vendredi 17 juillet 2020

La PCR. Podcast #21 du 25 mars



Peut-être pouvons-nous éclairer un peu le grand public: le test pour le virus est un test PCR, c'est-à-dire une réaction de polymérisation en chaîne (Polymerase Chain Reaction) . Les informations génétiques du virus sont reproduites, ce qui génère une réaction colorée. En termes simples, que se passe-t-il exactement?

Christian Drosten: Il s'agit d'une réaction dans laquelle le génome du virus est copié et dupliqué. Il s'agit d'une invention de la fin des années 1980, qui a de plus en plus pris le pas sur la mise en culture [...] des bactéries ou virus, notamment en virologie; beaucoup est encore mis en culture en microbiologie. Tout simplement parce c’est à la fois très sensible et très rapide, en termes de processus, et qu’il y a également un haut niveau de spécificité. C’est-à-dire que ce que vous y trouvez est vraiment ce que vous recherchez. Car vous devez mettre de petits morceaux d'ADN, des molécules physiques, dans cette réaction pour reproduire ce qui correspond exactement à ces molécules. Cela signifie: si je veux détecter ce nouveau coronavirus dans la réaction de polymérisation en chaîne, par exemple, alors je dois produire de petits morceaux de ce nouveau coronavirus en laboratoire, sous la forme d'ARN, de petits extraits d'ARN qui sont constitués d'environ 20 bases et qui se fixeront ensuite au génome. Et ils ne peuvent le faire que s'ils sont presque ou complètement identiques dans leur formulation, c'est-à-dire dans la séquence de base, au génome du virus à rechercher. Et s'il y a un autre virus un peu similaire mais quand même différent, cela ne se fera pas.

Korinna Hennig: Cela signifie que les autres coronavirus n’apparaîtront pas de manière incorrecte ici?

Christian Drosten: Exactement. Nous ne détecteront pas les quatre virus du rhume, lescoronavirus humains. Ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons que le test ne soit positif que si ce nouveau virus est vraiment présent.

Korinna Hennig: Le test montre la présence du virus, comme vous venez de l'expliquer, pas la réponse immunitaire du patient. Cela signifie que si j'arrive trop tard, [le test ne sert plus à rien]?

Christian Drosten: Avec cette maladie, au cours de la première semaine des symptômes, les échantillons de la gorge sont très fiables avec la PCR. Et puis, au cours de la deuxième semaine, ils ne sont plus toujours positifs. Ensuite, le patient présente encore des symptômes, mais un frottis de la gorge ne peut plus le prouver. Ce n'est pas parce que le test n'est pas bon, c'est simplement parce que le virus n'est plus présent dans la gorge, mais dans les poumons. Nous savons maintenant que même chez des patients qui ont des formes légères, c'est-à-dire qui remarquent à peine leur maladie, il y a encore beaucoup de virus dans les poumons. Et cela pendant environ deux semaines, voire trois semaines, pour les cas les moins compliqués. Pendant tout ce temps, on peut détecter le virus des poumons avec cette réaction de polymérisation en chaîne. Mais il n’est pas toujours possible de faire cracher un échantillon venant des poumons, de sorte que les écouvillons de la gorge sont en fait l'échantillon le plus courant. Ce qu’on peut faire, mais ce n'est pas encore systématisé, c'est prélever un échantillon de selles. Le virus y est également détectable et pendant assez longtemps, aussi longtemps ou presque que dans les poumons.

Korinna Hennig: Mais ce n’est plus infectieux, nous en avons déjà discuté. Cette infectionpar contact - comme avec les norovirus par exemple - n'est pas une voie de transmission pour le coronavirus.

Christian Drosten: Oui, exactement. Dans nos investigations, le virus est détectable dans les selles. […] Mais il ne semble pas que ce soit infectieux. Nous pouvons dire cela parce que nous mettons le même échantillon en culture cellulaire et voyons ensuite si un virus [se multiplie]. Et ce n'est pas le cas.

Korinna Hennig: Si nous revenons à l'écouvillon de la gorge, et sa variante la plus courante ; il y a parfois des images dans les reportages télévisés de centres de test provisoires, dans lesquels les gens [font eux-mêmes le prélèvement] dans la voiture. Dans quelle mesure est-il important que ce test soit effectué correctement? [Comment faut-il s’y prendre]?

Christian Drosten: Il faut aller au fond de la gorge, il y a en fait deux options. La première esten passant par le nez. Il faut donc passer par-dessus le plancher nasal, et ça fait mal. Vous avez les larmes aux yeux. Il faut aller jusqu’à ce qu’on trouve de la résistance. […] Et l'autre voie est beaucoup plus agréable: tout simplement par la bouche. Mais vous devez vraiment aller au fond de la gorge. Quand vous ouvrez la bouche et regardez dans le miroir, vous voyez qu'il y a le voile du palais. Il ne faut pas prélever devant ce voile, mais [derrière]. Levoile du palais est l'endroit où la luette est attachée. Il faut frotter à cet endroit pour [le prélèvement], car c’est là qu’il y a beaucoup de résidus de virus.

Korinna Hennig: Cela signifie que si le prélèvement [n’est pas bien fait, cela peut donner] un faux négatif, même si le test lui-même est très sensible, c'est-à-dire très sensible?

Christian Drosten: Heureusement, nous avons une bonne marge en termes de sensibilité. Je pense qu'il est peu probable que le virus ne puisse pas être détecté. Surtout si vous faites deux prélèvements, comme c'est le cas avec la plupart des patients, deux écouvillons. [...]

Ce qu’on voit parfois dans ces vidéos ou photos explicatives, [c’est qu’au moement où la photo est prise, l’écouvillon se trouve juste à l’avant de la narine], ce qui suggère que ce serait suffisant, mais ça ne l’est pas. Il faut vraiment passer par le nez jusqu'à atteindre la gorge.

[…]