvez le faire pour vous protéger. Je pense aussi que maintenant en ce qui concerne ce processus d'infection, tout le monde devrait se rendre compte, même ceux qui sont encore loin des 50 ans, qu'il y a ces cas soudains et très graves, même chez les plus jeunes. Il y a ce footballeur de 25 ans qui a dû aller en soins intensifs dans les trois jours et est décédé deux jours plus tard. De tels cas existent. Et vous ne savez pas à l'avance si vous faites partie de ces rares cas. C'est pourquoi chacun devrait essayer, dans sa vie quotidienne, de se protéger le plus possible contre l'infection. Cela devrait vraiment être à l'ordre du jour. Surtout éviter les occasions où on peut être infecté, c'est-à-dire les rassemblements de personnes dans des pièces.

Même si c'est une situation qui ne figure pas sur la liste, comme ce qu’on a évoqué, le supermarché et les transports en commun. Chacun de nous va [se retrouver dans une de ces situations], mais je n'ai pas besoin de faire les courses chaque jour, je peux me faire une liste. Même si le supermarché est juste à côté, je peux planifier mes courses et n'y aller qu'une fois par semaine. C'est, par exemple, une mesure importante pour réduire le risque personnel de contamination. Il en va de même pour les transports en commun. Les jours où il ne pleut pas et où il ne fait pas froid, je peux sortir mon vieux vélo de la cave. Et s'il grince, on peut huiler la chaîne... Et enfiler une veste épaisse, même si vous ne l'avez pas fait depuis des années.

Hennig: Ou aller à pied si vous avez le temps.

Drosten: Ou peut-être même aller à pied.