lundi 6 juillet 2020

Nouvelles infections en Allemagne, clusters, deuxième vague, écoles. Podcast #50 du 23 juin 2020


Nouveaux cas en Allemagne

Korinna Hennig: Nous avons maintenant une situation dans la vie réelle que nous avons déjà discutée sur papier dans les derniers épisodes de podcast: le taux de reproduction a encore augmenté. D’après l'Institut Robert Koch, il serait autour de 2. Cependant, cela n'est pas dû à la propagation du virus à l'échelle nationale, mais à des épidémies dans des zones localisées. Si nous jetons un coup d'œil à la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, aux nombreuses contagions dans une grande entreprise de transformation de viande: pensez-vous encore que la propagation soit maîtrisable?

Christian Drosten: Je pense que des mesures spéciales sont nécessaires dans cette épidémie. Si vous regardez, il y a quelques indicateurs qui indiquent que le virus s'est déjà propagé à la population. Il faut donc s'attendre à un retard dans la détection de cette maladie: les gens doivent d'abord ressentir des symptômes, les prendre au sérieux, puis aller chez le médecin, puis subir un test, puis cela doit être signalé. Et à un moment donné, on sait qu'il y a déjà suffisamment de cas dans la population pour que cela soit inquiétant.

Hennig: Il ne devait pas y avoir plus de 50 nouvelles infections pour 100.000 habitants, c'est la limite définie par la politique pour imposer de nouvelles mesures. Le Kreis de Gütersloh compte désormais plus de 250 cas pour 100.000 habitants. Ce nombre est-il une limite qui a encore du sens d'un point de vue scientifique?

Drosten: Je pense que ce nombre était un accord, un consensus, qui n'était certainement pas scientifiquement justifié. Il est défini en fonction de nos capacités. Je ne sais pas d'où vient le nombre, qui l'a déterminé. Mais je pense que la réflexion de fond était que les autorités de santé locales puissent faire face à la situation. Ici, dans la flambée dont nous discutons actuellement, la Bundeswehr a fourni une aide supplémentaire. Je pense que la chose la plus importante à faire maintenant est d'empêcher que cela s'étende au-delà de cette zone. Nous avons déjà quelques admissions à l'hôpital liées à cette éclosion. Elles peuvent augmenter. Cependant, les capacités thérapeutiques ne sont pas encore dépassées, et les patients, s’ils devaient s’aggraver, peuvent être transférés. Ils ne sont pas obligatoirement traités dans les unités de soins intensifs locales.

À cet égard, il ne s'agit pas d'une situation nationale, mais il faut empêcher une propagation à bas bruit. On pourra le prouver plus tard si cela se produit, en séquençant les virus. Et je suppose que le virus désormais considérablement amplifié - c'est ce que dit le virologue - a généralement certaines mutations, qui n'ont rien à voir avec le changement de fonction, mais qui permettent de le reconnaître, même s'il voyage. Je suppose que dans quelques mois, nous pourrons dire: Ce virus ici en Allemagne, dans ce lieu, nous pouvons l'attribuer à l'épidémie de Gütersloh. Ce sera probablement possible. Je ne peux pas le dire avec certitude, mais il en sera très probablement ainsi.

Hennig: Pour ce qu’il s’agit de faire sur place, les scientifiques conseillent aussi. Votre laboratoire à la Charité est un laboratoire de référence pour les coronavirus, un organisme consultatif officiel. Est-ce que vous conseillez le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie?

Drosten: Non, nous n'avons aucune fonction là-bas. Pour autant que je sache, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie possède également son propre conseil consultatif, dans lequel de nombreuses spécialités sont représentées.

Hennig: Nous avons déjà parlé des conditions dans les entreprises de transformation de la viande (épisode 42). À l'époque, vous avez dit que ce ne sont peut-être pas seulement les conditions de vie précaires qui favorisent l'infection, mais aussi la situation à l’intérieur des entreprises. Ils travaillent physiquement dans un espace confiné. Ceci est également associé à une forte respiration, et le froid joue un rôle majeur. Des températures frigorifiques prévalent dans ces usines. Une épidémie comme à Tönnies est-elle un aperçu de ce qui pourrait se produire en automne et en hiver en raison de la température? Un avertissement, pour ainsi dire, de la vitesse à laquelle cela peut aller?

Drosten: Oui, c'est comme ça que je le vois. C'est donc bien sûr en automne et en hiver quand il fait environ 8°C, comme c'est le cas dans de telles entreprises, mais on sera quand même dehors. Il y a du vent et le virus s’envole, d'accord. Mais en hiver, nous avons également des situations où on se trouve dans des pièces non chauffées sans mouvement d'air. Il peut donc y avoir des zones d'attente sur les quais etc, des arrêts de bus, toutes ces zones froides et non chauffées, mais avec un toit et quatre murs. Ces zones peuvent alors être une situation environnementale qui correspond à ce qu’on a actuellement dans ces usines. Mais je ne pense pas qu'au final que c’est ça qui qui nous mènera à une deuxième vague. Mais je pense que c’est maintenant que nous devons faire très attention au développement d'une deuxième vague. 



Nous voyons dans les États du sud des États-Unis que nous allons vers une situation terrible malgré des températures ambiantes élevées. Les unités de soins intensifs de certaines régions sont déjà pleines. J'ai vu un message ce matin que les hôpitaux pour enfants sont maintenant ouverts aux adultes dans une ville du sud des États-Unis parce que l'hôpital [n’est plus capable d’admettre de nouveaux patients]. Et on peut déterminer à quoi ça ressemblera dans un mois, malgré les températures élevées. Là, la première vague n'a pas été ralentie efficacement, et on a rouvert trop tôt. Bien sûr, c'est quelque chose qui nous est transférable. Nous sommes donc en été maintenant, et nous avons sûrement encore quelques semaines de détente devant nous en termes d'activité épidémique. Mais à la réflexion, ce n'est peut-être pas l'été qui nous vaut cela, mais simplement le calme que nous avons gagné grâce à ce ralentissement très efficace en Allemagne. Nous n'avons pas eu un lockdown drastique, ni trop long. On avait encore une certaine liberté de mouvement. Au moment où les écoles ont fermé, il y avait aussi les vacances de Pâques. C'était donc très, très peu contraignant en Allemagne. Et nous avons quand même réussi à ramener un niveau si bas. Mais nous voyons aussi comment le virus revient maintenant. Et pas seulement autour de [Gütersloh], mais nous avons aussi des signes à Berlin et d'autres endroits en Allemagne que le virus réapparaît.

Hennig: Devons-nous également être attentifs aux conditions de vie? À Göttingen, par exemple, il s'agit d'un immeuble [donc des] couloirs étroits et des ascenseurs. Cela nécessite-t-il plus d'attention?

Drosten: Ce sont des détails. De la même façon, il est important de faire attention d’être assis dehors au restaurant, par exemple. Et si cela se remplit en terrasse, et l'intérieur aussi, et qu’au fur et à mesure le taux d'alcoolémie des invités augmente ... La question est toujours de savoir qui tire la sonnette d’alarme! Bien sûr, personne ne le fait. C’est comme ça que [le virus] se répand. Je ne veux pas dire qu’il faut intervenir directement. Je veux juste dire qu’il faut être très vigilant en ce moment. Je ne pense pas que dans un mois nous aurons toujours cette situation favorable en ce qui concerne l'activité épidémique. Dans deux mois, je pense que nous aurons un problème si nous ne nous remettons pas en alerte, et si nous n’expliquons pas à la population que les autorités sanitaires ont besoin de soutien et de consensus [...] notre grande force au printemps ont été la cohésion sociale et la sensibilisation du grand public.

Hennig: Il est d'autant plus important de revenir sur le thème des clusters, [et des super spreading events, déjà évoqués (épisode 44), à savoir un événement durant lequel] de très nombreuses personnes sont infectées très rapidement en un seul endroit en très peu de temps.


Les clusters

 
Une étude japonaise a examiné plus de 3000 cas de janvier à avril et identifié environ 60 clusters, et est même remonté aux cas index, c'est-à-dire ceux dont l'infection était originaire. Il a ensuite été constaté que les hôpitaux et les maisons de retraite continuent de jouer le rôle le plus important avec 46%. Viennent ensuite les restaurants, les bars, le travail, c'est-à-dire les situations de travail et les événements liés à la musique avec au moins 11 %, c'est-à-dire les concerts, le karaoké, etc. Qu'est-ce que cela nous dit? Quels sont les paramètres les plus importants que nous devrions considérer en tant que consommateurs normaux?

Drosten: Oui, il est intéressant de noter que cela est représenté dans la façon dont ces épidémies de clusters se produisent. Mais je ne voudrais pas tirer trop de conclusions d'une étude qui a été réalisée au début de l'épidémie. Parce que si nous le faisons maintenant, nous regardons vers l'avenir et supposons que nous pouvons le transférer maintenant. Mais la situation a changé entre-temps - dans tous les pays, y compris au Japon et en Allemagne. Si vous pensez, par exemple, que les hôpitaux et les maisons de soins sont les grands générateurs de clusters là-bas: c'est peut-être vrai, à l'époque. Il n'y avait pas encore beaucoup de patients. Bien sûr, cela commence dans le milieu médical, dans des situations non surveillées, où personne ne pensait à ça à ce moment. Là, nous sommes maintenant beaucoup mieux préparés, alors que nous n'y pensons pas pour d'autres domaines de la vie sociale.

Nous avons déjà expliqué dans ce podcast que le virus se diffuse. Il se diffuse dans d'autres classes d'âge, géographiquement, et dans d'autres domaines de la société. C'est pourquoi nous ne pouvons pas escompter que ce que nous vivrons à l'automne se produira comme ce qui a été observé dans les toutes premières études, et cela peut être transféré à de nombreuses choses. Ceci est également transférable à tous ces aspects des études d'observation intra-familiales dont nous avons déjà discuté. C’est pareil pour les écoles. Ceci est également vrai pour les clusters. Bien sûr, un karaoké en Asie est un endroit où vous êtes ensemble dans un espace confiné et où vous chantez beaucoup; vous savez que des aérosols s'y forment, et on y boit aussi beaucoup. Et c'est une situation typique. Seulement, il faut faire attention quand on dit que c'est là que ça s’est produit. Parce qu'on a ensuite le réflexe de dire: dans d'autres situations, rien ne s'est passé. Il faut vraiment insister qu’au début de l'épidémie, rien ne s'est par hasard produit dans d’autres endroits. Mais maintenant que le virus se propage à bas bruit partout - je ne parle pas seulement de l'Allemagne, mais en général, nous voyons des choses complètement différentes dans d'autres pays - le virus apparaîtra partout. C'est pourquoi il vaut mieux penser globalement. Donc pas trop de monde, pas dans une pièce fermée. La désinhibition par l'alcool joue certainement un rôle. Musique forte qui oblige à crier, et donc plus d'aérosols qui se forment. Tout ça n’est pas bon.


Questions diverses
 
Hennig: [...] Le rôle des personnes infectées asymptomatiques est-il peut-être encore plus important que ce que nous pensions à l'origine?

Drosten: C'est relativement difficile à quantifier pour le moment car asymptomatique et présymptomatique ne sont toujours pas vraiment différenciés. Asymptomatique, dans le sens qui ne présente vraiment aucun symptôme durant toute la maladie, c'est quelque chose de très subjectif. L'un va dire: "Je n'ai eu aucun symptôme, je me sentais bien tout le temps". L'autre dira : "Non, mon nez était tout le temps bouché, je pouvais à peine respirer. J'avais aussi mal à la gorge."

Hennig: Que savons-nous de la charge virale et sur le temps d’infectiosité si quelqu'un ne développe aucun symptôme?

Drosten: Certaines études suggèrent que la concentration virale est un peu plus faible et que l'excrétion du virus est un peu plus courte chez les personnes asymptomatiques. Mais je ne voudrais pas généraliser.

Hennig: La saison des voyages approche. Dans cette étude japonaise sur les clusters, il n’y a qu’un seul cluster avec contamination dans un avion. Vous avez de l’expérience du SRAS-1. Il y a déjà eu des transmissions en avion, ou quand une machine est pleine?

Drosten: Oui, il y a des données, également avec le SRAS-1. Mais la transmission de la grippe dans les avions est bien meilleure. De manière générale, la ventilation dans les avions est très favorable à cet égard. Il n’y a pas de propagation dans le sens de la longueur, ce qui est dû au type de flux d'air. On a de bonnes connaissances à ce sujet, que possèdent également les autorités sanitaires, et qui [sont utilisées lorsqu’on doit déterminer les cas contact].

Hennig: Cependant, les évaluations diffèrent un peu quant à l'efficacité d'un tel système de ventilation et des filtres HEPA. Si plus de gens prennent maintenant l’avion, ne vous attendez-vous pas à ce que les contaminations augmentent, aussi parce que tous les sièges sont occupés ?

Drosten: Avec la connaissance que j'ai des conditions techniques environnementales, je m'inquiète plus pour les zones d'attente avant et après le départ, où vous êtes parqués avec beaucoup de gens, [pour un temps plus long que la durée du vol].


Deuxième vague, écoles

 
Hennig: Nous venons de parler des autres pays qui pourraient connaître une deuxième vague. Un pays a attiré l'attention au cours des derniers jours et semaines parce qu'il semblait avoir assez bien maîtrisé le virus, en réagissant tôt - mais maintenant la courbe est à nouveau en hausse: je veux parler d’Israël. Y a-t-il un risque de deuxième vague? Comment évaluez-vous cela?

Drosten: C'est comme nous l'avons déjà dit dans le podcast: cela dépend de nous. Et c'est pareil en Israël. Bien sûr, c'est à nous de prendre des mesures lorsqu’un seconde vague s’annonce. Et puis: qu'est-ce qu'une seconde vague? Comment définissez-vous cela? Ce n'est pas vraiment défini. Je dirais qu'une fois que vous avez vu que l'incidence a baissé d'elle-même, comme en Allemagne, et ne remonte pas immédiatement, on pourrait dire que c'était la première vague. C'était également le cas en Israël. Maintenant, tout a été rouvert, ce qui est comparable à la situation allemande. Et on voit que les cas reviennent. Vous pouvez également voir ce que nous avons toujours dit ici, qu’il y a des flambées dans les écoles, et de façon importante. Et on doit à nouveau fermer les écoles pour contrôler cela. C'est quelque chose que nous devons garder à l'esprit. Et dans la discussion sociale que nous devons avoir cet été, nous devons reconnaître que sur ces questions, ce n'est pas aussi simple que ce que nous pensions, à savoir: que les enfants n'ont rien à voir avec ça.

Hennig: Pouvons-nous apprendre quelque chose d'Israël, en particulier en ce qui concerne le thème de l'école. Que pouvons-nous faire différemment, tant que nous contrôlons la situation?

Drosten: Si je comprends bien - mais je ne fais que lire les journaux - les écoles là-bas ont été ouvertes assez largement en misant sur le contrôle des symptômes chez les élèves, puis ils ont constaté qu’il y avait des cas. Je ne dirais pas pour le moment qu'il s'agit d'une mauvaise approche. Je dirais plutôt que nous avons le cas d'un pays qui s'est très bien comporté lors de la première vague et qui a été très efficace, puis qui a peut-être ouvert un peu plus tôt que le nôtre. Et c'est ce qu’on voit maintenant. J’ai des conversations avec des collègues, par exemple aux Pays-Bas, je sais que les écoles ont été ouvertes un peu plus tôt, mais pas complètement. Il y a d'autres problèmes là-bas. Il a été dit que les élèves présentant des symptômes devaient toujours passer un test PCR, sans quoi ils ne pouvaient pas revenir à l'école. Et ce qui s'est passé est quelque chose qui nous arrivera si nous agissions comme ça (tester chaque élève symptomatique). [Si] l'élève X ne vient pas aujourd'hui parce qu'il doit faire le test PCR, qu'est-ce que ça veut dire? Cela signifie-t-il que parce qu’il s'est assis à côté de nous ces derniers jours, il nous a transmis le virus ? Du coup, tout le monde a peur et en discute. S'il revient le lendemain et dit que le test a été négatif, on se demande alors: Quelle est la signification d'un test de PCR? Et s'il se testait à nouveau? Serait-il encore négatif? Pouvons-nous compter là-dessus? Et il y a des craintes et des discussions. Il existe une sorte de stigmatisation qui est très inconfortable et discriminatoire. Les collègues à qui j'ai parlé m'ont dit qu'après deux semaines en Hollande, ils ont abandonné ce type de test. [...]

Mais cela ne signifie pas qu’il faut de nouveau fermer les écoles parce que vous ne pouvez plus garantir la sécurité ou quelque chose. Et maintenant? Et cette interrogation est là. C'est une interrogation sociale.

Nous devons nous attendre à ce que nous nous heurtions à de telles situations si nous ne nous y préparons pas et essayons d'y répondre à l'avance, également en dialoguant avec les pays voisins qui ont vécu de telles expériences [...]

Le rôle de la science [dans] la société, deviendra plus important que jamais au cours des prochains mois, et sera également très fortement reflété dans le débat sur le climat, par exemple, où il s'agit exactement du même sujet de fond.

Hennig: Si nous revenons sur cette question, que pouvons-nous faire dans les écoles? Nous sommes largement d'accord sur le fait que les enfants ne devraient pas rester sans éducation ou une éducation lacunaire, que des écoles devraient en fait être ouvertes. Faut-il repenser à des méthodes de tests alternatives? Des tests en pooling ou salivaires, ou avec des échantillons de selles?

Drosten: Oui, donc la méthodologie de laboratoire apporte certainement beaucoup de réponses possibles à ce que vous pouvez faire. Mais je pense que les gens y pensent déjà. Avec le fédéralisme, nous avons différentes approches, différents organes consultatifs. Je crois que les virologues et autres experts de chaque Land conseillent actuellement leurs politiciens respectifs sur ces questions. Il y a des réponses techniques, dont nous avons discuté en partie de façon détaillée, jusqu'aux paramètres de performance de ces tests. Quelle est la sensibilité, par exemple, même maintenant avec des tests sérologiques qui arriveront aussi, nous en avons parlé dans le podcast. [...] Nous devons regarder au jour le jour. Et nous devons voir ce qui se passe.

Et nous venons de dire qu'il y a clairement des flambées scolaires en Israël. Nous voyons dans le journal: les écoles de Melbourne sont touchées par le virus, après une période d’accalmie. À Münster, à plusieurs endroits en Rhénanie, maintenant à Dortmund et à Francfort, nous avons eu des cas dans les écoles où il faut regarder de très près pour voir si se sont des flambées ou si ce sont des cas individuels. Nous avons une flambée à Berlin-Charlottenburg, si je suis bien informé. Y a-t-il d'autres contaminations là-bas? Plusieurs élèves et travailleurs scolaires sont touchés en même temps. Cela ne peut s'expliquer que par une contamination à l'école.

Nous avons également discuté de nombreux paramètres environnementaux ici dans le podcast, de la charge virale au taux d'attaque secondaire dans les études intra-familiales, et nous avons également beaucoup discuté de la raison pour laquelle certaines de ces études faites pendant le lockdown ne montrent pas nécessairement ce qu’on verra plus tard. Tout cela parce qu'après le lockdown – avec la recrudescence des cas - le virus se distribue dans différentes tranches d'âge et différentes couches sociales. Nous aurons une situation différente lorsque nous sortirons des vacances d'été. Pour le moment, tout cela conduit à une situation dans laquelle beaucoup de gens sont déstabilisés, car il y a des informations contradictoires. Je crois qu'un citoyen intelligent peut comprendre ce qu'est la charge virale. Ce n'est pas sans raison que nous avons autant d'auditeurs dans ce podcast. […] Ces gens qui réfléchissent ne peuvent bien sûr pas croire les médias qui disent: mais les enfants ne sont pas impliqués. On a même lu quelque part que les enfants ralentissaient le processus d'infection. Il est alors évident, même pour quelqu’un sans formation biomédicale de base, que quelque chose se contredit ici. Et dans cette discongruence, on a le sentiment que des décisions comme la réouverture des écoles sont prises, alors qu'il s'agit d'un événement en continu avec un grand nombre de participants. Cela n'aide pas si certains groupes d'intérêt disent: Les enfants pauvres ne tombent pas malades du tout et ils ont droit à l'éducation. C'est tout à fait vrai. Et bien sûr, ce sont aussi des gens comme moi qui doivent dire: d'une part, je suis citoyen et aussi père de famille et je ne suis pas fou. Mais je suis un scientifique. Et la science est froide. [...] La science n'a pas d'opinion. La science est une situation factuelle. Avec une expérience professionnelle et des connaissances de base, vous pouvez lire des études de manière plus approfondie que quelqu'un qui n'a pas de formation de base. Cependant, nous avons récemment vu que beaucoup de gens qui n'ont pas de formation de base - et parce que je sais que cela sera à nouveau partiellement cité par les journaux: j’exclus explicitement les associations professionnelles de pédiatrie et d'autres qui expriment leurs opinions, ils ont une formation de base.

Hennig: Donc, les pédiatres.

Drosten: Exact. Ce qu’ils disent est tout à fait exact. Mais il y en a d'autres - ce sont vraiment des groupes d'intérêt, qui communiquent également sur les réseaux sociaux de manière agressive qui serait punissable dans la vie normale. Mais sur les réseaux sociaux, dans l'anonymat, c'est possible, et ne sera pas sanctionné. C'est diffamatoire de toute façon. Et cela a un but. Ce sont simplement des gens qui ont clairement un programme, dont certains sont concurrents. Il y a des gens sur les réseaux sociaux qui attaquent le contenu scientifique, sans formation de base, avec de faux arguments parce qu'ils veulent garder les écoles fermées. Et il y a ceux qui argumentent dans l'autre sens avec de faux arguments parce qu'ils veulent absolument que les écoles rouvrent. Peut-être que leur seule motivation est leur situation privée. Moi aussi, j’ai une situation privée, mais je n'en parle pas ici. Nous parlons ici de science.

Hennig: […] nous avons reçu quelques questions à propos de l'étude du Bade-Wurtemberg, parue la semaine dernière, juste après l’enregistrement du dernier podcast. Il s'agissait d'anticorps chez les enfants. Cette étude a également inclus des enfants qui n'étaient pas seulement à la maison, mais qui étaient à l'école et à la garderie. […] Cela n'est-il pas plus significatif avec ces enfants?

Drosten: Tout d'abord, il faut dire que cette étude du Bade-Wurtemberg n’est, à ma connaissance, pas encore terminée. Je crois que l'analyse statistique de cet aspect est toujours en cours. J'ai également entendu (et je dois vraiment dire que j'ai très peu regardé la couverture médiatique de cette étude), mais j'ai vu une partie d'une conférence de presse où j'ai immédiatement compris que les scientifiques qui l'ont présentée ont déjà sévèrement restreint son aspect conclusif.

Je pense que tous les scientifiques qui y participent, y compris ceux qui ont maintenant mené cette étude, savent que de nombreux facteurs empêchent une telle étude d'être représentative de ce que nous discutons actuellement dans la société. L'étude elle-même ne remet pas cela en question. Mais la société s'accroche à une question beaucoup plus large à laquelle cette étude elle-même ne peut répondre. A savoir: pouvons-nous ouvrir les écoles maintenant? Ou qu'en est-il des crèches et des maternelles? La situation chez les tout-petits est-elle différente, oui ou non? Et une étude ne peut pas répondre à une telle question. Il faut toujours se demander: cette étude est-elle faite pour répondre à une telle question? Et la situation du moment, c'est-à-dire le début de l’épidémie, qui est tout sauf représentative de la situation ultérieure, est-elle appropriée? Et nous en avons déjà parlé dans le podcast.
[...]

Hennig: Si nous ouvrons les écoles après les vacances d'été, quelles mesures d'accompagnement devrions-nous prendre?

Drosten: Nous devons discuter maintenant, collectivement, sur la façon de procéder. Nous voulons ouvrir les écoles [et les crèches], sinon la société ne peut pas fonctionner. Mais comment allons-nous le faire si nous savons que même si nous testons beaucoup, on ne fera pas disparaître le virus? Et si on constate que le virus est partout, devrons-nous fermer toutes les écoles? Peut-être que nous ne pouvons pas avoir d'écoles sans virus. Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que cela signifie pour les enseignants? Qu'est-ce que cela signifie pour ceux qui sont parents d'enseignants ou d'élèves et qui ont des facteurs de risque? Qu'est-ce que cela signifie pour la scolarité obligatoire? Ce sont des questions brûlantes que nous devons clarifier maintenant tant que nous ne sommes pas pleinement concernés par le problème, de sorte qu’à l’automne, nous ayons déjà eu ce débat et réfléchi à la question. On doit arrêter de diffuser des choses qui disent: les élèves ne sont pas du tout affectés, donc les écoles peuvent être ouvertes. Je pense que c'est juste de la désinformation. Et cela peut nous retomber dessus. Je pense que ceux qui diffusent cette information selon laquelle les élèves ne sont pas du tout affectés devraient reconsidérer la situation et participer activement et de manière productive à une autre discussion. À savoir: qu'est-ce que cela signifie si nous ne pouvons pas avoir d'écoles sans virus?

Hennig: Donc, une discussion éducative que nous devons mener plus intensément.

Drosten: Je ne sais pas si c'est une discussion éducative ou une discussion médicale. C'est certainement aussi en lien avec la scolaire obligatoire, il y a tellement d'aspects. En tant que virologue, je suis toujours obligé de dire: je ne parle que du contenu de mon sujet, de ma science, pas des autres sciences. Il y a d'autres sciences que la virologie qui doivent aussi s’exprimer. Mais [avec] une connaissance différenciée de la littérature et du contexte des études. Il faut vraiment lire les études, aller plus loin que le titre et le résumé, lire la discussion et la méthodologie.

Mais qu'est-ce que je dis, je n'ai moi-même pas lu correctement l'étude suédoise. Mais après tout, c'était en suédois, c'est une langue que je ne parle pas vraiment. Je vais devoir trouver un traducteur bientôt. D’ailleurs ce n'était pas une étude publiée, mais un rapport d'un institut de santé publique (Drosten fait référence à son erreur dans le podcast précédent). Mais revenons à notre question. Il s'agit d'une discussion dans laquelle la politique doit également être fortement impliquée, et peut-être aussi sans pointer constamment du doigt certaines personnes. C'est grave maintenant. Je pense que nous ne pouvons plus nous permettre ce type de discussions.

Hennig: Avec l'application Corona Warn-App on espère dépister les infections beaucoup plus rapidement afin d'envoyer beaucoup plus de personnes en quarantaine par précaution pour contenir une épidémie s'il y en a une. Mais il y a maintenant pas mal de plaintes car l'application ne fonctionne pas sur les smartphones plus anciens et beaucoup en sont exclus. Pensez-vous toujours qu'elle est efficace ou faut-il réajuster?

Drosten: Je dois dire que ce n'est pas mon domaine. Je ne suis pas informaticien. Il y en a, et ils doivent commenter cela. Je n'ai aucune idée. J'ai un smartphone et l’appli fonctionne. Je peux à peine en dire plus. […] La seule chose que je peux dire est ce que j'ai dit dans le passé: [je crois] que cette application est extrêmement utile. Et nous devons absolument l’utiliser, et qu’on devrait être encore plus persuasif car cela peut vraiment aider à la détection des clusters, à la remontée des cas.

La leçon du Japon: éviter les trois C

Hennig: Monsieur Drosten, vous fournissez principalement des informations générales, et des recommandations concrètes [...] Cet été, de quoi faut-il tenir compte? Le Japon a résumé la prévention par les "trois C" à éviter. En anglais: "espaces fermés" - "lieux surpeuplés" - c'est-à-dire des rassemblements de personnes et "contacts étroits" - c'est-à-dire des contacts étroits avec les autres sans distance. Nous devons éviter ces trois choses. […] Ou y a-t-il autre chose à ajouter?

Drosten: Je suis impressionné par l'efficacité [du] Japon qui, grâce aux connaissances accumulées à l'époque du SRAS-1 - je suis sûr que cela a joué un rôle – a su maîtriser la situation sans lockdown général. Le lockdown est une mesure que l’on prend quand on n’a pas de cible précise; on ferme tout par précaution. Cela a été fait différemment au Japon, avec beaucoup d'intelligence et beaucoup de sécurité dans le processus décisionnel. Je peux juste dire que je suis admiratif. Je ne sais pas non plus ce qui va arriver au Japon. Il faut également en faire le suivi. Cela ne signifie pas que la formule magique a maintenant été trouvée au Japon et qu’elle est gravée dans le marbre. Ici aussi, le nombre de cas peut évoluer, il faudra peut-être réajuster. Mais devant ce bilan intermédiaire, je leur tire mon chapeau

Hennig: À ce stade, nous devons transmettre des informations importantes à nos auditeurs. [...] Nous faisons une pause estivale après l'épisode d'aujourd'hui. Vous aussi, monsieur Drosten, vous devez partir en vacances. Mais bien sûr, pas pendant des semaines, vous avez également besoin d'un peu de temps pour vous consacrer à la recherche. Nous suspendons donc notre podcast jusqu'à fin août. Quelles seront les thèmes les plus importants pour votre équipe de recherche dans les semaines à venir?

Drosten: Nous sommes à un moment où on peut mettre en œuvre des projets plus importants. Je ne peux pas dire que c'est dans un domaine de recherche particulier, mais en ce moment les plans de travail du réseau universitaire sont en cours d'élaboration. Nous sommes impliqués dans des projets; Je ne dirige aucun de ces projets moi-même. Ce sont des projets collaboratifs, où plusieurs universités et hôpitaux universitaires sont impliqués, il y a beaucoup de travail de planification à faire. Nous avons des études moléculaires, biologiques et virologiques moléculaires intéressantes qui traitent de l'interaction avec l'hôte, c'est-à-dire ce que le virus fait à la cellule pour y survivre. Nous avons également des données intéressantes et des études en cours sur le virus MERS. Nous n'abandonnons pas cela, c'est un coronavirus complètement différent, également à potentiel épidémique, commun au Moyen-Orient et en Afrique. Et je m'inquiète pour l'Afrique en général. Un autre grand groupe de mon institut est très impliqué en Amérique du Sud. Une coopération en matière de recherche y est également en attente. Parce que je pense que de l'aide est vraiment nécessaire là-bas.

Hennig: également en ce qui concerne le coronavirus, voulez-vous dire maintenant?

Drosten: Oui, sur les épidémies là-bas.

Hennig: Nous continuons à recevoir des rapports sur la découverte de médicaments et du développement de vaccins. Plus récemment, Oxford a connu des succès en ce qui concerne le dexaméthasone, qui peut apparemment réduire la mortalité. Cependant, cela ne s'applique qu'aux cours difficiles. Y a-t-il des domaines qui vous donnent de l’espoir [concernant] la pandémie?

Drosten: Je dois dire que je me réjouis de chaque succès dans la recherche sur un vaccin. Je sais qu’il faut prendre en considération une certaine temporalité. Mais c'est en fait ce sur quoi nous devons nous concentrer dans la recherche en ce moment lorsqu'il s'agit de contrôler cette épidémie.
[...]

Hennig: Une dernière question personnelle: nous avons maintenant parlé de recherche, mais bien sûr, vous prenez des congés et partez en vacances, au moins un peu maintenant. Prenez-vous vraiment du temps libre? Avez-vous déjà lu un roman ou emportez-vous uniquement de la littérature spécialisée - ou ne lisez-vous pas en vacances?

Drosten: Je lis constamment et aussi d'autres choses, si le temps le permet. Et bien sûr, ce n'est pas différent en vacances.