samedi 4 juillet 2020

Appli, neuropiline, Etats-Unis, enfants : Israël, Suède. Podcast #49 du 16 juin 2020

Appli mobile

Korinna Hennig: M. Drosten, l'application Corona-Warn-App est disponible depuis la nuit dernière, des semaines plus tard que prévu. L'avez-vous déjà téléchargée?

Christian Drosten: Je n’y suis pas arrivé ce matin. Mon téléphone portable était déchargé.

Hennig: Mais vous allez l’installer?

Drosten: Oui, bien sûr, je vais l'installer immédiatement.

Hennig: Il y a quelques semaines, nous avons discuté de l'effet qu'une telle application pouvait avoir. Il y a eu l’étude d'Oxford, du groupe de recherche de Christophe Fraser. Il existe maintenant diverses enquêtes sur la volonté de la population d'installer l'application. Et ce n'est pas comme si 60% disaient: Oui, bien sûr, je le ferai. Certains pensent que cela ne marchera pas, surtout maintenant. 60% était la cible que le groupe de recherche d'Oxford avait déterminé pour que l'application ait vraiment un effet. Qu’en pensez-vous? Avec les faibles taux d'infection actuels, cela vaut-il la peine?

Drosten: Le suivi des contacts doit être particulièrement efficace, compte tenu de l'incidence actuellement faible. […] C’est visible dans les statistiques actuelles. Et plus le traçage est efficace, plus nous pouvons tenir jusqu’à l'automne et l'hiver. Une telle application de traçage est cruciale car nous savons que la transmission est rapide et que, dans de nombreux cas, nous arrivons trop tard avec la remontée des contacts conventionnelle. Lorsqu'il s'agit d'identifier des contacts possibles, la rapidité est essentielle. Si les chaînes téléphoniques doivent démarrer, vous perdez un temps important. Même si une petite partie de la population seulement installe cette application, cela peut faire une différence décisive dans de nombreux endroits.

Hennig: Cela peut-il avoir un effet sur le maintien du taux de reproductions en dessous de 1?

Drosten: Oui, c'est exactement ce que je veux dire. Nous maintenons le taux de reproduction à un faible niveau en gardant une incidence déjà faible et en évitant que l'infection ne se propage à nouveau par grappes. L'identification d'un cluster dépend du fait que vous pouvez identifier rapidement les cas de transmission respectifs - puis également un tel cluster. Rétrospectivement, cela fonctionne également pour le suivi, avec la question: Où cette personne infectée a-t-elle pu être infectée?

Neuropiline

Hennig: Peut-être encore une fois pour rappeler - également pour cet été: Toutes ces mesures, l'application, les masques, la distance, nous le faisons en particulier pour protéger les groupes à risque. Les groupes à risque sont les personnes âgées, mais aussi les jeunes, par exemple s'ils souffrent d'asthme, de maladie cardiaque ou de surpoids. Une étude de modélisation est maintenant parue dans le magazine "Lancet Global Health", selon laquelle un cinquième de la population mondiale aurait un risque particulier de développer une forme sévère de la Covid-19. Nous en savons de plus en plus sur l'évolution clinique de cette maladie, mais pas encore assez. Il est d'autant plus important que la recherche se penche sur la question: comment le virus pénètre-t-il dans l'organisme? Nous avons beaucoup entendu parler du récepteur ACE2, l'enzyme à laquelle se lie la protéine spike sur l'enveloppe du virus, ces pointes qui ont donné son nom au coronavirus. ACE2 est le verrou dans lequel la clé (le virus) entre. Deux équipes de recherche pourraient maintenant se concentrer sur un deuxième verrou, un autre récepteur qui pourrait jouer un rôle: la neuropiline-1. M. Drosten, quel est ce récepteur?

Drosten: Oui, alors il faut s’exprimer avec précaution ; on n'utilise pas nécessairement le mot récepteur, mais on dit que c'est un facteur hôte supplémentaire important. Je dirais comme ça pour l'instant car il n'est pas entièrement clair si le virus est réellement absorbé via cette molécule neuropiline-1. Certaines des données expérimentales en parlent. En virologie, il existe d'autres facteurs hôtes supplémentaires, appelés co-récepteurs, qui ne permettent pas une entrée directe du virus, mais maintiennent d'abord le virus à la surface cellulaire et le rapprochent du récepteur réel. Pour l’expliquer très sommairement. Il existe actuellement deux publications en preprint, qui seront certainement publiées. Ce sont deux groupes de recherche qui arrivent indépendamment à la même conclusion. C'est une molécule relativement répandue sur les cellules du corps mais surtout dans les cellules à la surface des poumons et aussi dans les cellules du nez et probablement aussi les sinus. Là s’exprime une molécule qui s’appelle neuropiline-1. Cette neuropiline-1 possède une certaine propriété de liaison à [toutes sortes de] protéines possibles. En raison de sa [morphologie], celle-ci n'est pas particulièrement adaptée au virus, on peut dire que le virus s'y est adapté dans son évolution - comme c'est souvent le cas avec d'autres molécules réceptrices. Ici, cependant, c'est un motif protéique spécifique qui se trouve dans la protéine de surface du virus SRAS-2. Et cela n'est possible qu'avec le virus SRAS-2, pas avec d'autres coronavirus de type SRAS ou d'autres coronavirus. C'est un motif auquel nous pensons depuis longtemps, à savoir le site de clivage de la furine, c'est-à-dire un motif d'acides aminés, car un certain type de maturation protéique est possible du fait de la présence de ce motif. Nous connaissons également cette maturation protéique dans certains virus de la grippe, dans les virus de grippe aviaire hautement pathogènes, mais aussi dans de nombreux autres virus qui utilisent un type similaire de molécule de surface. Il existe un site de clivage de protéase au niveau duquel une enzyme de traitement des protéines coupe la protéine. Et cette coupe est nécessaire à la conception fonctionnelle, à la maturation fonctionnelle de la protéine. C'est une protéine de surface majeure.

La tâche de cette protéine est de subir certains changements de forme lorsqu'elle s'approche de la cellule ou se lie au récepteur, de sorte que certaines parties de cette protéine peuvent se déplacer librement les unes vers les autres. Et cette mobilité suppose à nouveau que la protéine soit coupée en morceaux. Imaginez un carton à découper où on doit d'abord déchirer certaines zones perforées afin d'en faire quelque chose. Imaginons donc, par exemple, que nous construisions pantin à partir d'une feuille perforée. C'est exactement la même chose avec ces protéines virales. Il y a des parties qui doivent pouvoir se déplacer les unes vers les autres pour que tout fonctionne. Et ces points de perforation sont conçus de différentes manières. Il y a cette différence essentielle entre le SRAS-2 et l'ancien virus du SRAS, ce site de perforation supplémentaire, le site de clivage de la furine.

Hennig: Mais cela signifie qu'il doit y avoir une interaction entre la neuropiline et ACE2. S'agit-il d'amarrage? Ou s'agit-il aussi de la multiplication du virus dans la cellule?

Drosten: On n’a pas de visibilité sur une interaction entre la neuropiline et l'ACE2. Ce n'est pas la question. Mais ce qu’on pourrait avoir en vue, c'est que cette neuropiline reconnaît un certain schéma sur la protéine. Et c'est exactement ce site de perforation, ce site de clivage de la furine. Soit dit en passant, de nombreuses protéines qui ont de tels sites de clivage de la furine se trouvent également dans le métabolisme cellulaire normal, et ces protéines sont liées par la neuropiline. Il est également souvent logique que, par exemple, certains types de facteurs de croissance puissent avoir un effet. Les facteurs de croissance qui remontent par le sérum, puis pénètrent dans l'interstitium, c'est-à-dire dans la zone péricellulaire, et se lient aux cellules qui transportent cette neuropiline, où elles déclenchent des signaux. Par exemple, cela peut être une information pour la croissance du vaisseau et de l'endothélium capillaire. Et maintenant, ce virus a un motif qui lui convient. Et donc il se lie d'abord à la cellule, en plus de l'ACE2. L'ACE2 est la véritable molécule de surface, le véritable récepteur du virus. Et les scientifiques des deux études montrent que la liaison à l’ACE2 est beaucoup plus importante et de grande portée pour l'entrée du virus. Sans l'ACE2, les choses iraient très mal. Mais il semble que certains virus pourraient pénétrer dans la cellule avec seulement cette neuropiline. Mais comme je l'ai dit, cela marche très mal. Cela seul ne ferait certainement pas du virus un pathogène épidémique. Cependant, cette disponibilité supplémentaire de neuropiline, en particulier sur les muqueuses des voies respiratoires supérieures, aurait pu être le point de changement décisif quant à la façon dont ce virus du SRAS-2 a acquis cette transférabilité via les voies respiratoires supérieures et est ainsi devenu finalement un agent pandémique.

Hennig: Encore cette question: s'agit-il aussi de la multiplication du virus dans la cellule?

Drosten: Oui, bien sûr, il s'agit du cycle de propagation. L'entrée cellulaire est l'une des étapes les plus importantes du cycle de reproduction du virus. Et il est rendu plus efficace, le virus peut mieux pénétrer dans la cellule. Plus de virus à la fois - c'est ce que vous pouvez imaginer. Par cette présence supplémentaire d'un autre, disons, facteur d'attachement à la cellule.

Hennig: Nous avons dit qu’il y a deux études. Une étude vient principalement de Bristol, l'autre de Munich - avec la participation d'autres chercheurs. L'une des deux études traite également de la façon dont le virus est transporté vers le système nerveux central. Nous en avons déjà parlé, les changements dans l'odorat et le goût indiquent que le virus va dans cette direction. Quel rôle joue cette neuropiline-1?

Drosten: Cette neuropiline est clairement prononcée sur les surfaces de l'épithélium olfactif du nez. Dans le bulbe olfactif, il y a un petit trou dans le crâne osseux qui est traversé par les fibres olfactives. Ce serait l'entrée du virus dans le système nerveux central, ce qui est favorisé par la liaison à ce « récepteur » de neuropiline.

Hennig: Cela peut-il avoir un impact sur la recherche sur les médicaments? Afin de perturber cette interaction?

Drosten: Exactement. En principe, toute nouvelle connaissance concernant l’interaction d’un virus avec la cellule est toujours une cible pharmaceutique potentielle. On peut alors envisager de concevoir ou de cribler une molécule à partir d'une collection de différentes molécules candidates, ou de cribler pour vérifier si cette interaction entre le virus et la cellule peut être délibérément perturbée. Une chose doit être gardée à l'esprit: une molécule comme la neuropiline est utile pour l'état de base de la cellule et le fonctionnement normal du corps. Il y a toujours un compromis entre les avantages et les inconvénients. La question est donc toujours: si vous interrompez une telle interaction, à quel point perturbez-vous le fonctionnement du métabolisme normal du corps? Et ces deux études ne fournissent pas encore de réponse. C'est vraiment au tout début. Il s'agit de recherche fondamentale, c'est une indication qu'il y a une nouvelle interaction qui doit être aprofondie maintenant. Seuls les anticorps monoclonaux ont été testés ici. Vous pouvez aller beaucoup plus loin avec des substances plus petites qui atteignent mieux ces surfaces qu'un anticorps. On peut maintenant essayer de faire des études. Tout d'abord, des études biologiques biochimiques et moléculaires, qu’on peut tester sur des modèles animaux pour voir s'il y a des effets secondaires.

Hennig: Des anticorps produits artificiellement pourraient-ils jouer un rôle? Nous avons déjà abordé le principe de la vaccination passive ici.

Drosten: Oui, c'est une stratégie de base qui est actuellement choisie. Non seulement ici contre cette neuropiline ou contre le site d'interaction, mais aussi contre le récepteur se liant à l’ACE2 avec des anticorps monoclonaux, mais aussi contre la protéine de surface, le virus directement. De nombreuses études sont actuellement en cours et des anticorps très prometteurs ont déjà été trouvés et publiés.

Nouvelle vague aux États-Unis

Hennig: Parlons d’un deuxième sujet majeur que nous avons déjà abordé ici plusieurs fois, celui des enfants. La règle qui s'applique actuellement en Allemagne est que tout le monde doit retourner à l'école après les vacances. Cette semaine, il s'agira d’en préparer les conditions. Vous et moi, M. Drosten, avons des enfants. Mais nous ne le faisons pas parce que nous faisons un podcast uniquement pour les parents, mais en vue de l'évolution de la pandémie, de l'épidémie. La question liée à l'âge n'est pas encore résolue. Pourquoi ce sujet est-il si important dans la vue d'ensemble?

Drosten: Pour le moment, en Allemagne, nous nous concentrons déjà clairement sur la prévention des épisodes majeurs, la prévention des événements de super-propagation. Nous en avons parlé plusieurs fois. Grâce au traçage des contacts, nous sommes maintenant en Allemagne dans la situation confortable où nous pouvons réellement nous concentrer sur la prévention de ces clusters et nous pouvons à juste titre espérer qu’en étant très attentifs, nous pourrons traverser l'automne et l'hiver sans entrer dans quelque chose comme une deuxième vague. En ce moment, il y a des débats publics pour savoir s'il y aura une deuxième vague, oui ou non. Et dans les débats plus éclairés à ce sujet, permettez-moi de le dire, on en arrive souvent à la conclusion que cela dépend de nous. Ce n'est pas une constante naturelle qu'une deuxième vague arrive et que nous soyons sans défense contre elle. Nous sommes maintenant dans une situation où nous pouvons le contrôler.

À ce stade, je tiens également à dire pour comparer, car on doute toujours toujours beaucoup: nous n'avons qu'à regarder aux États-Unis, où la situation est très transparente, où nous n'avons pas ce manque de déclarations de cas, comme au Brésil ou en Inde où on ne peut que deviner ce qui s’y passe. Nous avons vraiment un système de signalement actif aux États-Unis. Nous avons environ la moitié des États américains qui ont connu des restrictions relativement longues, comme en Allemagne, et certains en ont encore.[...] Et cela a pris beaucoup plus de temps que chez nous car les mesures ont été prises beaucoup plus tard. Mais d'autres États ont levé les mesures relativement tôt, ils ont desserré les freins trop tôt, et le nombre de cas est immédiatement remonté. [...] Immédiatement, c'est-à-dire avec la latence attendue de deux à trois semaines après l'assouplissement, les nouveaux cas montent à nouveau en flèche. [...] Nous sommes dans une situation sociale très difficile là-bas. Parce que, comme chez nous, bien sûr, personne ne veut revenir à ces vastes mesures de lockdown et leurs dégâts économiques.

Alors ce "Le marteau et la danse". Pourquoi la danse ne fonctionne-t-elle pas? La réponse est sûrement que l'incidence n'a pas été ralentie au point que les événements de sur-propagation puissent être ciblés et ignorer les transmissions individuelles qui ont lieu en arrière-plan. Pour qu’on puisse vraiment se concentrer sur ces événements de super spreading. Parce que c'est beaucoup plus tangible et que vous pouvez intervenir très rapidement grâce à une quarantaine plus importante. Cependant, cette stratégie ne fonctionne que si les autorités sanitaires sont en mesure de suivre tous les clusters, et tant que le nombre de clusters dans la population ne s’est pas multiplié pour être laissé de côté.

Nous ne pouvons qu'espérer que nous puissions maintenir [cela] en Allemagne aussi longtemps que possible. Pour le moment, bien sûr, l'été nous aide. Mais à l'automne, nous aurons un grand changement, à savoir que les écoles et les garderies devront être complètement rouvertes. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous ne pouvons pas contourner cela, pour des raisons sociales. Nous sommes maintenant dans une phase de test, où on rouvre les écoles juste avant les vacances d'été, et si quelque chose se passe mal, [on peut y réfléchir pendant les vacances]. On pourrait se retrouver dans cette situation dans quelques semaines. Je ne l'espère pas. Ce sont des événements en partie stochastiques, donc c’est une coïncidence statistique si cela se produit ou non. Mais imaginons que cela soit géré à la légère, avec une situation où en septembre toutes les écoles sont ouvertes dans tous les Länder, en classes entières. Nous savons qu'il n'est pas réaliste pour des écoliers et surtout de petits enfants d'adhérer aux règles de distanciation sociale, [ou de] porter un masque tout le temps ; cela ne sera tout simplement pas respecté. Et bien sûr, la question est: qu'est-ce que cela signifie alors? Et c'est pourquoi nous avons fait plusieurs épisodes de podcast à ce sujet.



Les enfants: étude israélienne
 
Hennig: […] ce que nous ne voulons pas, c'est une école qui fonctionne en on/off, c’est-à-dire qui fermerait complètement avant de faire revenir tous les élèves. Il faut regarder plus loin: quelles mesures sont nécessaires pour organiser un fonctionnement relativement normal? L'une des questions auxquelles on essaie de répondre est la suivante: dans quelle mesure les enfants sont-ils réceptifs au virus? Comme il y a tellement d’asymptomatiques, nous ne le savons pas vraiment. Et à quel point sont-ils contagieux lorsqu'ils sont infectés? Il existe diverses études, dont une d'Israël - de plus de 600 ménages avec des résultats de test positifs. Cependant, on a travaillé avec un modèle stochastique, avec des probabilités, et non en laboratoire pour comprendre qui a infecté qui. Comment ont-ils fait exactement?

Drosten: Oui, c'est une étude purement épidémiologique. Et ce qui vient d'être montré ici, c'est: Qui dans la famille a commencé à ressentir des symptômes en premier? Et quand les autres ont-ils eu des symptômes? Et de cela on en a déduit: qui a infecté qui? Et à partir de là, on peut bien sûr calculer combien d'enfants ont une infection. Et combien d'enfants ont transmis une infection. Cela signifie que nous pouvons faire une dérivation et faire la différence entre la réceptivité et l'infectiosité.

Hennig: Il s'agit d'une banlieue de Tel Aviv, Bnei Berak. C'est une zone très densément peuplée. Il y a de nombreuses familles juives orthodoxes, avec de grands ménages et de très nombreux enfants. Peut-on encore comparer à notre situation?

Drosten: Je dirais que c'est une situation d'étude particulièrement bonne à cause des grands ménages. Il faut préciser que cette étude a été réalisée une fois de plus dans une situation où nous étions en lock-out. Cela signifie que les enfants ne sont pas allés à l'école ou à la crèche. Je crois que les écoles étaient ouvertes peu de temps au début, si j'ai bien compris en lisant. Mais fondamentalement, on a ce cas: cette étude et d'autres études aussi, en principe presque toutes les études disponibles, souffrent de l'artefact, du fait que les enfants ne peuvent être infectés que dans les familles parce qu'ils ne sont pas du tout allés à l'école ou ailleurs. Ils sont à la maison. Cela signifie que nous avons des études de transferts intrafamiliaux. [...] Ici, nous avons maintenant beaucoup de familles qui ont un plus grand nombre d'enfants. Il y a donc en fait des ménages d’une dizaine de personnes. Et il y avait beaucoup de ménages de deux personnes dans la minorité. Et il y a quelques ménages où il y a quelques enfants en plus, de sorte qu’on se rapproche un peu d'une situation comparable [à une configuration scolaire].

Hennig: Et le résultat montre des données différentes pour cette question. D'une part pour la sensibilité du virus et d'autre part pour la question: dans quelle mesure un enfant infecté est-il contagieux par rapport à un adulte? Peut-être pourrons-nous en discuter tour à tour. Les enfants sont 45 % aussi sensibles au virus que les adultes. C'est le résultat de l'étude. Est-ce à peu près ce que vous attendiez?

Drosten: Je dois dire que je n'ai aucune attente en ce qui concerne ce sujet des enfants. Il est vrai que de nombreuses études indiquent simplement qu'il semble que nous ayons moins d'enfants infectés. Point. Parfois, cela est basé sur la séroprévalence ou parfois sur des tests PCR, parfois uniquement sur les symptômes. Et dans chaque cas, il y a toujours le gros problème: c'était pendant le lockdown. Il n'y a pratiquement pas d'observation sans lockdown. Même en Chine, c'était les vacances de printemps, les vacances du Nouvel An, quand ça a commencé. Christophe Fraser, un des modélisateurs épidémiologiques de premier plan, a un jour résumé qu'il n'y a eu probablement qu'une quinzaine de jours à travers le monde pour observer cette situation. Il n'y a personne à blâmer pour cela. En tant que scientifiques, nous luttons pour la connaissance et essayons d'aborder ce problème de différentes manières. Nous avons discuté d'une étude de Zhang et al. à un moment dans le passé, qui est maintenant publiée dans "Science". Et là, on a examiné les matrices de transmission enregistrées avant la pandémie et on les a mises en relation avec les taux d’attaque secondaires dans les ménages. Et on a vu que les enfants étaient touchés aussi souvent que les adultes. Mais si on regarde la matrice de transmissions et qu’on se demande combien de fois les enfants ont eu l'occasion de s’infecter, alors on doit dire que les enfants ont beaucoup plus de contacts. Et on doit expliquer que les enfants sont moins sensibles à la maladie que les adultes. Et cela correspond également à ce que l'on trouve ici dans cette étude israélienne. Ici aussi, les auteurs concluent que les enfants ne sont à 45% aussi sensibles au virus que les adultes. C'est à peu près le même ordre de grandeur que dans cette très bonne étude chinoise. Et à cette époque, j'avais déjà dit: c'est ma nouvelle hypothèse de travail. Et cela n'a pas changé [...] Au moment où nous avons publié notre étude sur la charge virale, j'en ai discuté le même jour et j'ai également souligné que cette étude existe. C'est mon point de vue depuis lors et je trouve très intéressant que cette étude le confirme.

Mais peut-être devrions-nous parler ensuite de l'autre côté de l'équation, l'infectiosité. Quelle quantité de virus peut excréter un enfant? Encore une fois, nous avons fait une comparaison sur la base de notre étude sur la charge virale à l'époque et avons dit: Nous ne pouvons pas documenter cela statistiquement, mais il y a peut-être un peu moins de virus chez les enfants les plus jeunes. Et puis nous avons fait une post-analyse statistique avec des méthodes plus fines et avons pu démontrer cette différence. Dans le cas des plus petits, cela se situe dans la plage d'un demi-niveau log, soit environ un tiers de la charge virale. Et ce n'est pas une différence pertinente d'un point de vue virologique. On a beaucoup d'expérience avec les charges virales pour l'évaluation des maladies. Et avec un demi-cran logarithmique de différence, on commence à y réfléchir. Mais la plupart du temps, cela n'a aucune pertinence clinique. Et puis, dans la révision de notre étude, j'ai également écrit une discussion très détaillée à ce sujet et utilisé une analyse de la littérature pour expliquer ce que cela signifierait par rapport à la transmission de la grippe, où il existe de bonnes données de Hong Kong sur les transferts dans les ménages. Et la conclusion est que si cela avait un quelconque effet, une si petite différence de charge virale serait certainement de l'ordre de moins de 20%. La différence serait de savoir si un enfant infecte dix personnes ou seulement neuf. Et bien sûr, je pense que tout le monde comprend intuitivement que ce n'est pas quelque chose qui ferait une différence pour une décision politique, par exemple. À mon avis, c'est une différence très mineure.

Et il est intéressant que les auteurs de cette étude israélienne disent aussi: Selon leurs calculs, les enfants sont peut-être 85% aussi infectieux que les adultes. Donc, là encore, il y a cette différence numérique. Nous pouvons vraiment dire clairement que cela signifierait qu'un adulte infecterait en moyenne dix personnes et un enfant infecterait en moyenne huit personnes et demie. C'est aussi simple que cela ici. Est-ce pertinent? Est-ce une différence pertinente? À ce stade, je dirais, laissez la société et la politique décider. Et demandons autre chose aux scientifiques. Et si nous devons ouvrir les écoles, pour des raisons de protection de l'enfance, de soins, d’employabilité des parents etc, alors bien sûr, vous pouvez demander au scientifique: que faire maintenant? Quels outils la science nous offre-t-elle pour contrer ce danger? [...] bien sûr, il y a beaucoup à faire, par exemple dans le domaine des tests, mais aussi dans d'autres domaines. Et c'est plutôt à cela que la politique devrait penser ces semaines-ci, non pas "si" il faut rouvrir les écoles et les crèches, mais au "comment". Comment sécuriser l'ouverture en automne et en hiver afin qu'il n'y ait pas d'énormes épidémies. Et idéalement, que vous n'ayez pas à mettre en quarantaine des écoles entières, mais seulement une seule classe ici et là.

Hennig: Mais il y a aussi une observation spéciale dans cette étude. Autrement dit, les enfants de moins d'un an semblent (davantage**) susceptibles d'être infectés que les enfants âgés de un à quatre ans. Quelle pourrait être l'explication? Une immunité croisée chez ces enfants de un à quatre ans à cause d'autres virus du rhume?

Drosten: Oui, il y a différentes explications pour ça. Je ne sais pas du tout si les auteurs le disent si clairement. Mais il y a un modèle explicatif: Dès la première année de vie, on voit régulièrement des rhumes chez les enfants. Parce qu'après le dixième, le douzième mois de vie, l’immunité post-natale a disparu. Cela signifie que les enfants ont reçu de la mère à travers le placenta [des anticorps]. Et cela dure un an. […] Puis on pourrait penser qu’on a davantage de coronavirus des rhumes communs dans les groupes d'enfants. Et une protection croisée pourrait faire en sorte que les enfants contractent moins ces maladies, moins cette infection par le SRAS-2.

Et maintenant, on pourrait imaginer qu’en approchant de l’âge adulte, les rhumes deviennent moins fréquents, la population est moins protégée et le virus du SRAS-2 a un impact plus important. Peut-être. Il y a une observation qui ne le confirme pas. Il n’a pas encore été possible de démontrer que les adultes qui ont eux-mêmes de jeunes enfants sont moins susceptibles de contracter le virus du SRAS-2. Parce qu'ils ont tout le temps un rhume. Les petits les ramènent à la maison et les parents sont constamment enrhumés et ont plus souvent des infections à coronavirus. Donc, l’explication est un peu bancale. On pourrait également supposer que des choses très différentes entrent en jeu. Il n'y a peut-être pas du tout de protection croisée, au contraire. Les anticorps dirigés contre d'autres coronavirus aggravent la maladie. Il y a aussi des raisons de craindre quelque chose comme ça sur la base d'expériences vaccinales, notamment en médecine vétérinaire. Nous ne savons pas grand-chose sur les humains, mais les humains ne sont que des animaux.

Cela signifie que la considération serait complètement différente: les maladies à coronavirus préexistantes ne nous protègent pas, mais nous rendent encore plus sensibles. Les enfants n'ont pas autant de maladies préexistantes et sont donc moins sensibles. Mais les très jeunes enfants, ayant les anticorps de leur mère, seraient en fait en danger à cause de l’immunité postnatale. Et c'est pourquoi vous voyez plus d'infections à coronavirus avec le SRAS-2. Et puis à l'âge adulte, lorsque ces anticorps (de fond) s'accumulent à nouveau, avec un nombre croissant d'infections à coronavirus subies dans la vie, nous avons à nouveau cette prévalence de fond sensibilisante en anticorps. Il s'agit donc d'une contre-hypothèse qui n'a pas été réfutée. Et cela va occuper l'épidémiologie et peut-être bientôt aussi la virologie expérimentale pendant très longtemps. Et nous devons en rester là avec cette considération. Nous ne pouvons pas expliquer cela. Mais il y a cette observation intéressante, qui pourrait malheureusement s'expliquer hypothétiquement de deux manières concurrentes.

Mais peut-être devrions-nous redire que cette étude, comme presque toutes les autres études épidémiologiques, laisse de grandes incertitudes. Et peut-être parler d'une autre observation, la façon dont l’infection se répartit dans la population. Mais tout d'abord: c'est exactement la même chose avec cette étude qu'avec de nombreuses autres études d'observation des familles ou des ménages, on doit d'abord reconnaître le ménage comme étant infecté, pour l’inclure dans l'étude. Et là encore, comme partout dans le monde, quelqu'un doit d'abord être testé. Et il n'est pas testé pour le plaisir, mais parce qu'il présente des symptômes. Cela signifie que le critère d'inclusion dans cette étude est qu'une personne présente des symptômes dans le ménage. Si quelqu'un a des symptômes, il a été testé. Si cela était confirmé, le service de santé est allé échantillonner l'ensemble du ménage - avec la PCR du prélèvement de gorge - aucun examen sérologique n'a été effectué.

Dans de nombreuses autres études, seuls les patients symptomatiques ont été testés. Et ce qui est particulièrement bien avec cette étude, c'est que tous les membres du ménage ont été testés, en particulier dans ces familles nombreuses. [...] Maintenant, bien sûr, nous savons que 80% des adultes ont des symptômes. Mais les enfants, je dois estimer grossièrement, peut-être 20, 30, 40 %. En conséquence, la probabilité qu'une telle enquête commence par un cas grave chez un adulte est bien sûr très élevée. C’est évident.

Nous avons 150 ménages, qui ne sont que des ménages de deux personnes. Je suppose qu'un ménage de deux personnes dans une zone où presque tous les résidents sont des juifs orthodoxes, [sont] grand-mère et grand-père. Et moins un parent seul avec un enfant. [...] nous devons juste réaliser que cela entraîne une coloration inévitable. Une autre chose qui doit être soulignée, [...] c'est que c’est un groupe de modélisation et non un groupe de chercheurs de terrain. Mais nous avons également des informations sur les symptômes ici. Et pour les adultes, tout est très réaliste. 88 % des adultes testés positifs présentaient des symptômes - à l'aide d'un questionnaire. Et il y a aussi des symptômes légers. Là, vous pouvez penser que c’est exact. En revanche, il y a quelque chose de très visible chez les enfants. 72% des enfants testés positifs pour la PCR étaient symptomatiques. C'est trop. Cela me dit que les enfants ont été négligés dans l'étude. Parce que si vous testez autant d'enfants, il y a 512 enfants positifs, il ne devrait pas y en avoir autant.

Hennig: D’après ce que nous savons sur la fréquence à laquelle les enfants développent des symptômes.

Drosten: Exactement. Et parce que nous ne pensons pas que les parents ont imaginé les symptômes de leurs enfants, je suppose que ce nombre est 512 trop faible. Les enfants positifs ont probablement été négligés dans les PCR de ces ménages. Et comment est-ce possible? Très simplement. Ce sont des études de recherche sur les ménages qui durent des semaines. Ces ménages ont été étudiés pendant deux ou trois semaines et ont été échantillonnés. Et nous savons de plus en plus que les enfants ont le virus dans la gorge, mais tout comme chez les adultes, le virus disparaît de la gorge au bout d’une semaine. Quand vous avez vu beaucoup de données sur les enfants, on peut penser que les enfants peuvent même avoir le virus dans la gorge quelques jours de moins. Cela dit, je pense qu'il y avait de nombreux cas où vous aviez un adulte présentant des symptômes au début de l'examen. Et il y avait aussi un ou deux enfants dans le ménage qui présentaient des symptômes bénins. Mais ils ont été négligés. L'adulte a donc eu des symptômes. L'adulte est testé. Vient ensuite le suivi. Jusque-là, au moins sept ou dix jours se sont écoulés, peut-être même un peu plus. Et les enfants qui ont été infectés au début peuvent même avoir eu des symptômes. Peut-être ont-ils même dit au service de santé qu'il y avait aussi des enfants qui présentaient des symptômes. Peu importe, ils ont tous été testés. Et puis le test PCR a été négatif.
[...]

Il y a une nouvelle étude qui vient d'être publiée, en Corée du Sud, dans "Emerging Infectious Diseases", qui montre que, comme les adultes, le virus est excrété dans les selles pendant une période de temps considérablement plus longue. Nous l'avons déjà montré dans notre publication Nature sur le cluster de Munich. Et d'ailleurs, les selles ne sont pas contaminantes, mais simplement détectables par PCR. Si vous aviez testé ces enfants dans cette étude israélienne en utilisant un échantillon de selles, je pense que le résultat aurait été très différent. Je dirais que [...] les enfants et les adultes sont également sensibles, probablement aussi infectieux. C'est juste une intuition. Je ne peux pas l’objectiver. Je peux seulement dire, sur la base de mon expérience, quand je regarde ces chiffres, et je ne fais pas que regarder des chiffres sans rien connaître de la maladie, mais je sais aussi quelle est la cinétique de l'excrétion. Je sais quand le virus se propage où dans le corps. Je sais comment cela est particulièrement accentué chez les enfants. Je sais comment fonctionnent ces études sur les ménages, où il y a des retards, quand sont faits les prélèvements. Je considère tous ces éléments. Et mon impression générale est: la différence n'est probablement due qu'au prélèvement dans la gorge.

Vous pouvez prélever au rectum avec un coton-tige, l'enfant ne s'en aperçoit pas du tout, ce n'est pas douloureux du tout. Et contrairement à un frottis du nasopharynx, il n'y a certainement pas de pleurs. Il s'agit en fait d'une excellente recommandation pour de telles études, qui devraient être suivies à l'avenir. Le résultat aurait été différent.


La situation en Suède

Nous avons un pays en Europe où nous n'avons pas eu de fermeture d'école, à savoir la Suède. En fait, ce n'est pas tout à fait exact [puisque le secondaire était fermé]. Et on a su de façon épisodique que des moitiés de classe étaient malades et restaient à la maison. Même dans ces jeunes années scolaires. Mais les Suédois l'ont géré relativement sans souci car les enfants présentent des symptômes moins graves. Ils ont le nez qui coule, et cela n'a dérangé personne. Mais maintenant, le réflexe est apparu dans de nombreux pays: nous devons maintenant voir ce qui se passe avec les enfants. Et le premier réflexe est: Eh bien, regardons les anticorps. Et le problème est toujours: ces études d'anticorps, dans lesquelles vous comparez des adultes et des enfants, ont toujours été créées durant le lockdown, quand les enfants ne peuvent avoir été infectés qu'à la maison. Et tout ce que vous voyez, c'est l'activité d'infection dans les ménages, quand les enfants sont à la maison et ne rencontrent pas d'autres enfants pendant que les adultes font leurs courses. Qui sont, bien sûr, plus susceptibles d'avoir été infectés dans leur activité professionnelle ou en voyage, dans leur groupe d'âge, parmi leurs collègues et connaissances. Et puis nous voyons ces différences de séroprévalence. Les adultes ont plus d'anticorps, peut-être deux fois plus que les enfants. Et on se demande: qu'est-ce que ça veut dire? Et vous devez toujours dire que nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas interpréter cela parce que les enfants n'avaient aucune chance d'être infectés. Et c'était différent en Suède. En Suède, les enfants ont eu, je ne veux pas dire la même chance car, comme je l'ai dit, les écoles secondaires étaient également fermées. Mais les plus jeunes millésimes avaient une chance égale d'être infectés. En Suède, le test de séroprévalence a également été particulièrement bien fait. Et en passant, je veux aussi plaider en faveur de l'épidémiologie suédois. Le pauvre Anders Tegnell en particulier est critiqué en tant qu'individu.

Hennig: L'épidémiologiste en chef.

Drosten: Bien sûr, c'est une situation terrible qu'il ait été laissé seul. Aussi par la politique. Parce que, bien sûr, en tant que scientifique, il n'a pas pris de décisions seul. Il n'a probablement pas pris une seule décision, juste conseillé. […] Tout comme nous, les scientifiques allemands, il n'a jamais donné de conseils politiques en tant qu'individu, mais toujours dans des groupes consultés par les politiciens soit simultanément - c'est généralement le cas - soit indépendamment. C'était comme ça ici en Allemagne. Et pour revenir au sujet: des groupes comme celui d'Anders Tegnell font des études épidémiologiques particulièrement bonnes. Nous savons que l'épidémiologie appliquée est particulièrement bonne en Suède.*

Et une étude sur la séroprévalence dans la population normale vient d'être réalisée en Suède. […] Nous avons une séroprévalence de 2,9 % dans la population normale, les 65 à 95 ans, c'est-à-dire ceux qui sont en fait les plus touchés par la maladie. Cela correspond à ce que nous voyons et attendons dans les pays européens. Nous sommes même un peu plus bas en Allemagne en moyenne. [...] Ensuite, la grande et large population adulte, âgée de 20 à 64 ans, 6,5%. C'est donc beaucoup plus que chez nous. Deux messages : Premièrement, il y a eu pas mal d'infections. Deuxièmement: Malheureusement, on est encore très loin de l'immunité collective. Donc, ce concept suédois, l'immunité collective jusqu'à la fin du mois de mai, je ne sais pas si vous pouvez le voir de manière aussi optimiste. Soit dit en passant: la période d'enquête s'est déroulée du 11 au 17 mai, durant laquelle les échantillons ont été prélevés. Il s'agit donc d'une véritable étude transversale à un moment où l'ensemble de l'action ne s'est étalé que sur une semaine. Et la chose étonnante est: 6,5 % des adultes. Et maintenant pour les enfants entre 0 et 19 ans: 7,5%. Donc plus que chez les adultes.

Hennig: Mais pas beaucoup plus.

Drosten: Pas beaucoup plus. Ce serait la meilleure ! Mais au moins, ce n’est pas moins. Et nous devons toujours intégrer le contexte, car sinon, toute personne capable de lire pourrait prendre une étude scientifique et la traduire directement en décision politique. Et c'est exactement ce que nous ne pouvons pas faire. Nous avons besoin de l'expérience scientifique. [...] Et je dois simplement dire: ce que je viens d'expliquer ici est mon expérience professionnelle, que j'intègre ici. Et avec cette expérience, je pense que cette étude suédoise me pousse à observer de manière critique la réouverture sans restrictions des écoles après les vacances. Je ne vois pas pourquoi cela devrait être différent en Allemagne qu'en Suède. Et nous voyons en Suède: Même lorsque le lycée est partiellement fermé, après une période d'activité épidémique nous avons même un peu plus de séroprévalence chez les enfants que chez les adultes. Alors pourquoi devraient-ils être moins réceptifs ou moins contagieux? Bien sûr, ils ont plus de possibilités de contact à l'école, c’est clair. Mais nous ne pouvons pas le calculer.

Hennig: Cela signifie que si nous considérons ces différentes approches de la question de l'âge - sensibilité, infectiosité et charge virale - ce que vous avez fait dans votre étude, ce qui se produit également dans l'étude sud-coréenne, alors on peut conclure que ce n'est tout simplement pas très différent entre les enfants et les adultes.

Drosten: Exactement. En termes de charge virale, notre étude n'est plus la seule. Il existe plusieurs études qui confirment exactement ce que nous voyons [et qui] ont parfois des charges virales très élevées chez les enfants, plus que nous. […] Pour moi en tant que virologue, ces données sur la charge virale ont été très révélatrices sur la base de toute mon expérience professionnelle - et tous les autres virologues cliniques le verront de la même manière. Quelques statisticiens ont déclaré que ces données n'avaient aucun sens, mais nous voulons maintenant insister sur la précision de la méthode. [...] Tout cela appelle simplement à la prudence. En même temps, bien sûr, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas ouvrir les écoles. Ce n'est pas ce que disent les scientifiques. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Au contraire. Je dis oui, bien sûr, nous devons rouvrir les écoles pour des raisons sociales. Mais je dis aussi que nous devons ouvrir l’Å“il. Nous devons absolument faire face à la situation avec des normes scientifiques et nous assurer de reconnaître très tôt les épidémies imminentes.

Et peut-être, pour conclure: le rapport de situation de l'Institut Robert Koch montre un graphique avec une nouvelle mise à jour environ une fois par semaine, qui compare la distribution des différentes cohortes d'âge dans la nouvelle incidence. [...] Et la semaine dernière, il y a eu une situation dans laquelle les groupes d'âge jusqu'à 20 ans - c'est-à-dire ce que vous considéreriez généralement comme des enfants et des adolescents, c'est-à-dire les années d’âge scolaire - se sont maintenant établis à environ 20% d'incidence. Et c'était complètement différent avant. Nous voyons que depuis mi-mars environ, cela a augmenté de façon presque linéaire. De quelques pour cent à 20 % maintenant. Et ces 20% représentent à peu près la proportion de ce groupe d'âge dans la population. Cela dit, au début de l'épidémie, nous avions simplement enregistré ce virus dans les populations d'âge moyen. Et dans les semaines qui ont suivi, ça s’est propagé dans les groupes âgés ; principalement des flambées dans les maisons de repos. Cela a été maîtrisé. [...]

On peut dire que le mouvement de diffusion du virus dans la population est maintenant terminé. [...] Mais cela pourrait continuer. Si la tendance se poursuit, nous pourrions bientôt avoir une surreprésentation des enfants. Et dans cette situation, arriver à l'automne et la reprise de l'école. 


Manifestations et propagation du virus


Hennig: Nous avons également eu des manifestations ce week-end, les manifestations contre le racisme, qui sont des préoccupations importantes qui ne peuvent être reportées. Et le masque n’a pas toujours été porté. Cela vous frappe-t-il en tant que virologue lorsque vous regardez ces deux choses: espérons que cela n'augmentera pas le nombre de nouvelles infections.

Drosten: Oui, bien sûr. D'après ce que j'ai lu, il y a moins de contaminations à l'extérieur. Mais l'effet de tant de personnes au même endroit peut bien sûr jouer, et entraîner la formation de clusters. Heureusement, nous avons une incidence si faible en Allemagne en ce moment qu'il est tout à fait concevable qu'un grand rassemblement de personnes se réunisse sans infection. [...] Et complètement indépendamment du fait qu'un groupe aussi important de personnes soit dangereux ou non - je pense que oui - vous pouvez toujours espérer que, malgré tous les dangers, rien ne s'est produit parce qu'il n'y avait tout simplement pas de virus du tout.

* Note de l'éditeur: dans la version originale de cet épisode, Christian Drosten a fait des commentaires plus longs sur la base de données de l'étude de séroprévalence en Suède. Une erreur s'est produite dans la représentation de la sélection d'échantillon. Nous avons donc décidé de raccourcir ce passage. 


** La question de la journaliste disait "moins", mais il s'agit sans doute d'une erreur; dans l'étude en question, on voit que les enfants de 0 à 1 ans sont plus souvent positifs que les autres enfants