vendredi 1 mai 2020

Podcast #24 et #25 des 30 et 31 mars: l’étude de Munich

Christian Drosten: Il existe une étude très intéressante faite à partir des cas survenus à Munich dans une fabrique de pièces automobiles. Il y a deux choses importantes : d’abord le taux de transmission. Là, en plus des transmissions intrafamiliales, nous avons également beaucoup de jeunes qui se sont rencontrés en privé ou qui vivent en colocation. A l’intérieur d’un même foyer, on a eu 10% de contaminations. C’est ce qu’on appelle le taux d'attaque secondaire (« attack-rate »). Les contacts au travail et pendant les loisirs sont peut-être encore plus intéressants pour l'évaluation du risque de transmission dans la vie quotidienne. Il s'agit d'un examen partiel très significatif. Nous avons eu 217 patients ici et onze d'entre eux ont été infectés au cours de cette période, presque tous avec des symptômes. 

15 minutes de conversation en face à face = risque

Anja Martini: Donc tout le monde avait de la fièvre? 

Christian Drosten: Oui, exactement de la fièvre ou des symptômes respiratoires. On a également enregistré des symptômes très légers, comme une irritation de la gorge. En fait, on peut dire tout au long de l'étude qu'un seul patient peut réellement être répertorié comme asymptomatique. Mais il s'est avéré qu’il avait en réalité quelques symptômes. Et il est important de préciser que 5 % de ces contacts dits à haut risque se sont infectés, contact à haut risque signifiant: 15 minutes de conversation en face à face. Un des cas a été contaminé en étant assis dos à dos avec une personne infectée dans une cantine et a demandé à l'autre: "Pouvez-vous me passer le sel?" et ça a été suffisant pour une contamination.

Anja Martini: Il faut donc vraiment garder ses distances, même lorsqu’on mange?


Christian Drosten: Oui, exactement. Nous devons garder nos distances. Nous en avons déjà discuté dans ce podcast. Avec les masques, c'est une mesure très importante. [Dans cette période de tension sur le marché concernant les masques, il est possible] de fabriquer un masque vous-même. C’est une bonne idée. Je protège l'autre contre mon infection qui ne s’est peut-être pas encore déclarée. Parce que je n'en sais rien moi-même. On signale ainsi à son environnement: vous êtes protégé car lorsque je parle, je n’émets pas de postillon. C’est une mesure de politesse. [...]


31 mars 


Contagion entre J -2 et J +5 de l'apparition des symptômes

Korinna Hennig: Monsieur Drosten, que signifie un taux de transmission de 10 % pour le développement de l'infection?


Christian Drosten: Eh bien, les 10 % sont le sous-ensemble des contacts familiaux. Il existe un autre grand groupe, à savoir 5%, constitué des contacts professionnels et de loisirs, à savoir les contacts à haut risque (15 minutes de conversation). Et le taux de transmission dans ce plus grand sous-ensemble est de 5 %. Mais quel est le taux réel? Parce qu’à Munich, on avait à la fois une étude observationnelle, mais aussi une intervention du service de santé. Cela signifie qu’on n’a pas seulement regardé comment les gens s'infectaient, mais on est intervenu, en incitant les infectés à rester chez eux en isolement, ce qui a réduit les contaminations. Avec cette maladie, on peut penser que l'infection commence deux jours avant l'apparition des symptômes. Dès lors, vous êtes contagieux. Et cela s'arrête probablement quatre ou cinq jours après le début des symptômes. [...] Je pense que le véritable taux d'attaque secondaire, la fréquence de l’infection en ayant un contact à risque avec quelqu’un de contagieux, est en fait un peu plus de 10 %, disons 12 %. C’est une estimation. 

Circulation des aérosols

Korinna Hennig: Vous avez décrit une situation qui a un peu attiré mon attention. Vous avez décrit une situation où deux personnes étaient assises dos à dos à la cantine et se sont juste passé la salière. Comment imaginer une telle infection? Les aérosols jouent probablement un rôle. Christian Drosten: Ils ont parlé très étroitement, et se sont probablement tournés l'un vers l'autre. Bien sûr, vous respirez et toussez devant vous, c'est vrai. Mais il y a aussi des mouvements d'air dans la pièce. Et il est vrai qu'un aérosol à gouttelettes moyennes resteront suspendus dans l'air pendant un certain temps. S'il y a un mouvement d’air, l’aérosol est transporté, c'est une situation que vous ne pouvez pas éviter.
Les masques faciaux n'apportent presque rien à l'autoprotection. Il n'y a pas vraiment de données scientifiques. Mais j’ai vu ce matin une publication qui évalue plusieurs études. Les auteurs arrivent à la conclusion qu’il n'y a aucune preuve scientifique que vous pouvez vous protéger avec des masques. Car [l’aérosol passe par les ouvertures sur le côté du visage et que] le tissu n'est pas non plus complètement imperméable à un tel aérosol.


[...]


PS: le thème des masques est développé dans le #28 du 6 avril 2020