vendredi 22 mai 2020

Abattoirs, Nembro, H1N1, adjuvants. Podcast #42 du 19 mai 2020

La question des abattoirs

Korinna Hennig: Le sujet qui attire l'attention de nos auditeurs est ce qui se passe dans les abattoirs. Déjà d'un point de vue virologique: quelle est la probabilité qu'un virus contamine la viande du supermarché?
Christian Drosten: Je ne pense pas que ce soit problématique. Ces virus ne se transmettent pas de cette manière. La viande est conservée un certain temps, et puis ces virus ne sont pas très stables. Il faut savoir qu’à la surface d'un morceau de viande, il existe toutes sortes de substances biologiques qui attaquent également le virus ; des protéases, par exemple, des enzymes dégradant les protéines. Je n'ai aucune inquiétude à ce sujet maintenant, d'autant plus que la viande est également cuisinée, ce qui fait immédiatement disparaître le virus. Ce n'est pas un virus qui résiste à la chaleur. Ce n'est pas ça qui doit nous inquiéter avec les abattoirs. Aux États-Unis aussi, des transmissions ont lieu dans des abattoirs. Il faut se demander si ce ne sont que les conditions de vie précaires des employés, leur lieu de résidence qui est en cause, ou s'il pourrait y avoir un autre facteur impliqué, comme la température ambiante sur le lieu de travail - il faudrait enquêter. Si j'ai bien compris, les températures sont basses dans les abattoirs, on a des températures frigorifiques dans des pièces qui ont la taille d'un hangar. Je me demande de plus en plus si ces taux de transmission élevés dans les abattoirs ne préfigurent pas ce que nous connaîtrons cet hiver. Lorsqu'il fait plus froid, le virus se transmet mieux.
[...] Mais je n'ai pas trouvé de preuves ou de données à ce sujet dans la littérature. Il faut garder un œil dessus, mais il sera difficile de collecter ces données, de mener ces études.

 
L'étude de Nembro
 
Hennig: [Le débat sur la mortalité due au virus éclate continue]: Quelle est la relation entre le nombre de personnes décédées dans une région et le virus? Les chiffres sont-ils sur- ou sous-estimés? la cause de décès est-elle réellement liée au SRAS-2? Une étude épidémiologique italienne, à laquelle la Charité a participé, pourrait nous éclairer. Il s'agit de Nembro, une commune d’environ 11000 habitants gravement touchée, dans la province de Bergame, en Lombardie, dans le nord de l'Italie. Là, le nombre de décès a été comparé sur une période de 8 ans. L'un des résultats est qu'à la mi-avril, beaucoup plus de personnes sont décédées que sur une année entière. Nous parlons ici de la mortalité « toutes causes» - ce sont des décès avec des causes très différentes.


Drosten: [...] Ce qui est mis en avant ici est la surmortalité. Nous avons déjà parlé de publications dans les journaux où l’on voit qu'il y a une surmortalité très nette. Dans certains cas, cela n'a pas encore été précisément quantifié. Ensuite elle a de nouveau baissé parce que des mesures de lockdown ont été prises [...] Nous avons vu qu'il y a une surmortalité qui est beaucoup plus élevée que les décès dus au SRAS-2 signalés. Il y a aussi des cas qui n'ont jamais été diagnostiqués et qui n'ont pas été testés avec la PCR - par exemple, un décès à la maison. Il existe d'autres causes de décès qui sont indirectement liées à cette maladie - par exemple, lorsque les lits d'hôpital ne sont pas disponibles pour d'autres maladies ou lorsque les gens ne vont pas à l'hôpital par crainte d'être contaminés. Tous ces effets se cumulent.
 

Une étude a été réalisée dans un endroit en Italie qui compte 11 500 habitants. La mortalité normale est de 10 pour 1 000, de sorte que 10 personnes sur 1 000 meurent chaque année, généralement 10 pour 1 000, maximum 21. Et en mars, il y a eu 155 décès à cet endroit, soit 15 fois plus [...]. Cela signifie qu'en principe, tout le monde connaît directement ou indirectement une personne décédée de cette maladie. 

Hennig: La moitié environ des décès était due au coronavirus. 

Drosten: 85 cas confirmés ont été enregistrés. Il y a aussi eu quelques cas en avril. Au total, il y en a eu 178, dont 85 ont été confirmés en laboratoire.

Hennig: Un argument souvent avancé est que le système de soins en Italie a été détruit pas les politiques de restructurations, que la situation y est très différente de celle qu’on a en Allemagne. Cependant, les auteurs de l'étude ne le soulignent pas pour Nembro. Peut-on donc comparer avec un pays comme l'Allemagne?

Drosten: Oui, je pense que vous pouvez le faire. C'est une région relativement riche en Italie. Il est décrit ici que la structure médicale y est développée. Mais tout cela s'est produit de façon inattendue, on ne pouvait pas s’y préparer. Et oui, il y a plus de lits de soins intensifs en Allemagne, mais les auteurs ne veulent pas vraiment insister là-dessus. La situation n’est pas très différente dans le nord de l'Italie, où il y a beaucoup de personnes âgées. Mais chez nous aussi. Je pense qu'il est important d'en parler, car il y a toujours sur les réseaux sociaux ce discours que cette maladie est inoffensive, qu’elle n’est pas très différente d’une grippe saisonnière normale. Ici on voit que le virus n’a circulé que quelques semaines dans la population avant que le lockdown survienne et qu’on a une augmentation frappante de la mortalité. […] Les choses ne se sont pas calmées d’elles-mêmes. […]


Il y a un bon article du "New York Times" sur la ville de Kano au Nigeria. Lorsqu’on lit ça, on se rend compte qu'il s'agit d'une épidémie massive qui se déroule là-bas.[…] Soit dit en passant, la situation au Nigeria n'est pas si mauvaise, en comparaison. [...] On peut imaginer que le virus circule dans la population. Le journaliste a interviewé environ 100 personnes dans son cercle de connaissances, et presque toutes ces 100 personnes ont déclaré qu'au cours des dernières semaines, elles avaient eu des symptômes de rhume avec perte d'odorat et de goût. [...] Nous ne savons pas comment cette épidémie se manifeste réellement dans les populations africaines, qui ont moins de personnes âgées, mais davantage de [maladies parasitaires]. Nous verrons plus de rapports à ce sujet dans les prochaines semaines. […] Je pense que les médias en Allemagne, en particulier la télévision, devraient parler plus souvent de ce qui se passe à l'étranger. Pour autant que je sache, ce qui s'est passé à New York n'a pas encore été largement rapporté.[De nombreuses personnes en Allemagne ne se rendent pas compte de la situation car ils ne lisent pas] la presse anglophone.[...]
 
La pandémie H1N1 de 2009
 
Hennig: Je voudrais aborder un autre sujet que nous avons toujours dû remettre à plus tard. Historiquement, la pandémie de coronavirus peut être comparée à d'autres épidémies et pandémies. Beaucoup de gens se souviennent de la grippe porcine H1N1 il y a plus de dix ans. L'OMS avait émis un avertissement à l’époque et elle a récemment déclaré que le coronavirus était dix fois plus meurtrier. Avions-nous mal évalué la grippe porcine à l'époque?


Drosten: On a surestimé la gravité de la pandémie de grippe porcine, mais la façon dont c’est présenté aujourd’hui n'est pas non plus correcte. Nous savons aujourd'hui exactement pourquoi nous avons fait cette erreur. On ne peut pas non plus dire que cette grippe était anodine. Les personnes décédées dans le monde ont été aussi nombreuses que lors d'une saison de grippe, ni plus, mais pas non plus moins. Mais le profil d'âge était différent, les adultes d'âge moyen ont été davantage touchés. Et nous avions là un artefact immunologique que nous n’avons pas compris à l’époque. 20% seulement des personnes décédées avaient plus de 65 ans. Avec la grippe normale, ou avec le SRAS-2, cela concerne les personnes qui dépassent l'âge de la retraite. Avec la pandémie H1N1-2009, ce sont les adultes d'âge moyen, les 25 - 35 ans, qui ont été touchés. Je me souviens, à l'époque - j'étais virologue à Bonn - il y avait des adultes dans toutes les unités de soins intensifs, avec des pneumonies virales aiguës, pour qui on ne pouvait plus rien faire.


Il ne faut pas oublier que la pathogenèse de la grippe est différente de celle du coronavirus actuel. Dans le cas de la grippe, il existe un médicament antiviral pour ceux qui n'ont pas de protection immunitaire, le Tamiflu, mais il doit être administré très tôt. Et il y a des antibiotiques pour la phase ultérieure. Avec la grippe, il arrive souvent que vous ne mourez pas directement du virus. En 2009, il y avait souvent une pneumonie virale directe, mais il y a eu de nombreux cas d’infection bactérienne secondaire, durant laquelle le cours s’aggrave, mais qu’on peut traiter avec des antibiotiques. Avec ce coronavirus, [on ne peut pas utiliser les antibiotiques]. Nous avons un besoin urgent de recherches sur les médicaments antiviraux. Nous avons un besoin urgent de connaissances sur la façon d'utiliser les immunomodulateurs existants et même les médicaments antiviraux (le remdesivir), comment l'utiliser contre ce virus.


Hennig: Qu'est-ce qui peut expliquer que beaucoup de jeunes ont été affectés à l’époque? Les plus âgés avaient-ils quelque chose comme une immunité? 


Drosten: Oui, c’est ce qui s’est passé, mais à l’époque, on ne s’en doutais pas. Au début, les tests de laboratoire recherchaient des anticorps, et on ne pensait pas que le nouveau virus H1N1, qui était nouveau à l'époque, et l'ancien virus H1N1, qui était déjà présent dans la population, étaient apparentés. [On a donc conclu à l’époque qu’il n’y avait pas d’immunité croisée, ce qui était prématuré]. Et lorsque ce virus est arrivé, on a aussi évalué sa pathogénicité de base lors d'expériences sur des animaux. Il existe un modèle animal classique pour la grippe avec le furet […] [qui permet] d'effectuer des expériences de transmission, on peut observer comment un virus, par exemple, endommage les poumons. C’est ce qui a été fait relativement tôt. Et les résultats étaient clairs : ce nouveau virus H1N1 est au moins aussi nocif pour les poumons dans les expérimentations animales que le virus H3N2, le principal virus grippal en circulation à l'époque. [...]
Ce qu’on n’a remarqué après plusieurs mois était surprenant ; les personnes âgées ne tombaient pas si gravement malades. [...] On a vu que les patients qui avaient un certain âge avaient une immunité fondamentale - à la fois au niveau cellulaire et au niveau des anticorps, mais cela se voyait particulièrement bien au niveau cellulaire. Et nous savons aujourd'hui d'où cela vient, ce que nous ne savions pas à l'époque. […] L'ancien virus H1N1 offrait une protection croisée, malgré le peu de ressemblance. C'est toute l'incertitude que nous avons aujourd'hui concernant la question de la protection croisée du coronavirus du rhume commun avec le nouveau coronavirus... J'essaie toujours de faire des comparaisons avec la situation actuelle. Nous ne savons pas exactement à quel point cette protection croisée est solide. De nouvelles études sortent ces jours-ci, présentant à nouveau des données d’immunité croisée, mais certainement pas dans les mêmes proportions qu’à l'époque la pandémie H1N1 de 2009.


Il y a eu eu une pandémie en 1918, la grippe espagnole, et cette pandémie a été causée par un virus H1N1. Ce virus H1N1 a circulé jusqu'en 1957. En 1957, un virus H2N2, alors la grippe asiatique, est arrivé. Ce virus est resté jusqu'en 1968 et a été remplacé par le virus H3N2, la grippe de Hong Kong. Ce virus H3N2 circule encore aujourd'hui. Il n'a pas été remplacé par le virus H1N1 en 2009. Le virus H1N1 n'avait pas le pouvoir de remplacer ce virus H3N2. À ce jour, nous avons le H3N2 comme virus de la grippe. Mais ça se complique maintenant. En 1977, il y a eu une nouvelle petite pandémie, la grippe russe, due à un virus H1N1. Ce virus H1N1 est identique au virus H1N1 de la grippe espagnole et ses successeurs, qui a circulé entre 1918 et 1947 (sic) (je pense qu'il voulait dire 1957). Le virus a donc été réintroduit en 1977 après avoir complètement disparu pendant 20 ans, est revenu sous forme de petite pandémie et est resté jusqu'en 2009.


Hennig: Comment est-ce possible? 


Drosten: Nous ne le savons pas vraiment. Peut-être que dans une partie reculée du monde, par exemple dans des populations isolées du reste de l'humanité, un tel virus a été conservé et est revenu. On ne sait pas. En tout cas, ce virus est resté jusqu'en 2009. Avec le recul de 2009, nous avions maintenant deux groupes dans la population qui avaient une mémoire immunologique contre le H1N1. Et le groupe le plus important est le groupe de ceux qui ont eu leur première maladie grippale avec le virus de la grippe espagnole et son successeur direct jusqu'en 1957. On peut faire le calcul très facilement : 2009 - 1957 = 52. Tous ceux qui avaient 52 ans et plus à l'époque avaient eu leur première grippe avec le virus H1N1. Nous parlons du principe du "péché antigénique d'origine" (original antigenic sin), pour résumer grossièrement : la grippe que vous voyez en premier dans votre vie est celle contre laquelle vous avez la meilleure mémoire immunitaire.

[Et] Nous avons un autre groupe, à savoir les jeunes qui ont eu leur première grippe à l'époque de la grippe russe. C'était deux ou trois cohortes de naissances qui ont été affectées par cette grippe russe. Mais la plupart de ces générations avaient le virus H3N2 de 1968 comme "péché antigénique d'origine". Quelques cohortes ont eu leur premier contact avec cette grippe russe en 1977, avec le H1N1 à nouveau. Et ils ont 32 ans en 2009. Il s'agit en fait du groupe d'adultes d'âge moyen en bonne santé. Parmi eux il y a un sous-groupe qui avait probablement cette protection immunitaire. Et puis, depuis la grippe russe en 1977, le virus H1N1 a également été ajouté au vaccin. Cela signifie que nous avons également vacciné en parallèle jusqu'à la pandémie de 2009 contre un virus H1N1. Tous ces effets réunis sont une explication pour laquelle cette pandémie de grippe H1N1 a eu un impact beaucoup plus faible que ce à quoi on s’attendait. Il y a tellement de choses inattendues qui se produisent en même temps ; les études animales indiquent qu'il s'agit d'un virus relativement pathogène, les premières caractérisations en laboratoire du virus indiquent qu'il n'y a pas de réactivité croisée. Puis il s'avère qu’on a complètement oublié quelque chose d'important […] Mais aujourd'hui - il y a aujourd'hui de nombreuses accusations contre la médecine, contre l'épidémiologie, contre la recherche sur les vaccins etc certains disent « qu’ on a fait tout un foin à l’époque pour pas grand-chose en fin de compte. Et que cela se répète avec le SRAS-2, et ce sont les mêmes personnes qui en parlent ». Malheureusement, ce n'est pas si simple.

 
Les vaccins, les adjuvants
 
Hennig: Vous avez déjà mentionné le vaccin. Il y a eu beaucoup de critiques contre le vaccin H1N1, qui a été acheté en grandes quantités n'a pas pu être vendu aux gens car la volonté de se faire vacciner n'était pas si élevée. Était-ce un problème de communication? 


Drosten: Oui, le problème du vaccin de la grippe porcine de 2009 est un sujet très complexe, avec des allégations incroyables et totalement injustifiées, mêlées de théories du complot, où ne peut même plus argumenter. Mais la discussion sur la vaccination à l'époque était très complexe et il y avait également de nombreux malentendus. C'était une époque où nous n'étions pas aussi avancés qu'aujourd'hui dans le développement et la recherche de vaccins pré-pandémiques. Aujourd'hui, nous avons quelque chose comme le CEPI, une alliance de donateurs d'État conçue pour promouvoir le développement de vaccins entre le monde universitaire et l'industrie, en particulier pour les virus pandémiques émergents. […] On pensait que si une pandémie survient, il faut avoir une autorisation d'approbation en prenant des vaccins HN1 [...]- même si vous savez que vous ne les utiliserez pas du tout. C'était une très bonne idée à l'époque et le résultat a été qu'un vaccin pandémique contre le virus de la grippe porcine H1N1 a été fabriqué selon le modèle de base d'un vaccin prépandémique à virus H5N1. Il a été approuvé et était alors disponible sur le marché des vaccins. En même temps, d'autres vaccins H1N1 ont également été fabriqués qui n'étaient pas soumis à cette procédure d'approbation, mais qui ont été approuvés normalement. Il ne s'agissait pas de vaccins combinés comme ceux utilisés contre la grippe, où se trouvent tous les vaccins saisonniers. Au lieu de cela, il s'agissait de vaccins uniques. Tout cela a été fait au cours du premier semestre 2009 et les programmes de vaccination ont commencé à la fin de l'automne. Un contre-discours est né dans la société, pas seulement en Allemagne. Des allégations ont été faites, dont certaines se fondaient sur une mauvaise communication ; par exemple, il y avait différents vaccins en Allemagne. Et un vaccin, celui qui a été produit à l'aide de ce processus prépandémique, a été acheté par le gouvernement fédéral, tandis que les Länder ont acheté d'autres vaccins à d'autres fabricants préparés différemment. Une grande différence à l'époque était que ce vaccin commandé par le gouvernement fédéral n'avait pas d'adjuvant. Et une discussion a éclaté sur ces potentialisateurs, leur dangerosité, avec des arguments parfois assez farfelus.

Hennig: On a beaucoup parlé d’effets secondaires.


Drosten: Oui, exactement. (Drosten explique comment Bund et Länder ont dû commander des vaccins durant un temps très court) Mais encore de nombreuses choses ont été affirmées comme: «les fonctionnaires fédéraux reçoivent le vaccin sûr et les gens normaux reçoivent ce qui reste». Puis il y a eu la discussion sur les adjuvants, les potentialisateurs. Il faut dire qu'ils étaient nécessaires car on peut produire beaucoup plus de vaccin avec des potentialisateurs que sans. Sans eux, vous avez besoin de plus d'antigène vaccinal, mais la production de l'antigène est précisément ce qui manque dans une situation urgente. Durant une pandémie, on ne peut pas produire un nombre illimité de doses. Et dans la pandémie actuelle, nous serons également confrontés au fait qu'on ne pourra pas produire une quantité illimitée de vaccin.


Hennig: Peut-être pouvons-nous expliquer ce que sont ces amplificateurs.


Drosten: En principe, ces potentialisateurs sont différentes substances connues pour irriter le système immunitaire, ce qui fait que les globules blancs sont davantage attirés. Certains d'entre eux sont des produits chimiques relativement simples, utilisés depuis longtemps. Traditionnellement, il s'agissait de sels d'aluminium complexes. Cependant, de bien meilleurs adjuvants modernes sont produits par l'industrie pharmaceutique. [Certains améliorent] particulièrement bien la réponse immunitaire, avec peu d'effets secondaires. [...] Ces adjuvants sont ajoutés au vaccin pour le rendre simplement plus efficace. Et à ce moment-là, il y avait un nouvel adjuvant moderne et on a alors entendu : «Cela n'a pas été suffisamment testé, c’est mis sur le marché pour que nous servions de cobayes». […] Puis il y a eu une autre spéculation, [avec un autre] composant [prétendument] responsable de graves lésions neurologiques, voire de symptômes psychiatriques [...] Il y a même eu ce documentaire sur Arte...


Hennig: Profiteure der Angst. (en français : Grippe A, un virus fait débat) 


Drosten: Oui, voilà. Beaucoup de choses y sont résumées, de manière très mauvaise, où l'on entend des gens très unilatéraux, qui n'ont aucune idée sur ces questions et où des accusations graves sont portées. L'autre partie n'est pas du tout entendue. À ce jour, cette vidéo circule à nouveau parmi les complotistes ou dans les cercles anti-vaccination - maintenant avec la croyance qu’il pourrait y avoir une vaccination forcée contre le virus du SRAS-2. Tout part dans tous les sens, et certains chiffres cités sont faux. On a par exemple un soi-disant expert, qui intervient aujourd’hui à nouveau, qui parlait à l'époque d'effets secondaires de la vaccination de l'ordre de un pour mille - c'est complètement absurde. Aucun des vaccins qui étaient utilisés à l'époque, ou ceux utilisés aujourd'hui, n'a de tels effets secondaires. Un tel vaccin ne serait jamais autorisé. […] Cela s’ajoute aux accusations d’enrichissement personnel et de corruption d'experts médicaux, qui elles sont justifiées. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. C'est un argument qui apparaît dans ce film et qui revient dans le contexte de cette pandémie de SRAS-2.

Je dis cela parce que je suis moi-même exposé à de telles accusations. Les gens affirment publiquement: Drosten gagne de l'argent grâce à la pandémie. Quelqu'un a dit un jour que je gagnais de l'argent avec les diagnostics parce que nous les avons développés. Ce n'est pas vrai. Je ne gagne pas un sou avec ça. Et dans cette vidéo, d'autres accusations sont formulées; certains scientifiques siégeant dans des conseils consultatifs ainsi qu’à l'OMS et dans certaines sociétés pharmaceutiques qui perçoivent des salaires. Si cela atteint de telles proportions, si de tels conflits d’intérêts existent, ce n’est pas normal, c’est répréhensible. Je tiens également à dire que je doute que cela soit le cas aujourd’hui, mais je ne peux pas en juger non plus. Je ne peux vraiment parler que de moi. J'ai toujours dit ici dans le podcast que je n'ai rien à voir avec la recherche sur les vaccins, ce n'est pas mon domaine. Et je n'ai aucune relation avec aucune entreprise, je ne perçois aucun revenu supplémentaire, contrairement à ce que certains prétendent. [...]


Il existe des données extrêmement bonnes sur ces adjuvants. Je pense que nous pouvons déjà dire aujourd'hui qu'ils ne sont pas dangereux. Le fait est qu'ils sont utiles, surtout en cas de pandémie, car nous [pouvons] vacciner beaucoup plus de personnes. Il existe également des preuves que la réponse immunitaire est meilleure lorsque des potentialisateurs sont inclus. Il y a vraiment un très grand nombre d’observations cliniques […] nous avons de bons retours à tous les âges. Si ça n'était pas le cas, cela ne serait pas autorisé. Les critères d'approbation des vaccins sont extrêmement stricts et en principe nous n'avons pas besoin d'avoir cette discussion.


Hennig: Pensez-vous qu'il est possible que nous puissions également avoir une immunité croisée comme ce fut le cas avec le H1N1? Y a-t-il de l'espoir? 


Drosten: Je pense que la plus grande inconnue ici est cette question de l'immunité fondamentale. Il est vrai que certaines études sur l'immunité cellulaire suggèrent que les personnes qui n'ont jamais été en contact avec le virus du SRAS-2 montrent néanmoins une réactivité de leurs cellules mémoire T lors des tests de laboratoire. Vous pouvez donc voir qu'ils ont, bien que faiblement développés, une mémoire immunitaire contre un virus qu'ils n'ont jamais connu. Cela doit être dû au fait qu'il existe une certaine relation entre les propriétés protéiques de ce nouveau virus et les quatre coronavirus communs en circulation. Ces sites se retrouvent également dans le protéome de ces virus. Si vous les comparez les uns aux autres, il y a des endroits qui ont non seulement des similitudes entre eux, mais qui correspondent aussi aux cellules immunitaires. Nous disons que ce sont des épitopes de cellules T. Ce sont certaines zones de la structure protéique qui sont particulièrement bien adaptées pour être reconnues et présentées par ces cellules T.